Avis de tempête

En cas de victoire aux élections générales du 10 février, le Likoud de Benyamin Netanyahou serait très mal avisé de tenir tête aux États-Unis, désormais favorables à une reprise rapide du processus de paix.

Publié le 5 février 2009 Lecture : 5 minutes.

C’est fébriles et mal préparés aux choix importants auxquels ils sont confrontés que les Israéliens se rendront aux urnes, le 10 février. Une mauvaise nouvelle pour l’État hébreu lui-même, pour ses voisins et pour les perspectives de paix. L’électorat israélien va devoir s’échiner à imaginer des réponses à au moins trois questions importantes. Dans quelle mesure les retombées de la guerre dans la bande de Gaza affecteront-elles Israël ? Comment l’administration Obama envisage-t-elle les relations israélo-américaines ? Lequel des trois ou quatre hommes politiques en lice pour le poste de Premier ministre est-il le plus apte à prendre en main l’avenir de l’État hébreu ?

REVEIL DIFFICILE

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Si la guerre de Gaza a été perçue par une grande partie de l’opinion internationale comme une entreprise criminelle contre des civils sans défense, elle a, en Israël, provoqué une alarmante flambée de nationalisme triomphant. Nombreux sont ceux qui souhaitaient que l’offensive se poursuive jusqu’à ce que le Hamas soit réduit à néant et Gaza « rayée de la carte ». Tout en révélant le déplorable mélange d’arrogance et de paranoïa qui caractérise les relations d’Israël avec ses voisins, la guerre a mis au jour le racisme antiarabe qui irradie toutes les strates de la société, y compris dans les milieux de gauche. Pour l’exprimer en termes politiques, l’électorat israélien s’est nettement orienté à droite.

Selon les sondages, le Likoud de Benyamin Netanyahou, résolument opposé à la paix et à la création d’un État palestinien, a creusé l’écart avec le parti centriste Kadima de Tzipi Livni, lui-même peu suspect d’intentions pacifistes, tandis que le parti ultranationaliste, voire fasciste, d’Avigdor Lieberman, Israel Beiteinu (Israël Notre Foyer) pourrait distancer le Parti travailliste d’Ehoud Barak et devenir la troisième force politique du pays. Mais une fois retombée la ferveur, les Israéliens pourraient vivre un pénible réveil : les conséquences de la guerre seront probablement à l’exact opposé de ce que Barak, Livni et le Premier ministre sortant Ehoud Olmert ont tenté de faire. Israël devra constater que, loin de détruire le Hamas, la guerre l’a renforcé et lui a donné un surcroît de légitimité. Et que son agitation diplomatique ne saurait empêcher une forme de contact entre l’Union européenne et le Hamas – déjà prévisible, à l’initiative de la France –, suivi d’un dialogue entre les États-Unis et le Hamas, comme le recommande l’ancien secrétaire d’État James Baker et d’autres Américains influents. Loin de pouvoir maintenir son blocus sur Gaza, l’État hébreu subira d’intenses pressions pour ouvrir les points de passage. Loin de pousser un Hamas vaincu à libérer le caporal Gilad Shalit, Israël devra sans doute accepter de relâcher un millier de prisonniers palestiniens en échange de sa libération. Bref, loin de mettre la paix en veilleuse, comme l’espéraient les ultranationalistes et les colons avides de terres, la guerre a favorisé des initiatives internationales sans précédent pour parvenir à un règlement définitif du conflit israélo-palestinien – lequel implique un retrait israélien des territoires occupés depuis 1967.

UN TOUT AUTRE CONTEXTE

Le changement d’attitude de la Maison Blanche sera plus douloureux encore pour les va-t-en-guerre israéliens. L’État hébreu devra s’accommoder d’un président soucieux de restaurer les liens de l’Amérique avec le monde arabo-musulman. Dans une interview à la chaîne satellitaire Al-Arabiya, Barack Obama a déclaré : « Mon travail, désormais, consiste à affirmer que le bien-être du monde musulman sert les intérêts des États-Unis et que le langage que nous parlerons est celui du respect. J’ai des musulmans dans ma famille. J’ai vécu dans des pays musulmans. Il m’appartient de dire aux musulmans que les Américains ne sont pas leurs ennemis. » Jamais un président américain n’avait utilisé un tel langage. Plus précisément, Obama a déclaré qu’« il est possible pour [les États-Unis] d’envisager un État palestinien doté d’une contiguïté territoriale garantissant la liberté de circulation de sa population et permettant les échanges commerciaux avec d’autres pays, la création d’entreprises et d’activités afin de donner la possibilité aux gens d’avoir une vie meilleure… » Jamais un président américain n’avait ainsi condamné les pratiques comme la politique d’Israël. L’envoyé spécial d’Obama au Moyen-Orient, l’ancien sénateur George Mitchell, s’est déplacé dans la région pour prêcher la paix, la réconciliation… et les compromis territoriaux. Les futurs dirigeants de l’État hébreu évolueront donc dans un tout autre contexte.

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En Israël, la vie politique est chaotique et profondément fragmentée. C’est là le résultat d’un système électoral fondé sur une conception du scrutin proportionnel héritée du Yishuv (la communauté juive de Palestine sous le mandat britannique) quand, avant l’indépendance, une profusion de groupes divers voulaient faire entendre leur voix. Ce système veut que le nombre de sièges remportés par chaque liste soit proportionnel au nombre de votes qu’elle a recueillis. Même une liste ne représentant que 2 % des suffrages a droit à un siège à la Knesset. Résultat : aucun parti ne peut gouverner seul. Pour former une majorité, chacun des trois ou quatre partis importants – Likoud, Parti travailliste, Kadima ou, désormais, Israel Beiteinu – doit trouver un arrangement avec l’un de ses rivaux ou des nombreuses petites formations – comme le Shass, le National Religious Party, l’United Torah Judaism, le Meretz, sans oublier les partis arabes ostracisés. De telles coalitions ont tendance à réduire la marge de manœuvre de tous les gouvernements israéliens, surtout quand il s’agit de pourparlers de paix.

Mitchell va devoir affronter cette situation délicate. Conduire Israël, ruant dans les brancards et vagissant, à la table des négociations et obtenir un accord demandera beaucoup de doigté, de détermination et d’autorité, surtout si le prochain gouvernement est dirigé par Netanyahou. À la différence de ses prédécesseurs, Obama est en tout cas déterminé à faire pression en faveur de la paix, et ce dès le début de son mandat. Il bénéficie d’une autorité personnelle sans pareille et du soutien politique des Américains. Dépendant des États-Unis, tant sur le plan financier que militaire et politique, Israël serait très mal avisé de leur tenir tête ou de provoquer leur mécontentement. C’est là l’augure le plus favorable, et sans doute le seul, pour l’avenir de cette région profondément troublée.

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