Palerme accable Tuninter

Pour le moins sévères, les réquisitions du parquet dans le procès du crash d’un ATR 72 de l’ex-filiale de Tunisair au large de la Sicile ont été accueillies à Tunis avec une stupeur teintée de consternation.

Publié le 5 février 2009 Lecture : 3 minutes.

La justice italienne semble vouloir frapper fort dans l’affaire du crash de l’ATR 72 de la compagnie tunisienne Tuninter. L’accident – un amerrissage forcé – est survenu le 6 août 2005 au large de la Sicile. Il a coûté la vie à 14 passagers (tous italiens) et 2 membres d’équipage. 23 personnes ont survécu. L’appareil, qui effectuait un vol charter entre Bari et Djerba, s’était abîmé en mer après l’arrêt presque simultané de ses deux moteurs, quelques minutes seulement après le décollage. La manœuvre du pilote, un des commandants les plus expérimentés de cette compagnie, filiale de Tunisair, spécialisée dans la desserte des lignes intérieures, avait permis d’éviter que l’avion ne se disloque. Mais l’enquête a établi qu’une erreur humaine était à l’origine de la coupure des moteurs. Les équipes au sol et le mécanicien avaient malencontreusement installé une jauge d’ATR 42 sur l’ATR 72, et l’équipage du vol TUI 1153, pensant disposer de 3 000 litres de kérosène dans ses réservoirs, n’avait emporté que 240 litres lors de son ravitaillement à Bari. L’appareil était tombé en panne d’essence.

Emanuele Ravagioli et Marzia Sabella, les représentants du parquet de Palerme, se sont appuyés sur cette tragique défaillance pour réclamer un total de quatre-vingt-dix années de prison à l’encontre de neuf prévenus, tous restés en Tunisie. Les peines les plus lourdes – douze ans – ont été requises contre Chafik Gharbi, le pilote, aujourd’hui inapte, car souffrant de séquelles au dos, et Lassoued Ali Kebir, le copilote, son second. Le parquet a aussi demandé dix ans et huit mois contre le mécanicien, Nabil Chahed, et contre le directeur de la manutention. Enfin, neuf ans et quatre mois ont été requis à l’encontre de Moncef Zouari, le directeur général de la compagnie, et deux autres responsables exécutifs. Évidemment, ces réquisitions, qui remontent au 16 janvier, n’ont pas valeur de condamnation, et le procès, qui a démarré en février 2008, est encore loin de son terme. Les avocats de la défense – des professionnels du barreau de Rome, rompus à ce type de procédures, très techniques – ont commencé leurs plaidoiries le 23 janvier. Il n’empêche. Les réquisitions du parquet de Palerme, pour le moins sévères, ont été accueillies à Tunis avec une stupeur teintée de consternation.

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MEPRISE « PROVOQUEE »

La compagnie, rebaptisée Sevenair en juillet 2007 après sa restructuration, a choisi de faire profil bas et de ne pas commenter les réquisitions. Mais, au sein des équipages, des langues se sont déliées. « Tuninter a commis une erreur, c’est entendu, estime un membre du Bureau de coordination des pilotes tunisiens, mais on ne peut exonérer ATR [le constructeur franco-germano-italien] de toute responsabilité. Or les procureurs italiens n’ont pas dit un mot à son sujet. Habituellement, les avionneurs font en sorte que des pièces calibrées pour un type d’appareil ne puissent être montées sur un autre type d’appareil, précisément pour prévenir les risques de méprise. Il y a donc eu à tout le moins négligence. D’ailleurs, ATR s’est empressé d’en tirer les leçons, puisqu’il a modifié ses jauges d’essence après l’accident. Pareille erreur ne serait techniquement plus possible aujourd’hui. On veut faire porter le chapeau au pilote, car c’est le chef d’équipage. Mais devait-il démonter la jauge pour vérifier qu’elle avait été bien installée ? Quant au copilote, on ne peut pas l’accuser de quoi que ce soit dans cette histoire. Alors, oui, ces réquisitions paraissent franchement excessives, et on peut espérer qu’elles ne seront pas suivies par les magistrats… »

Le syndicat tunisien des pilotes de ligne devrait faire connaître sa position dans le courant de la première semaine de février. « Nous avons pris langue avec nos collègues de la péninsule et attendons la publication de leur communiqué, qui est en préparation, avant de réagir officiellement », explique un responsable du Bureau. Affaire à suivre… 

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