Sidya Touré : « Il faut d’urgence mettre en place un Conseil national de transition »

Le leader de l’Union des forces républicaines veut que la junte fasse de la présidentielle sa priorité. Sous les auspices d’une instance associant toutes les composantes de la société.

Publié le 5 février 2009 Lecture : 4 minutes.

Premier ministre de 1996 à 1999, Sidya Touré dirige l’Union des forces républicaines (UFR) depuis 2000. À un peu moins de 64 ans, ce spécialiste des finances publiques est en passe de mener son premier grand combat politique. La prochaine présidentielle, à laquelle il sera très probablement candidat, devrait être, si la junte joue le jeu, la première élection libre du pays. Comme le reste de l’opposition, il a plutôt bien accueilli l’arrivée des militaires au pouvoir, mais il exige aussi des garanties.

JEUNE AFRIQUE : Que faut-il faire pour réussir la transition ?

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Sidya Touré : Il faut d’urgence mettre en place le Conseil national de la transition (CNT), l’organe central, mais également une Cour spéciale de justice, pour suppléer à la Cour suprême, qui a été suspendue. La Cour spéciale, juge des élections, doit être composée de juristes compétents et impartiaux, pour que la Guinée ne connaisse plus les décisions électorales partisanes auxquelles la Cour suprême nous avait habitués.

Quels doivent être la composition et le rôle précis du CNT ?

Les propositions des différents partis convergent : le CNT peut être composé de 75 à 100 membres représentant les partis politiques, la société civile, les syndicats, les confessions religieuses et le CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement). Pour le présider, une personnalité respectée et neutre comme Mgr Robert Sarah [NDLR : ancien archevêque de Conakry, aujourd’hui en poste au Vatican] serait bienvenu. Faisant office d’Assemblée législative en cette période d’exception, le CNT doit définir toutes les règles du jeu dans un code électoral rénové. Il doit modifier la Constitution pour y intégrer des dispositions précises comme la limitation à deux du nombre de mandats successifs à la tête de l’État, laquelle a été supprimée en 2001 par Lansana Conté pour s’éterniser au pouvoir. La Loi fondamentale à venir doit renforcer les pouvoirs du Parlement, prévoir le poste et les attributions de chef du gouvernement, revenir à l’élection comme mode de désignation des chefs de quartier…

Il s’agit en un mot de revenir à la Constitution de 1990. Le cas échéant, l’âge limite pour se présenter, qui avait été fixé à 70 ans, serait de nouveau en vigueur. Alpha Condé et Jean-Marie Doré, deux de vos adversaires potentiels, seraient ainsi exclus de la course. Est-ce calculé de votre part ?

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Absolument pas. Cette question est d’intérêt public. Il revient au CNT d’en débattre pour trouver une formule.

L’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (Anad), la coalition emmenée par votre parti, pense, à la différence de toutes les formations de l’ex-opposition, qu’il faut différer les législatives, qui avaient été prévues pour le 31 mai prochain, jusqu’au lendemain de la présidentielle. Pourquoi ?

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Loin des petits calculs politiciens, ma position s’explique par la volonté de garantir la stabilité à notre pays. En Mauritanie, où les législatives ont précédé la présidentielle, la transition démocratique a débouché sur des frondes parlementaires répétées contre le chef de l’État et sur un nouveau coup d’État. Après cinquante ans d’indépendance, la Guinée a besoin de très sérieuses réformes qui ne peuvent être menées que par un chef d’État serein, soutenu par une majorité parlementaire stable. Et puis, pourquoi se précipiter pour organiser des législatives qui ne mettent fin ni à la transition ni aux sanctions internationales ? Comment va se dérouler la cohabitation entre une Assemblée élue et un organe d’exception comme le CNDD ?

Que pensez-vous des premiers pas du CNDD ?

Je crois qu’il gagnerait à fixer un cap, une perspective. Cela lui permettrait de rassurer la communauté internationale dans l’attente de gages pour lever les sanctions, mais aussi les acteurs politiques internes et la population.

Quelle est votre opinion sur le gouvernement formé le 14 janvier ? D’aucuns fustigent le nombre important de militaires en son sein…

La composition de cette équipe importe peu si elle agit comme un gouvernement de mission chargé de mener la Guinée à des élections transparentes. Ce qui peut poser problème, c’est peut-être sa taille. Le nombre de ministres – plus d’une trentaine – peut prêter à commentaire dans ce contexte de difficultés économiques.

Que peut faire le gouvernement pour juguler ces difficultés économiques ?

2009 est une année difficile, une année de récession mondiale. Elle sera difficile pour tous, a fortiori pour la Guinée. Une chose est sûre : en l’absence de fonds extérieurs, notre pays pourrait avoir des difficultés dans les mois à venir. L’activité économique s’est ralentie en attendant plus de lisibilité. Ce qui va réduire les recettes fiscales et douanières. L’État risque sous peu de connaître de sérieux problèmes de trésorerie.

Que pensez-vous des audits entrepris pour faire la lumière sur les détournements de fonds publics ?

Ils constituent une initiative salutaire. Il est indispensable d’élucider les raisons pour lesquelles la Guinée est passée d’une situation financière totalement assainie à la fin des années 1990 à la banqueroute d’aujourd’hui. Des remboursements et des inculpations sont nécessaires en guise d’exemples pour l’avenir.

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