Ceux qui font bouger l’islam
Ceux qui font bouger l
Depuis la Révolution iranienne jusqu’à la seconde guerre du Golfe, en passant par le 11 Septembre, l’actualité ne cesse de montrer un islam vindicatif, affublé de barbes et de voiles, revendiquant son islamité à coups de prêches haineux et de bombes meurtrières. Moins connus sont les tenants des courants modernistes lancés, à leurs risques et périls, dans une relecture du Coran, quand ce n’est pas dans une remise en cause de certains dogmes. À l’heure où une partie des masses musulmanes se réfugie dans une pratique littérale de la foi, ces acteurs d’une nouvelle interprétation du texte sacré en appellent à l’esprit contre la lettre et à la nécessité de rattacher l’islam au convoi de la modernité.
De fait, cette religion a toujours compté ses réformateurs et ses dissidents. Si les poètes et les écrivains ont été de tout temps des éléments perturbateurs (voir encadré p. 27), c’est dans les rangs de ses commentateurs, théologiens et grands cheikhs, pour la plupart, qu’elle a trouvé ses vrais réformistes. À preuve, la Nahdha (la « Renaissance »), au XIXe siècle, pendant musulman des Lumières, est née à l’initiative d’une élite essentiellement religieuse. C’est dans le sillage de ce mouvement que vont s’inscrire les modernistes du XXe siècle, en réaction à la montée du conservatisme. Car c’est l’activisme des Frères musulmans égyptiens et l’expansion du wahhabisme saoudien qui suscitent, dans les années 1960, la réplique de penseurs inquiets d’un retour en arrière au nom d’impératifs politiques et identitaires.
Alors que ces « nouveaux penseurs de l’islam », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Rachid Benzine (voir encadré p. 23), ont des parcours individuels spécifiques, leurs travaux, ou leurs prises de position, recoupent la même problématique : comment dénoncer l’islamisme en affirmant que l’islam peut et doit s’adapter à la modernité ?
Leurs ouvrages portent essentiellement sur quatre thèmes : l’interprétation du texte coranique, la relation entre politique et religieux, le statut de la femme et, enfin, la notion de guerre sainte (djihad), laquelle tend aujourd’hui, dans le discours des intégristes, à définir la relation à l’autre, le non-musulman en l’occurrence.
Si ces nouveaux penseurs se recrutent un peu partout en terres d’islam, certains pays se distinguent par leur dynamique réformiste. C’est le cas de la Tunisie, où l’on peut parler d’une vraie « école de Tunis ». Engagée par Tahar Haddad au début du XXe siècle et mise en pratique par Bourguiba dès son accession au pouvoir en 1956, la pensée réformiste tunisienne a fait des émules dans les générations suivantes. Le contexte occidental, marqué par la liberté d’expression, a lui aussi été propice au travail des réformateurs, mais aussi à toutes les formes de dissidence, jusqu’aux plus outrancières. Celles et ceux qui font bouger l’islam peuvent ainsi se répartir en cinq catégories.
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