Bilan en demi-teinte des investissements américains

Si les entreprises américaines sont toujours très actives dans les hydrocarbures sur le continent, leurs implantations dans d’autres activités restent beaucoup plus timides.

Publié le 27 janvier 2009 Lecture : 4 minutes.

En août 2008, peu avant la crise, l’Office américain de promotion des investissements privés à l’étranger (Opic) annonçait mobiliser 127 millions de dollars pour deux fonds de Private Equity dédiés à l’Afrique, Emerging Capital Partners (ECP) et Greylock Africa Opportunity. Tous deux sont nés sous le double mandat de George W. Bush, qui avait fait de l’investissement privé en Afrique l’un de ses credo. Une réussite ? Le bilan est plutôt en demi-teinte. Barack Obama modifiera-t-il la donne ?

Sans surprise, les entreprises américaines sont concentrées en Afrique centrale et de l’Est, et dans les États pivots, alliés traditionnels du pays : Ouganda, Madagascar, Ghana, Nigeria. Leurs investissements sont eux-mêmes peu diversifiés et généralement liés à l’exploitation d’un sous-sol riche (cobalt, uranium, chrome, manganèse, platine, diamants…), en RD Congo, au Gabon, en Zambie, au Botswana, en Centrafrique et en Afrique du Sud notamment. Newmont Mining, numéro deux mondial de l’or, est implanté au Ghana. En Namibie, l’usine phare de diamants du pays travaille pour l’américain Lazare Kaplan International Inc. Hydromine exploite la bauxite dans le nord du Cameroun et Geovic le cobalt et le nickel dans l’est.

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Plus que les mines, les gisements d’hydrocarbures aimantent depuis les indépendances les majors américaines, ExxonMobil, Chevron Texaco et ConocoPhillips en tête. Les États-Unis demeurent, malgré l’appétit chinois, le plus gros importateur de pétrole africain (30 % des exportations du continent). Ils continuent d’y investir, tels Anadarko au Liberia, Amerada Hess en Libye (via le consortium Oasis formé avec Conoco) ou la Trans Global Petroleum Ethiopia Ltd en Éthiopie.

Destination favorite, le golfe de Guinée est appelé à pallier la réduction des approvisionnements américains dans le Golfe arabe. Du Nigeria à l’Angola, du Cameroun au Congo-Brazzaville, la région devrait passer de près de 15 % du pétrole consommé aux États-Unis à 25 % d’ici à 2015. Les entreprises américaines, qui ont investi plus de 40 milliards de dollars dans ce secteur entre 1995 et 2005, ont programmé 30 milliards supplémentaires entre 2005 et 2010. Une stratégie facilitée au Nigeria, en Guinée équatoriale et à São Tomé, qui autorisent les sociétés étrangères à être majoritaires dans les consortiums pétroliers.

Sortir du pré carré

Dans leur sillage, les compagnies pétrolières et minières attirent des sociétés spécialisées dans les infrastructures, l’ingénierie. Une aubaine pour les Caterpillar, Halliburton ou encore Bechtel. Et pour les sociétés militaires privées (SMP), qui assurent la sécurité des gisements (Nigeria, Angola, Sud algérien…), à l’image du groupe EHC présent en RD Congo, au Niger, au Mali, en Algérie, en Mauritanie et en Sierra Leone.

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Mais si les États-Unis ont tardé à sortir de leur pré carré, ils pointent peu à peu leur nez dans la chasse gardée de la France. Et pas uniquement dans le pétrole. Dans la pharmacie, les géants (Pfizer, Ely Lilly…) ont des filiales en Tunisie, au Maroc et en Égypte, d’où elles veulent exporter vers l’Europe et le Sud du continent. Dans l’agroalimentaire, le leader mondial Cargill est actif dans le cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana, alors que dans l’énergie, General Electric séduit en Algérie… Au Cameroun, AES Corporation, qui a acquis la société nationale d’électricité – l’ex-Sonel, privatisée en 2001 – a créé en septembre 2008 Apco (Africa Power Company). Elle compte investir plus de 1,2 milliard d’euros d’ici à 2011 pour fournir de l’électricité au Sénégal, au Nigeria, au Ghana et à la RD Congo. De son côté, ContourGlobal a remporté la gestion et l’extension de la centrale électrique du Togo (176 millions de dollars).

Mais le mouvement de diversification demeure timide, à la différence de l’Afrique du Sud, qui attire depuis longtemps les privés américains (mines, finance, assurances, agroalimentaire et BTP). De quoi inspirer le Maroc, qui bénéficie depuis 2006 d’un accord de libre-échange avec les États-Unis. Ce qui a favorisé l’arrivée des équipementiers automobiles Delphi et Polydesign, celle de Fruit of the Loom dans le textile, Century 21 dans l’immobilier, et des grandes enseignes franchisées (McDonald’s, TGWF, Tommy Hilfiger…). Certains s’implantent via leurs filiales européennes, françaises le plus souvent. « C’est le cas de Minco », souligne Rabia el-Alama, directrice des programmes de la Chambre de commerce américaine au Maroc. Spécialisée dans l’électronique (aéronautique spatiale), Minco s’est installée à Nouaceur début 2007.

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Que fera Obama « l’Africain » ?

De fait, les marges de progression des privés américains en Afrique existent. Encore faut-il que les investissements se poursuivent malgré la crise. Et que les fonds tels qu’ECP, qui vient de prendre 90 % de Financial Bank, présente au Bénin, au Gabon et en Guinée-Conakry, ou Colony Capital, qui a promis 1,2 milliard de dollars dans le plan marocain Azur, continuent d’être actifs.

Paradoxe politique, « l’intérêt porté à l’Afrique est plus une tradition des républicains que des démocrates américains », souligne Philippe Hugon, économiste spécialiste de l’Afrique et directeur de recherches à l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques). Bush a encouragé l’aide (qui a triplé en huit ans, à 48 milliards de dollars) et l’arrivée de capitaux privés américains en Afrique. Le bilan est certes en demi-teinte. Que fera Obama l’Africain dans ce domaine ? Réponse très bientôt.

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