Communales 2009, mode d’emploi

Fruit d’une concertation entre les partis et le gouvernement, le nouveau code électoral a deux objectifs : consolider les acquis démocratiques et mobiliser les électeurs. Premier test lors de la consultation de juin prochain.

Publié le 27 janvier 2009 Lecture : 5 minutes.

À peine l’année 2009 a-t-elle commencé que les élections communales de juin occupent déjà l’actualité. Au cours du Conseil des ministres du 26 décembre, à Ifrane, le roi Mohammed VI a approuvé les projets de loi et les décrets votés au Parlement pour garantir la transparence de ce scrutin. Depuis novembre, les députés travaillent à une remise à niveau du cadre juridique des élections. Objectif : consolider les acquis démocratiques du royaume et mobiliser les électeurs. « Ces élections sont un test pour renforcer la confiance du citoyen dans ses instances représentatives », a affirmé le ministre de l’Intérieur, Chakib Benmoussa. L’abstention record enregistrée lors des législatives de 2007 – 37 % des inscrits seulement ont voté – est encore dans tous les esprits.

La réforme du code électoral votée en décembre a tout d’abord permis de simplifier les procédures administratives pour les votants. Depuis le 5 janvier, ces derniers s’inscrivent sur les listes électorales en fonction de leur lieu de résidence et non plus de leur lieu de naissance, comme c’était le cas auparavant. Les électeurs sont également tenus de présenter une carte d’identité personnelle pour pouvoir figurer sur les listes. « Ce toilettage des listes est une très bonne chose. Cela va permettre d’avoir une cartographie des électeurs le plus proche possible de la réalité et d’éviter les doubles inscriptions », se félicite le chercheur Mohammed Benhamou. Par souci de transparence, le code stipule que chaque parti pourra accéder à un extrait des listes électorales.

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Place aux jeunes et aux femmes

Mais les nouveaux articles du code doivent surtout permettre de renouveler le personnel politique local. Pour promouvoir la candidature des jeunes, très peu représentés dans les partis, l’âge d’éligibilité a été ramené de 23 ans à 21 ans. « Il faut montrer aux électeurs que les élus n’héritent plus de leur poste », note un parlementaire. L’article 288 bis prévoit par ailleurs de porter le taux de représentation des femmes à 12 %, contre 0,54 % actuellement. C’était l’une des recommandations les plus pressantes de Mohammed VI, qui avait souhaité que « les conseillers locaux puissent se prévaloir de l’apport de la femme marocaine, connue pour son intégrité, son réalisme et sa fibre sociale ». Chaque parti devra présenter une liste « réservée » aux femmes et recevra, pour chaque candidate élue, des subventions cinq fois supérieures à celles versées pour l’élection d’un homme. Financée par un « fonds de soutien » alloué dans le cadre de la loi de finances, cette mesure est saluée par la présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), Khadija Rebbah. « Jusqu’ici, les partis avaient tendance à mettre les femmes sur les listes de circonscriptions où elles n’avaient aucune chance de gagner. Aujourd’hui, l’incitation financière va permettre aux femmes d’avoir un nouveau positionnement dans les partis et d’être mieux représentées. » Comme l’a martelé Chakib Benmoussa, les partis vont devoir se responsabiliser pour « faire de ce scrutin une échéance de développement démocratique et pas seulement des paris politiciens ». Mais Khadija Rebbah reste vigilante : « Nous allons étudier de très près les résultats et nous verrons quels partis ont tenu parole. »

Pour de nombreux députés, la réforme du code électoral a en tout cas donné lieu à un modèle de concertation entre les partis et le gouvernement. « L’exécutif comme les partis sont conscients du déficit de confiance des citoyens à leur égard et veulent montrer qu’ils ont une vraie volonté politique de lutter contre les pratiques anciennes », analyse Mohammed Benhamou. En communiquant activement sur le nouveau code électoral, le gouvernement cherche à rassurer les électeurs, mais aussi à prévenir les élus que la vie électorale poursuit sa phase de moralisation. En témoigne le vote d’un texte sur « la cessation du mandat des conseils des communes urbaines et rurales », qui vise à faire respecter le mandat de six ans au sein des conseils. Jusqu’ici, il arrivait fréquemment que des conseillers communaux non reconduits lors d’élections continuent de siéger pendant plusieurs mois et d’exercer leurs prérogatives sans aucune légitimité. Les organes de contrôles, comme le ministère de l’Intérieur ou la Cour des comptes, seront également amenés à sanctionner plus sévèrement ces abus.

Réhabiliter la politique

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Pour le politologue Mohammed Tozy, si les réformes législatives prouvent que l’exécutif veut réhabiliter la politique, elles n’en restent pas moins très insuffisantes pour mobiliser des électeurs désabusés. « Les Marocains ont une vision déplorable de leurs élus locaux. Les textes ne suffiront pas à mettre fin au clientélisme, aux abus de pouvoir et à la dilapidation des biens publics, qui sont encore très répandus. » Une vision que partage en partie Habib El Malki, membre du bureau politique de l’USFP (Union socialiste des forces populaires), pour qui « il est plus question de pratiques que de textes » dès lors que l’on parle de politique locale.

C’est justement pour améliorer la gouvernance locale que la charte communale a elle aussi été amendée en décembre. Les attributions des conseils communaux ont été élargies, le budget local, qui n’avait pas été réformé depuis 1976, a été légèrement revu à la hausse et des outils d’information ont été mis en place pour rapprocher les élus des citoyens. Dans un souci de meilleure gestion, des députés USFP et PJD (Parti de la justice et du développement) ont proposé un amendement pour contraindre les conseillers à être titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur, au lieu du certificat d’enseignement primaire requis aujourd’hui. « On demande aux élus de comprendre les notions de planification stratégique et de maîtriser les technologies de l’information, alors que dans les communes rurales certains d’entre eux sont quasiment illettrés », déplore Khadija Rebbah. L’amendement n’a pas été retenu, mais la vivacité des débats à l’Assemblée prouve que la réforme de la charte était à la fois attendue et nécessaire. « Les réformes engagées sont bonnes, mais les textes doivent rester ouverts. Nous devons aller plus loin dans la perspective d’une réforme régionale », note Habib El Malki.

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Pour le ministère de l’Intérieur, la réforme de la charte jette les premiers jalons de la décentralisation voulue par le roi. Mais dans les conditions actuelles, il est peu probable qu’une véritable vie politique locale émerge à court terme. À l’Assemblée, des voix se sont fait entendre en faveur d’une refonte totale de la fiscalité locale. « Dans les communes rurales, 90 % du budget sont consacrés au fonctionnement. D’ailleurs, le budget d’investissement est habituellement appelé “surplus” », fait observer Mohammed Tozy.

Test majeur après la désaffection enregistrée aux législatives de septembre 2007, les élections communales seront observées à la loupe. Pour Mohammed Tozy, un abstentionnisme aussi important est peu probable dans la mesure où il s’agit d’un scrutin de proximité, où les enjeux sont clairs et les candidats connus. Mais la fébrilité des autorités cinq mois avant l’échéance montre que rien n’est acquis et que le chemin vers les urnes est encore long.

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