L’espoir Obama
En réservant son premier coup de fil à Mahmoud Abbas, e nouveau président des États-Unis laisse à penser qu’il va s’engager de manière active en faveur de la création d’un État palestinien viable. Un signal fort et bienvenu après l’offensive meurtrière d’Israël contre Gaza.
Le président Barack Obama a pris le monde arabe par surprise, le 21 janvier, en appelant Mahmoud Abbas, son homologue palestinien, pour l’assurer qu’il entendait bien « œuvrer avec lui en tant que partenaire pour instaurer une paix durable » au Moyen-Orient. Cette nouvelle bienvenue a été annoncée par le porte-parole d’Abbas, Nabil Abou Rudeina. Selon lui, Obama aurait aussi affirmé : « Ceci est mon premier coup de fil à un dirigeant étranger et je le passe quelques heures à peine après être entré en fonction. » Cet événement inattendu devrait redonner le moral aux peuples du monde arabo-musulman. Depuis huit ans, les Palestiniens souffrent cruellement du soutien inconditionnel accordé par l’administration Bush à Israël. En Cisjordanie, les colonies illégales n’ont cessé de se développer plus avant en territoire palestinien, tandis que la bande de Gaza, surpeuplée et soumise à un blocus, a subi trois semaines durant une agression brutale. Laquelle a détruit une grande partie de ses infrastructures et fait quelque 1 300 morts et 5 500 blessés.
Qu’Obama n’ait pas mentionné dans son discours d’investiture le conflit israélo-palestinien, qui est pourtant au cœur de la querelle entre l’Amérique et le monde arabo-musulman, a provoqué une profonde désillusion. Il n’a fait aucune référence à la guerre qui vient de retenir l’attention inquiète du monde entier. Comme si rien ne s’était passé. Ses mots ont sans doute remonté le moral des Américains, qui en avaient bien besoin. Mais pour beaucoup d’autres, cela a été une déception. Particulièrement peu loquace en matière de politique étrangère, il n’a fait état d’aucun agenda. Même du point de vue stylistique, son discours était laborieux et truffé de clichés, dépourvu de toute phrase mémorable. On était loin du meilleur Obama. Une ligne à propos du désengagement en Irak, une autre sur la perspective de « forger une paix bien gagnée en Afghanistan », quoi que cela puisse signifier, une vague référence à « la recherche d’une amélioration des relations avec le monde musulman » sur la base « des intérêts communs et du respect mutuel » et – dans ce qui était peut-être une référence codée à l’Iran – la promesse de « travailler avec de vieux amis et d’anciens ennemis » à réduire la menace nucléaire.
Mitchell, un émissaire de choc
Le discours d’Obama, plus moralisateur que profond, contraste avec celui prononcé le jour précédent par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, au milieu des ruines toujours fumantes du quartier général et de l’entrepôt principal de l’UNRWA (Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens). Ban Ki-Moon a dénoncé des bombardements « scandaleux » et « inacceptables ». Il a demandé que soient identifiés les responsables de ces possibles « crimes de guerre ». Avec une émotion évidente, il a pressé les Palestiniens de s’unir pour donner corps à leur rêve national – qu’il s’est engagé à promouvoir de son mieux.
Le 21 janvier, le Washington Post a révélé qu’Obama avait choisi l’ancien sénateur George Mitchell, 75 ans, comme envoyé spécial au Moyen-Orient chargé du conflit israélo-palestinien. D’origine libano-irlandaise, Mitchell passe pour un homme intègre. Il est à l’origine de l’accord de Belfast en Irlande du Nord – lequel a ouvert la voie à la paix dans cette province tourmentée. S’il veut sortir de l’impasse, Mitchell aura besoin du ferme soutien de la Maison Blanche. L’appel d’Obama à Abbas laisse entendre qu’il pourrait l’obtenir. Les Arabes ont longtemps eu quelque raison d’être déçus par des présidents américains peu enclins à affronter un Congrès fortement pro-israélien ou à défier le lobby israélien, qui, sous ses différentes formes, de l’Aipac au Washington Institute for Near East Policy, a modelé la politique étrangère de l’ère Bush au Moyen-Orient.
Obama connaît les faits. Au tout début de sa campagne électorale, il a été assez audacieux pour déclarer que personne n’avait autant souffert que les Palestiniens. Il soutenait alors qu’il était possible de défendre Israël sans pour autant approuver la politique expansionniste du Likoud. En 2003, il s’était opposé à la guerre en Irak et s’en était violemment pris aux dirigeants pro-israéliens qui, tel Paul Wolfowitz, faisaient pression pour renverser Saddam Hussein. Aucune allusion à ces prises de position dans son discours d’investiture. En lieu et place, un avertissement : l’Amérique est en guerre contre « un réseau de violence et de haine de grande ampleur ». Pour les Arabes et les musulmans, cela ressemble à un remake de la « guerre contre le terrorisme » de George W. Bush, aujourd’hui discréditée, et fait craindre qu’Obama ne rompe pas radicalement avec le passé.
Des paroles aux actes
Impossible de savoir comment le président compte honorer la promesse, faite au début de sa campagne, de se rendre dans un pays musulman durant les cent premiers jours de sa présidence afin d’y délivrer le message suivant : « l’Amérique n’est pas en guerre contre l’islam ». Si l’on en croit la rumeur qui circule à Washington, son choix se serait porté sur Jakarta. L’Indonésie est un pays à forte majorité musulmane, mais ce n’est pas un pays arabe. C’est là que le jeune Obama a vécu de 1967 à 1971. En s’y rendant, il pourrait tempérer l’hostilité musulmane sans pour autant soulever la colère d’Israël et de ses nombreux partisans aux États-Unis. Les mots, cependant, ne suffiront pas. S’il souhaite donner du poids à son message, Obama devra passer aux actes. Le massacre de Gaza a suscité beaucoup de colère chez les Arabes et les musulmans et la consternation partout dans le monde. S’il veut restaurer le leadership américain et étouffer le feu du radicalisme arabo-musulman, il devra dire clairement que l’Amérique ne compte plus tolérer les guerres et la cruelle oppression qu’Israël fait subir à une population palestinienne captive.
Avec son coup de téléphone à Mahmoud Abbas, Obama a envoyé un signal fort : il est déterminé à s’impliquer pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Certains observateurs espèrent plus encore. Ils attendent de lui une prise de position publique – avant les élections générales israéliennes du 10 février – par laquelle il s’engagerait à œuvrer à la création d’un État palestinien à Gaza et en Cisjordanie, avec Jérusalem-Est comme capitale. Seule une déclaration aussi audacieuse pourrait réfréner les colons ultranationalistes, toujours plus avides de terres, et favoriser l’émergence d’une « coalition de paix » israélienne. Car le triomphalisme des citoyens de l’État hébreu est tel qu’aucune issue de ce genre n’est à espérer des élections israéliennes.
En attendant, beaucoup reste à faire sur le terrain. Le fragile cessez-le-feu doit être consolidé, ce qui signifie, à tout le moins, un dialogue avec le Hamas. Le blocus de Gaza doit être levé. Et, surtout, les Palestiniens doivent mettre fin à la querelle stérile entre le Hamas et le Fatah pour pouvoir former un gouvernement d’union nationale à même de négocier avec Israël. Pour qu’émerge une nouvelle Autorité palestinienne, il faudra organiser au plus vite des élections en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Comme l’a très justement déclaré Ban Ki-Moon, c’est seulement s’ils parviennent à surmonter leurs différends que les Palestiniens pourront concrétiser leur rêve national.
La guerre d’Israël dans la bande de Gaza ressemble de plus en plus à une colossale bourde stratégique. Loin de détruire le Hamas, elle lui a donné une légitimité. Loin de diviser les Arabes, elle les a unis. Loin d’accroître la capacité de dissuasion de l’État hébreu, elle a poussé les Arabes – et l’Iran – à moderniser au plus vite leurs forces de défense. Loin d’améliorer l’image d’Israël, elle en a fait, aux yeux de beaucoup, un État voyou peu respectueux des lois internationales et de la morale commune. Contenir Israël – le renvoyer à ses frontières d’avant 1967 et calmer ses tendances meurtrières – est désormais devenu une obligation internationale. Obama sait qu’il n’échappera pas à cette responsabilité.
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