Dans l’enfer des prisons
Prises d’otages, incendies, évasions… Les établissements pénitentiaires, surpeuplés et insalubres, sont en ébullition. Une nouvelle mutinerie a éclaté à Libreville le 19 janvier.
Au matin du 19 janvier, un groupe de détenus incarcérés à la prison centrale de Gros-Bouquet, un quartier situé au nord de Libreville, attaque leurs geôliers. Trois gardiens, dont une femme, sont pris en otages. Les mutins tentent alors de mettre le feu aux bâtiments. Mais l’incendie est rapidement circonscrit. La suite de ce scénario est connue, tant ce mauvais film est inlassablement rejoué de pays en pays : les forces de l’ordre donnent l’assaut et parviennent à libérer les otages. Le coup de force se solde par la mort de deux prisonniers et fait une dizaine de blessés.
Au bout du compte, les mutins n’obtiendront rien de ce qu’ils revendiquaient : un dialogue direct avec le président de la République dans le but d’obtenir une amélioration de leurs conditions de détention. En effet, dans ces bâtiments vétustes construits en 1956, 1 500 personnes dorment les unes sur les autres. La prison de Gros-Bouquet n’est pas une exception, la grande majorité des prisons du continent est surpeuplée et insalubre. La Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco), la prison civile de Nouadhibou, en Mauritanie, et la quasi-totalité des grands établissements pénitentiaires d’Afrique subsaharienne sont régulièrement le théâtre de tentatives d’évasion massives ou de mutineries violemment réprimées. La misère des pénitenciers est telle que les détenus n’hésitent plus à risquer leur vie pour échapper à leur sort.
Pour la plupart construites avant les indépendances par l’administration coloniale, les prisons africaines ont assumé leur fonction « civilisatrice ». Elles se sont substituées aux châtiments de la société précoloniale tels que la lapidation, le bannissement, la captivité ou la vente aux négriers.
Cependant, l’institution carcérale n’a pas suivi les évolutions de la société. En dépit de l’explosion démographique, très peu de nouveaux établissements ont été construits par les États. Pour faire fonctionner ceux qui existent, les budgets nationaux n’y consacrent que de maigres ressources. La promiscuité y est telle que les violences sexuelles et les agressions entre détenus et contre les gardiens sont de plus en plus nombreuses. La malnutrition et l’hygiène catastrophique en ont fait des mouroirs. Au point que plusieurs condamnés à mort au Nigeria ont récemment attaqué en justice l’État fédéral et celui de Lagos pour être enfin exécutés.
Depuis la dernière mutinerie des prisonniers de la Maca d’Abidjan les 13 et 14 décembre dernier, la révolte continue de couver. Prévue pour « accueillir » 1 500 personnes, la maison d’arrêt compte près de 5 200 pensionnaires, dont des mineurs et des femmes. Petits délinquants et grands criminels se mélangent, compromettant la mission de réinsertion de l’administration pénitentiaire.
À Ouaga, la Maco n’est pas plus respectueuse des standards internationaux en la matière. Conçue pour 400 détenus, elle en accueille 1 400. Témoins de cette descente aux enfers, les gardiens ont eux aussi du vague à l’âme. Le 28 décembre, à la prison centrale de Kondengui, à Yaoundé, les matons se sont mis en grève pour réclamer de meilleures conditions de travail et une plus juste rémunération. Dès le 2 janvier, la gendarmerie a réprimé le mouvement, qui menaçait de s’étendre aux autres établissements du pays. Quelques jours plus tard, seize directeurs de prison ont été limogés et plusieurs dizaines de gardiens suspendus…
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