Vu de La Haye

Pour Gideon Levy, du journal Haaretz, Ehoud Olmert, Ehoud Barak et Tzipi Livni doivent rendre des comptes pour le bain de sang qu’ils ont provoqué.

Publié le 19 janvier 2009 Lecture : 3 minutes.

Quand les canons se seront enfin tus, viendra pour nous le temps des questions. Notre ferveur et notre insensibilité seront oubliées et nous pourrons peut-être voir Gaza dans toute son âpreté. Nous mesurerons alors l’étendue des massacres et des destructions, les cimetières bondés, les hôpitaux pleins à craquer, les milliers de blessés et de handicapés.

La question qui nous brûlera les lèvres, et que nous poserons avec autant de prudence que possible, est de savoir qui est coupable et qui est responsable. Cette fois, le monde ne pourra pas tout pardonner à Israël. Les pilotes et les artilleurs, les conducteurs de chars et les fantassins, les généraux et les milliers de ceux qui ont participé à cette guerre avec le même zèle vont mesurer l’étendue du mal et les conséquences des frappes sauvages. Peut-être n’encourront-ils aucune sanction ; ils se sont contentés de faire une guerre décidée par d’autres.

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Trois hommes d’État israéliens seront passibles d’un jugement politique, moral et judiciaire pour avoir envoyé l’armée combattre une population sans défense qui n’avait nulle part où se réfugier, en un lieu peut-être unique dans l’histoire : une bande de terre enclavée. Ehoud Olmert, Ehoud Barak et Tzipi Livni occuperont la première place sur le banc des accusés. Deux d’entre eux sont candidats au poste de Premier ministre, le troisième est candidat à une inculpation dans des affaires pénales. Il est inconcevable qu’ils ne rendent pas de comptes pour ce bain de sang.

Olmert est le seul Premier ministre à avoir mené deux guerres « choisies », et ce durant l’un des mandats les plus brefs. Celui-là même qui, à plusieurs reprises, s’est courageusement prononcé pour la paix a orchestré pas moins de deux guerres. C’est ce que l’Histoire retiendra de lui. En comparaison, les affaires d’enveloppes de cash ou de billets d’avion apparaîtront comme des broutilles.

Barak, leader du parti de gauche, portera le poids des fautes commises par Tsahal sous sa tutelle. Son bilan sera alourdi par le pilonnage de populations civiles, par les centaines de femmes et d’enfants morts ou blessés, les nombreux dispensaires ciblés, l’utilisation de bombes au phosphore dans des zones habitées, le bombardement d’une école dirigée par l’ONU et qui servait de refuge à des habitants qui se sont vidés de leur sang pendant des jours parce que Tsahal empêchait leur évacuation en tirant sans répit. Même notre blocus de Gaza, qui a duré près d’un an et demi, et dont les répercussions sont éclairées d’un jour nouveau par cette guerre, lui reviendra en plein visage. L’un après l’autre, ces coups révèlent des crimes de guerre.

On retiendra de Livni, la ministre des Affaires étrangères et leader du parti centriste, qu’elle a poussé à cette guerre, l’a légitimée, et qu’elle a gardé le silence sur ce qui se passait. La femme qui avait promis « une tout autre politique » était pleinement partie prenante. Il ne faudra pas l’oublier.

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Les Israéliens les jugeront-ils sévèrement, à la lumière des images qui nous parviennent de Gaza ? C’est hautement improbable. Barak et Livni sont en train de progresser dans les sondages. Le procès qui les attend ne se déroulera pas à l’échelle locale. Il est vrai que des hommes d’État étrangers ont, avec cynisme, applaudi Israël. Il est vrai que l’Amérique s’est tue, que l’Europe a bégayé et que l’Égypte a cautionné, mais d’autres voix se feront entendre.

Déjà, l’ONU et la Commission des droits de l’homme à Genève réclament une enquête sur les crimes de guerre dont Israël est accusé. Dans un monde où les dirigeants bosniaques et leurs homologues rwandais ont déjà été convoqués devant les tribunaux [Cour pénale internationale de La Haye, NDLR], une procédure similaire pourrait voir le jour à l’encontre de ceux qui ont fomenté la guerre de Gaza. Nos basketteurs ne seront plus les seuls à devoir honteusement se mettre à l’abri lors de leurs déplacements. Nos officiers ne seront plus les seuls à devoir se cacher dans les avions d’El Al pour ne pas être arrêtés. Cette fois, nos hommes d’État les plus hauts placés, les membres du cabinet de sécurité, risquent de payer le prix à titre personnel et au nom de leur pays. 

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