Le Maghreb en ébullition

De Nouakchott à Tunis, les manifestations de soutien aux Gazaouis se sont multipliées. Non sans de graves débordements et d’inacceptables dérapages verbaux…

Publié le 19 janvier 2009 Lecture : 5 minutes.

« Avec notre âme, avec notre sang, nous nous sacrifions pour toi, Gaza ! » ont scandé les militants de l’Istiqlal à l’ouverture de leur congrès, le 9 janvier, avant que le secrétaire général du parti, Abbas El Fassi, ne condamne la volonté belliciste d’Israël et réprouve ses opérations criminelles. Mohammed VI l’avait précédé, dès le déclenchement des attaques, avant de dépêcher ses diplomates et d’envoyer de l’aide alimentaire. Toute la classe politique s’est mobilisée, même si les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) se veulent les plus actifs. Leur leader, Abdelilah Benkirane, a reproché au gouvernement, qui a mis en place un compte bancaire pour centraliser les dons, de ne pas faire assez pour les Palestiniens. Et d’appeler à l’organisation d’un téléthon.

Dans la population, l’indignation est générale. Les Marocains ont massivement répondu à l’appel à manifester lancé par les associations et les partis. La marche du 4 janvier, à Rabat, a rassemblé des dizaines de milliers de personnes (un million selon les organisateurs). Ont suivi d’autres marches et sit-in dans toutes les grandes villes du pays. Les manifestants ont scandé des slogans de plus en plus hostiles à Israël, conspué les présidents Moubarak et Bush, arboré fièrement le keffieh, agité les drapeaux du Hamas et du Hezbollah… Un soutien de plus en plus aveugle qui conduit à d’inévitables dérapages verbaux malgré les appels à la retenue. Sur la Toile, on ne compte plus les internautes qui suggèrent le boycott des produits israéliens et américains. Les plus extrémistes incitent à la haine, sinon au meurtre des juifs et des sionistes. Des amalgames très graves qui inquiètent la communauté juive. André Azoulay, conseiller du roi, est devenu la cible de dangereux fanatiques sur Facebook. Il a même dû, en raison des insultes qui pleuvaient, quitter prématurément un match de basket. Pourtant, le président de la fondation Anna Lindh n’a jamais ménagé ses efforts pour la paix. De plus en plus de médecins demandent aux parents de préserver leurs enfants des scènes de violence afin de prévenir les traumatismes. Et certains de demander dorénavant des marches silencieuses. 

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Mauritanie

Depuis le début de l’offensive israélienne, les manifestations de solidarité avec les « frères palestiniens » se succèdent à Nouakchott. Le plus souvent à l’initiative des partis politiques, dont les membres battent le rappel de leurs troupes à bord de véhicules équipés de haut-parleurs. Notables, fonctionnaires, cadres, étudiants, écoliers, hommes et femmes : Gaza ratisse large. Le sujet transcende même les fractures politiques. Toutes les tendances se sont retrouvées dans le défilé du 7 janvier, considéré, malgré l’absence d’estimation chiffrée, comme l’un des plus importants que le pays ait connus.

À Nouakchott, toutes les manifestations suivent le même itinéraire. Elles démarrent avenue Gamal-Abdel-Nasser et s’achèvent devant les barrages de police qui protègent l’ambassade d’Israël, donnant parfois lieu à des affrontements avec les forces de l’ordre. Outre la Jordanie et l’Égypte, la Mauritanie est en effet le seul pays arabe à accueillir, depuis 1999, une représentation de l’État hébreu. Pour Ahmed, cadre dans une administration publique, c’est « une insulte aux Palestiniens ». Le 5 janvier, le général Ould Abdelaziz, chef de la junte au pouvoir, a rappelé l’ambassadeur mauritanien à Tel-Aviv. Officiellement pour consultations. Une mesure jugée insuffisante par la majorité de la population.

Algérie

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Marches de solidarité, mouvements de protestation, dons de sang, collecte de couvertures et de denrées alimentaires, envoi d’équipes de médecins et de médicaments, octroi d’une journée de salaire pour les Palestiniens, débats enflammés sur les plateaux de la télévision, couverture exceptionnelle dans la presse écrite, ruée sur les programmes d’Al-Jazira… l’Algérie vit à l’heure de Gaza. Pas un jour ne se passe sans que des manifestations soient organisées à Oran, Tlemcen, Tizi-Ouzou, Annaba, Béjaïa ou Sétif. Bravant l’interdiction qui frappe les marches à Alger en vertu de l’état d’urgence – toujours en vigueur depuis février 1992 –, plusieurs milliers de personnes ont envahi, le 9 janvier, après la grande prière, les rues de la capitale. L’imposant dispositif de sécurité mis en place ne les a pas dissuadées de crier leur colère, si bien que la manifestation a débouché sur des heurts et des arrestations, tandis qu’un journaliste du quotidien Ennahar a été grièvement blessé à la tête.

De nombreux jeunes ont défilé aux cris de « djihad pour la Palestine » ou « emmenez-nous à Gaza, donnez-nous des armes ». Même le roi du raï, Cheb Khaled, s’est dit prêt à prendre les armes pour aller combattre l’armée israélienne. Autre signe de cet engouement pour la cause palestinienne : les Algériens sont de plus en plus nombreux à arborer un keffieh. Dans les villes de l’intérieur du pays, certains n’ont pas hésité à brûler des drapeaux israéliens, tandis que d’autres ont peint l’emblème d’Israël devant l’entrée de maisons ou de commerces pour mieux le fouler au pied.

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Tunisie

Les Israéliens ont mis les Palestiniens de Gaza dans un ghetto d’où l’on n’a aucune chance de s’échapper et s’appliquent à les anéantir en les brûlant. Un crime de guerre… » Béchir, médecin, ne peut contenir son émotion. Au rythme des bombardements quotidiens, la colère monte dans un pays que l’on dit l’un des plus modérés du monde arabe. Le président Ben Ali s’est publiquement exprimé sur « l’agression sauvage » de Tsahal et a fait part de sa grande préoccupation « devant l’incapacité du Conseil de sécurité de l’ONU à parvenir à un arrêt immédiat de l’agression ». La solidarité s’est en outre exprimée par l’envoi de secours humanitaires, la collecte de fonds et de sang.

Côté manifestations, de tout temps très réglementées, on s’est contenté d’un « service minimum ». La principale marche, unitaire, a rassemblé plusieurs milliers de personnes le 1er janvier à Tunis et était encadrée par les dirigeants du parti au pouvoir, de l’opposition (à l’exception d’un seul parti) et des organisations nationales, dont la centrale syndicale UGTT. Cette dernière a aussi organisé des manifestations autorisées dans les principales villes du pays. Plus originales sont les manifestations pacifiques et spontanées de lycéens dans l’ensemble du pays. « En 2007, raconte Najet B., une institutrice, une fondation israélienne liée à Shimon Pérès a tenté de lancer une campagne de propagande destinée à nos enfants sur le thème de la paix. Nous étions quelques-uns à nous y opposer et le média tunisien sollicité y a renoncé. Nous avons bien fait : maintenant, Pérès couvre le massacre des enfants de Gaza. Nous devons plus que jamais boycotter les va-t-en-guerre israéliens. »

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