De fortes têtes pour une «dream team»
Métissée, pragmatique, débarrassée de toute idéologie et comprenant des républicains, l’équipe du nouveau président américain est à son image.
Bonne chance Mister President
Le sans-faute continue pour Barack Obama. Il a composé son gouvernement et son administration avec habileté, ici piochant dans les réseaux Clinton, là s’entourant des membres les plus brillants des think-tanks de Washington, et notamment du Center for a New American Security (CNAS), de la Brookings Institution et du Center for American Progress (CAP), où se côtoient démocrates et républicains, progressistes et conservateurs. Car, comme le rappelait David Axelrod, le stratège du futur président, à Jon Favreau, la « plume » chargée de rédiger le discours d’investiture du 20 janvier : « Barack veut plus d’esprit bipartisan et enveloppe tout ça avec une bonne citation de Lincoln. »
Effectivement, fidèle à la Constitution américaine qui demande « une union plus parfaite » et à ses promesses électorales, le président élu met ses pas dans ceux de son lointain prédécesseur Abraham Lincoln, qui déclarait : « Ma politique est de ne pas en avoir. » Traduit en langage moderne, cela veut dire « pas de politique préétablie » ou encore « pas d’idéologie ». Et c’est bien à cela qu’aspirent les Américains.
Ce principe a permis au nouveau président de proposer les postes les plus importants de son gouvernement à sa grande rivale démocrate, Hillary Clinton, nommée secrétaire d’État, au républicain Robert Gates, confirmé au secrétariat à la Défense, et à l’ancien subordonné de son adversaire républicain John McCain, le général James Jones, propulsé conseiller national à la sécurité. Afin de restaurer le leadership américain dans le domaine diplomatique, militaire et sécuritaire, il s’est donc doté d’un trio impressionnant et fort d’une expérience internationale qui lui fait encore défaut. Pour réconcilier l’Amérique avec la majeure partie de la planète tout en conduisant les deux guerres d’Irak et d’Afghanistan où l’a engagé son prédécesseur, ces fortes personnalités seront particulièrement crédibles.
Quatre ministres noirs
L’autre caractéristique de l’équipe Obama est son métissage. Pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, seule la moitié du gouvernement est d’origine blanche, se rapprochant ainsi de la réalité démographique qui prévaudra vers le milieu du XXIe siècle.
Sur les vingt ministres ou responsables ayant rang de ministre, onze sont blancs, quatre sont noirs (Eric Holder à la Justice, Lisa Jackson à l’Agence pour la protection de l’environnement, Ron Kirk comme représentant au Commerce, Susan Rice nommée ambassadrice aux Nations unies), trois étaient hispaniques jusqu’au retrait du secrétaire au Commerce, Bill Richardson, en raison d’une enquête ouverte à son sujet (avec Ken Salazar aux Affaires intérieures et Hilda Solis au secrétariat au Travail) et deux sont d’origine asiatique (Steven Chu, secrétaire à l’Énergie, et le général Eric Shinseki aux Anciens Combattants).
Sur le plan économique, la composition de cette équipe ne laisse aucun doute sur la volonté de Barack Obama d’éviter la répétition de la Grande Dépression qui a suivi le krach boursier de 1929. La plupart de ses membres sont issus de l’équipe de Robert Rubin, l’ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton. Aux premiers rangs desquels Lawrence Summers, nouveau directeur du Conseil économique national, et Peter Orszag, directeur du budget à la Maison Blanche. La nomination de Timothy Geithner au poste de secrétaire au Trésor reste, elle, incertaine en raison des soupçons qui pèsent sur ses déclarations d’impôts. Tous sont connus pour leur volontarisme et tous ont critiqué la mollesse des réactions de l’administration Bush face à la crise.
Des « pros » à l’économie
Ils sont complétés par deux personnalités connues pour leur rigueur : Paul Volcker, l’ancien président de la Réserve fédérale (FED), qui avait tenu tête aux présidents Carter et Reagan en maintenant des taux d’intérêts élevés, et Mary Schapiro, nommée à la tête de la Securities and Exchange Commission (SEC), le « gendarme » de Wall Street. Ils seront à la manœuvre pour combiner l’interventionnisme quelque peu keynésien de Barack Obama avec le respect du libéralisme, qu’aucun d’entre eux ne pense à remettre en cause.
Après les relations internationales et l’économie, le troisième domaine où le nouveau président marque une rupture avec son prédécesseur est l’environnement. D’abord, il a nommé à la tête du ministère de l’Énergie un scientifique, Steven Chu, Prix Nobel de physique, ce qui laisse espérer aux écologistes qu’il saura tenir tête aux lobbies industriels. Celui-ci a fait de son laboratoire un centre de recherche sur les énergies nouvelles et les agrocarburants. L’équipe gouvernementale chargée des questions d’environnement sera supervisée par la « tsarine » du climat, Carol Browner, ancienne collaboratrice de l’ancien vice-président Al Gore, qui travaillera avec Lisa Jackson, à la tête de l’Agence de protection de l’environnement, et Nancy Sutley, présidente du Conseil de la qualité environnementale. Une « green team » bien décidée à faire entrer les États-Unis en guerre contre le réchauffement climatique.
Certains commentateurs annoncent des tiraillements sévères entre des personnalités aux caractères aussi trempés. Les uns disent que ce n’est pas le déficit de sa campagne de 6 millions de dollars remboursé à Hillary Clinton par l’équipe Obama qui empêchera l’ancienne First Lady de faire cavalier seul sur la scène internationale. D’autres se demandent comment Robert Gates, qui était hostile à la fixation d’une date pour le retrait du contingent américain en Irak, travaillera avec un président qui sonne la fin de la présence des « forces de combat » en Irak pour 2010.
Chez les économistes, on s’interroge sur la cohabitation de Timothy Geithner avec Larry Summers, qui était son patron au Trésor et dont le mauvais caractère et les réflexions pas toujours de bon goût ont exaspéré notamment les femmes pour avoir évoqué leur « inaptitude intrinsèque » aux sciences ! Barack Obama a même demandé, un jour, à Summers : « Qui avez-vous insulté aujourd’hui ? »
À tous ceux qui doutent du cap que tiendra une équipe gouvernementale dont les membres ont vécu des trajectoires politiques différentes et affiché des positions très éloignées les unes des autres, le jeune 44e président des États-Unis répond avec la sérénité dont il a fait preuve au cours d’une campagne électorale sans merci : « La vision viendra de moi. » Et on le croit.
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