Bonne chance Mister President

Au lendemain de son investiture, le 20 janvier, les défis qui attendent le nouveau président américain sont énormes. La crise économique, le drame de Gaza, le retrait programmé d’Irak, l’Afghanistan, l’Iran… Tout est urgent et prioritaire. Les uns attendent ses succès, les autres redoutent des échecs. En tout cas, le monde va changer.

Publié le 19 janvier 2009 Lecture : 3 minutes.

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« Un élu, c’est un homme que le doigt de Dieu coince contre un mur. » Difficile d’imaginer meilleure illustration de cette petite phrase de Jean-Paul Sartre que la situation dans laquelle se trouvera, au lendemain du 20 janvier, le 44e président américain. Populaire certes, aux États-Unis et sans doute plus encore dans le monde, Barack Hussein Obama est confronté à la fois à une dépression économique sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et à un arc de crise, de la Palestine au Pakistan, qui exigera de lui quelques décisions majeures au cours des cent premiers jours de son mandat.

Le « front » intérieur est connu : réapparition d’un chômage de masse, casse-tête de l’assurance maladie, choix de société cruciaux (peine de mort, avortement, armes), retour des préoccupations sociales, environnement… Il y a là déjà de quoi absorber totalement l’énergie et le volontarisme politique d’un homme jeune, qui a fait du pari sur l’individu un axe essentiel de son programme.

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Tout aussi sensibles – et tout aussi attendus – sont les correctifs précis qu’Obama apportera aux multiples dérives de la lutte antiterroriste menée par l’administration Bush. Fermer Guantánamo certes, mais quand ? Où envoyer les deux cent cinquante détenus qui y croupissent encore ? Quid de l’usage de la torture et de sa pseudo-réglementation ? Que faire des « combattants ennemis » détenus par l’armée américaine en Afghanistan et en Irak ?

Sans pouvoir hiérarchiser les urgences, comme il l’aurait à l’évidence souhaité, le nouveau président va au même moment devoir choisir à l’extérieur parmi les plans de bataille préparés par le Pentagone pour relancer la traque des talibans et d’Al-Qaïda, tout en orchestrant le désengagement de l’Irak. Et comme si cela ne suffisait pas, le drame de Gaza est venu lui rappeler que son idée de déconnecter le « front central » de l’antiterrorisme du conflit israélo-palestinien, pour le déplacer vers l’Asie, était quelque peu naïve. « Tout est lié, disaient dans un remarquable livre d’entretiens paru à la veille de l’élection présidentielle ces deux vétérans de la politique étrangère américaine que sont Zbigniew Brzezinski et Brent Scowcroft, et tout est urgent. Nous sommes au pied du mur, avant d’ajouter : Les États-Unis sont la seule nation à pouvoir mobiliser les autres sur des enjeux mondiaux. Nous n’y parviendrons pas si le monde nous déteste.* »

Tout récemment, dans une tribune publiée par le New York Times, l’ancien secrétaire d’État Henry Kissinger, après avoir mis en garde l’administration Obama contre le piège d’une popularité initiale conçue comme une rente de situation, n’hésite pas à voir dans cette accumulation « historique » de défis une chance pour l’avènement d’un « nouvel ordre international », dont l’axe essentiel serait sino-américain.

À l’aube d’une présidence qui n’a jamais suscité autant d’espoirs, chacun s’apprête à juger l’élu à l’aune de ses propres exigences. « Qui est Barack Obama ? » Question récurrente posée pendant la campagne électorale par les adversaires du candidat démocrate certes, mais aussi par nombre d’observateurs. On ne devrait guère tarder à avoir la réponse, même si pour l’instant un certain flou continue de prédominer. On le sait d’un grand calme, maître de lui-même, d’une sérénité quasi socratique, inconnu à la case colère. Mais on sait aussi que celui qui fut un élu local et un sénateur très discret, souvent abstentionniste lors des votes importants, a mené jusqu’ici sa carrière politique sous le sceau d’une très grande prudence dans la gestion du risque. Consensuel, bipartisan dans l’âme, il s’apprête à gouverner avec une équipe contrastée, bâtie sur le modèle de la Team of Rivals d’Abraham Lincoln, sa référence. Des personnalités fortes, d’opinions souvent divergentes, entre lesquelles il lui faudra arbitrer et parfois trancher. Y parviendra-t-il ? Ou choisira-t-il le plus souvent d’éviter la confrontation et de mettre de l’eau dans son vin, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de vin ? Une chose est sûre : le mercredi 21 janvier au matin, après le dernier tour de valse et l’extinction du dernier lampion de la fête, le symbole mythique du Noir à la Maison Blanche aura vécu. Place au président des États-Unis d’Amérique.

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* L’Amérique et le monde, entretiens avec David Ignatius, Nouveaux Horizons, Paris, 2008.

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