L’an I de Barack Obama
Riche semaine : deux événements aux conséquences planétaires se suivent et s’enchaînent.
• La guerre de Gaza, dont je pense qu’elle aura trouvé son épilogue pour le 20 janvier, date du départ à la retraite de George W. Bush.
• Le début, ce 21 janvier, de ce que l’on appellera sans doute « l’ère Barack Obama ».
Si elle s’achève d’ici au 20 janvier, la guerre de Gaza aura duré trois longues semaines et fait, du côté palestinien, plus de 1 000 morts et de 5 000 blessés, soit 300 victimes, dont 50 tués, par jour, parmi lesquels une proportion trop élevée de femmes, d’enfants et d’hommes non combattants.
On n’a pas assez relevé, à mon avis, que cette guerre est, en fait, la dernière de G.W. Bush : elle n’aurait pas eu lieu s’il ne l’avait permise, couverte et expressément justifiée ; elle aura, en tout cas, rempli jusqu’aux derniers jours l’ultime mois de son règne de huit ans, ponctué par trois autres conflits armés (qu’il a voulus, fait durer – et dont il laisse à son successeur le soin de réparer les dégâts).
Par faiblesse ou pour des raisons que lui seul connaît, G.W. Bush a pris la très lourde responsabilité de donner un soutien sans faille ni équivoque à toutes les décisions des deux Premiers ministres d’Israël, Ariel Sharon et Ehoud Olmert, qui se sont succédé au pouvoir depuis le début de 2001, date de son entrée à la Maison Blanche.
L’un et l’autre – Olmert tout récemment encore – se sont vantés publiquement d’avoir obtenu de lui tout ce qu’ils lui ont demandé. Mais a-t-il, ce faisant, rendu service à Israël ? A-t-il défendu les intérêts de son pays ? A-t-il servi la paix ? Peu de gens le croient.
Meurtrière, destructrice et inégale, la guerre de Gaza a révulsé les opinions publiques et pas seulement celles de pays arabes ou musulmans. Mais sans que soit infléchie un tant soit peu la détermination de ceux qui l’ont déclenchée : ils ont pu la mener avec la plus grande violence, en allant le plus loin possible, sans aucune considération pour les dégâts.
Je suis, pour ma part, très sévère avec les dirigeants des deux camps, et je pense que nous devrions tous l’être : cette guerre n’était nullement nécessaire et je ne vois pas en quoi elle a pu se révéler utile.
Après cette hécatombe dans laquelle ils se sont laissé entraîner, les protagonistes n’obtiendront rien qu’ils n’auraient obtenu sans guerre, par le dialogue et la médiation.
Les dirigeants du Hamas n’avaient pas le droit d’exposer leur peuple aux coups d’un ennemi mille fois plus riche, plus puissant et mieux armé, adossé à la plus grande des puissances alors qu’eux-mêmes étaient et sont sans lignes de communication et sans vrais alliés, en dehors de l’Iran (lointain et lui-même assiégé) et peut-être de la Syrie.
Des dirigeants responsables et qui aiment leur pays ne vont pas à la guerre dans ces conditions, tentent de l’éviter et, en tout cas, ne la provoquent pas.
Des dirigeants moyennement habiles ne liguent pas contre eux 99 % de l’opinion publique de leur adversaire.
Du côté israélien, ceux qui ont voulu la guerre et l’ont menée sans retenue sont le Premier ministre (en sursis) Ehoud Olmert, le ministre de la Défense Ehoud Barak et la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni.
Ces deux derniers sont candidats à la succession d’Olmert et engagés dans une surenchère électorale avec le chef (Likoud) de l’opposition Benyamin Netanyahou.
Ni en Israël ni à l’extérieur, on ne reconnaît une stature morale ou politique à ces quatre politiciens. On pense d’eux, généralement, que ce sont des cyniques et des opportunistes qui n’hésitent pas à gaspiller le capital de leur pays et à « casser du Palestinien » pour faire avancer leur intérêt personnel.
Ce qui crève les yeux en tout cas, c’est que la paix avec les Palestiniens ne les intéresse pas le moins du monde. Un Palestinien on ne peut plus pacifique et modéré, le directeur de cabinet de Mahmoud Abbas, Rafic Husseini, est lui-même parvenu à cette évidence. Je le cite :
« Président de l’Autorité palestinienne depuis quatre ans, Mahmoud Abbas n’a cessé de répéter qu’il voulait faire la paix, qu’il reconnaissait l’État d’Israël, qu’il se contentait d’un État sur 22 % de la Palestine historique, qu’il souhaitait avoir avec Israël des relations de bon voisinage.
Ce qu’a fait Israël est complètement à l’opposé de ce qu’il faut !
En réalité, les Israéliens ne veulent pas de l’approche de Mahmoud Abbas. Ils préfèrent celle du Hamas parce que c’est plus facile d’avoir affaire à des militants que l’on qualifie de terroristes en affirmant qu’ils ne veulent pas la paix.
Toutes personnalités confondues, le leadership israélien ne croit pas à un État palestinien. Ce qu’ils veulent, c’est se débarrasser de la population et garder le maximum de terres. »
La guerre de Gaza aura affaibli le Hamas militairement mais en le renforçant politiquement. Si c’est cela que voulaient les dirigeants israéliens, ils ont atteint leur objectif et donnent raison à M. Rafic Husseini.
« L’ère Barack Obama » commence donc ce 21 janvier 2009. Croisons les doigts et prions pour que les fruits tiennent la promesse des fleurs.
À ce stade, je n’ai à en dire que ceci :
1) Il s’agit, en fait, d’une ère Barack et Michelle Obama.
Elle et lui le disent, ceux qui les connaissent le confirment : Michelle a une très grande influence sur Barack, et ce dernier le reconnaît. Leur couple est formé par deux entités entre lesquelles s’est nouée une rare complémentarité.
Il y a déjà douze ans, ils disaient ceci l’un de l’autre :
Lui : « Michelle est une personne forte, elle sait qui elle est et d’où elle vient… Je peux être moi-même avec elle, elle me connaît bien, je lui fais entière confiance. »
Elle : « Barack m’a aidée à vaincre ma timidité, à affronter des risques… Il est plus audacieux, je suis plus prudente… Il est plus extraverti, plus expansif. Moi je suis plutôt du genre “attendons de voir comment ça se présente et ce que cela rapporte”… »
2) Barack Obama a fait, tout au long de 2008, avant et après son élection, ce qu’on appelle « un parcours sans faute ». Il a constitué une équipe en choisissant « les meilleurs et les plus brillants », et élaboré un programme de travail qui couvre deux ans, la moitié de son premier mandat.
Le voici au pied du mur ! Aux États-Unis et dans le reste du monde, on attend beaucoup de lui.
Plus qu’il ne peut donner, même s’il était magicien.
Pour évaluer sa prestation de 2009, je propose que, dans un an, nous nous posions la plus simple des questions : avons-nous encore, en ce début de 2010, autant d’espoir et de confiance en lui que le 21 janvier 2009 ?
Si, comme je l’espère, notre réponse est alors positive, il aura passé le premier test, le plus périlleux.
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