La polygamie prouvée par Mitterrand, Marx et Freud


Publié le 13 janvier 2009 Lecture : 2 minutes.

Mercredi 10 décembre, vers midi. Grand moment d’exégèse islamique sur Al-Jazira. Le cheikh Ibrahim al-Khouly, docteur de la prestigieuse université Al-Azhar, défend fougueusement la polygamie. Comment le fait-il ? En s’appuyant sur le Coran ou sur le hadith ? Pas du tout : il s’appuie sur… le cas Mitterrand (paix à son âme) : « J’ai vu, de mes yeux vu, tonne le vénérable cheikh, la maîtresse de Mitterrand se tenir à quelques mètres de sa femme légitime. N’est-ce point là de la polygamie déguisée ? Nous, au moins, on fait les choses dans les règles. » Et de s’attendrir sur le cas Mazarine. « Si Mitterrand avait été musulman, la jeune innocente [sic] n’aurait point eu besoin de vivre cachée pendant vingt ans. » Le pieux homme semble confondre des affaires différentes, il croit peut-être que Mazarine a vécu enfermée à la Bastille, comme le Masque de fer, ou dans une cave comme Natascha Kampusch. Mais passons…

À 12 h 17, il profère cette phrase superbe : « Clinton et Monica, s’ils s’étaient mariés, n’eût-ce point été plus digne pour eux deux ? Et pour Hillary également ? » On ne peut qu’acquiescer à cette belle fleur de rhétorique. Sur le plateau, personne n’eut le mauvais goût de demander pourquoi Hillary n’aurait pas eu, dans ce cas, le droit d’épouser un deuxième larron pour occuper ses loisirs pendant que Bill aurait batifolé avec sa Lewinsky devenue légitime. Posons donc ici la question, au cas où le cheikh Ibrahim lirait J.A.

la suite après cette publicité

La contradictrice de service, la doctoresse Iqbal, osa évoquer la surpopulation de l’Égypte, conséquence selon elle de la poly­gamie. Réponse d’anthologie du cheikh : « Dieu a créé les catas­trophes naturelles et les épidémies pour contrebalancer la croissance de la population. » Nous voilà rassurés.

Ensuite, comme souvent dans ce programme, le modérateur se mit à citer des sources fantaisistes et des « faits » farfelus. L’université de Sheffield, en Angleterre, aurait prouvé que le secret du bonheur, c’est que chaque homme ait deux épouses (« chacune n’ayant à supporter qu’une moitié d’Anglais, les épouses seraient effectivement plus heureuses », commenta la malicieuse Iqbal). Après la Seconde Guerre mondiale, la polygamie aurait été autorisée en Allemagne pour repeupler la République fédérale. Personne ne contesta ces affirmations ahurissantes du modérateur. Au contraire, le cheikh enfonça le clou en citant Darwin (s’il avait été polygame, il n’aurait pas eu le temps d’écrire son œuvre malfaisante), Marx (qui fit un enfant à sa bonne) et Freud (qui passait ses vacances avec sa belle-sœur)… pour mieux justifier la polygamie.

Admirons l’habileté du cheikh, qui a évité l’argument d’autorité (Dieu l’a voulu ainsi, point final) et n’a cité que des hommes politiques et des grands penseurs européens, même si c’est leurs secrets d’alcôve qu’il a utilisés plutôt que leurs idées. Moi, il m’a convaincu. Comment résister à Darwin, Marx et Freud ? Reste à trouver quatre luronnes qui voudraient bien partager 50 m2 avec un (frais) disciple du cheikh Ibrahim…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires