Le Che et la mère courage
De nombreux films politiques ou sociaux marquent ce début d’année. Deux d’entre eux méritent intérêt : le très attendu Che, avec Benicio Del Toro, et le plus esthétique Barrage contre le Pacifique.
Les hasards de la programmation nous proposent en ce tout début d’année 2009 toute une série de films directement ou indirectement politiques. Aucun de ceux-ci n’évoque véritablement la sombre situation actuelle dans le monde, et plus particulièrement la crise du capitalisme, dont les conséquences ravageuses apparaissent chaque jour un peu plus. Mais tous, et en particulier Che et Barrage contre le Pacifique, traitent à leur manière de ces situations insupportables qui provoquent des réactions allant des simples protestations jusqu’aux révolutions.
Très attendu, Che, de Steven Soderbergh, est une gigantesque fresque en deux parties, intitulées respectivement « L’Argentin » et « Guérilla », consacrée au guérillero le plus célèbre du XXe siècle. Ces deux films biographiques, qui sortent à trois semaines d’intervalle, peuvent se voir indépendamment. Ils traitent de deux épisodes différents de la vie de l’icône des révolutionnaires réels ou (surtout) autoproclamés.
Le premier raconte sur le mode épique l’engagement du jeune médecin argentin dans la guerre de libération dirigée par Fidel Castro contre le dictateur cubain Batista jusqu’à la prise du pouvoir des barbudos à La Havane, il y a aujourd’hui exactement cinquante ans. Le second nous convie à accompagner, au jour le jour, Ernesto Che Guevara et une poignée de compagnons d’armes quelques années plus tard en Bolivie, où il devait trouver la mort après avoir échoué à organiser un nouveau maquis révolutionnaire.
Il suffit de savoir que l’œuvre du « gringo » Soderbergh a été acclamée à La Havane, où elle a été présentée en avant-première en décembre dernier dans l’imposant théâtre Karl-Marx, pour comprendre qu’on est là en présence de films hagiographiques. Le choix même des tranches de vie montrées à l’écran y poussait. Avec « L’Argentin », le spectateur assiste, étape après étape, à la victoire de guérilleros courageux dévoués au peuple et s’attaquant à un régime pourri, « vendu » à l’impérialisme américain.
Enjeu historique
Avec « Guérilla », le dernier combat du Che dans les montagnes latino-américaines conduit apparemment à une défaite. Mais tout indique que son lent cheminement le mène, au contraire, vers la gloire du martyr – puisqu’il sera exécuté sommairement après avoir été capturé vivant. Ce récit nous fait comprendre ainsi comment a pu se forger le mythe Guevara.
Ce n’est évidemment pas un hasard si des épisodes plus sombres du parcours du Che – sa participation à un pouvoir très autoritaire à Cuba ou son expédition révolutionnaire ratée au Congo, par exemple – n’ont pas été évoqués.
Il n’en reste pas moins que le talent de Soderbergh, même s’il a souvent trouvé à mieux s’employer, l’enjeu historique du sujet, bien qu’il ne soit traité que partiellement, et la dimension du personnage principal, fort bien incarné par Benicio Del Toro, suffisent à conférer à ce portrait cinématographique un réel intérêt. Méritait-il pour autant une durée totale dépassant les quatre heures ?
Le cinéaste cambodgien Rithy Panh, en adaptant le célèbre roman autobiographique de Marguerite Duras Barrage contre le Pacifique, propose pour sa part un portrait d’une tout autre nature. Le film, qui se passe au Cambodge dans les années 1950, raconte le combat désespéré d’une mère fort originale, certains disent folle, qui élève seule ses deux enfants post-adolescents et tente de rendre cultivable une concession agricole régulièrement inondée par la mer. Elle a été flouée par les autorités de la colonie indochinoise qui lui ont vendu ces terres impossibles à transformer en rizières. Ce récit peut être perçu comme un mélodrame tourné de façon classique avec de superbes images. On peut aussi, et c’est évidemment préférable, s’intéresser plutôt au contexte dans lequel se déroule l’histoire, très bien rendu par le réalisateur, un remarquable auteur de documentaires politiques sur le génocide cambodgien. Dans ce cas, on verra un film dans le film, passionnant, qui dresse un portrait aussi juste qu’accablant de la société coloniale.
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