Fragile cohabitation au Kerala
Le Monde diplomatique Mensuel, France
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Des maisons ornées de divinités hindoues peintes sur les murs et d’autres parées d’un croissant et d’une étoile islamique. Côte à côte. En toute sérénité. C’est ce que l’on peut voir au Kerala, dans l’arrière-pays de Cochin (Kochi). Les familles campagnardes se rendent régulièrement visite et s’occupent des enfants des uns et des autres. Des chrétiens, visiblement plus aisés, vivent dans de belles villas qui détonnent au milieu de minuscules masures, appelées ici « maisons ». Chacun cependant possède un jardin et cultive des épices pour son propre usage – cannelle, muscade, etc. –, ainsi que du café, du tapioca, des citrons, des pomélos et du riz. Les hommes travaillent en ville et rentrent le soir à moto quand le soleil se couche derrière les arbres. Même les plus petites constructions en parpaing et en tôle ondulée disposent de l’eau et de l’électricité ; elles sont protégées de la pluie par des toits de tuiles.
Assurément, le Kerala connaît une situation particulière. Il tire avantage des fonds envoyés au pays par les immigrés indiens du Golfe, du tourisme, d’un taux d’alphabétisation élevé et d’un gouvernement progressiste dirigé par des communistes. Contrairement à d’autres régions de l’Inde, il possède une classe moyenne musulmane prospère : 25 % de la population appartient à cette communauté, dont une grande partie vit à Calicut, troisième grande ville de l’État avec un demi-million d’habitants. L’agglomération possède un grand centre commercial hypermoderne, des mosquées, des trottoirs en bon état, trois journaux musulmans et des institutions religieuses. Deux partis politiques musulmans (la Muslim League et l’Indian National League) participent actuellement à la coalition dirigée par les communistes. « Les musulmans possèdent presque tous les immeubles de Calicut, explique l’homme d’affaires E. O. Mirshad, deux hôtels, le centre commercial et d’autres bientôt. Et à peu près cent mosquées, toutes fondées avec des fonds du Golfe. Les Arabes n’ont pas suffisamment de pauvres pour distribuer leur zakat [« aumône »], alors ils construisent des mosquées ici. »
Cette aisance est-elle menacée ? Des « manifestations safran » (hindouistes) se tiennent désormais régulièrement et la peur gagne. M. T. Kapur, un chauffeur de taxi chrétien qui vote pour le parti du Congrès, estime que les musulmans sont dangereux : « Ils essayent de convertir les hindous et recrutent des criminels qu’ils transforment en djihadistes. » En 2008, pour la première fois, la population s’est inquiétée de l’implication de musulmans dans des actes de violence. Début novembre, les diverses organisations islamiques locales ont publié un communiqué commun condamnant le terrorisme.
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