Pluie de dollars
Le montant du plan de relance économique que peaufine Barack Obama s’annonce vertigineux : 775 milliards au bas mot. Il devrait bénéficier autant aux particuliers qu’aux entreprises.
Barack Obama ne pense plus qu’à l’économie américaine, dont la situation lui paraît « précaire ». À ceux qui le pressent de s’exprimer sur d’autres sujets, comme le drame palestinien, il dit sa préoccupation, manifeste sa compassion pour les victimes, mais rappelle qu’il n’y a « qu’un président à la fois » et qu’il ne prendra ses fonctions que le 20 janvier.
En matière économique, il n’a pas ces scrupules institutionnels. Pour lui, « les affaires des Américains ne peuvent attendre ». La récession est là, et il s’est laissé convaincre par les économistes que si la thérapie n’est pas à la mesure du danger, la déroute de l’industrie automobile et de l’immobilier pourrait s’étendre à tous les secteurs et se changer en dépression. De sensibilité plutôt keynésienne – donc plus interventionniste que la moyenne de ses compatriotes –, il a, dès son arrivée à Washington, le 5 janvier, convoqué sa cohorte de conseillers pilotés par Lawrence Summers, l’ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, afin de peaufiner un gigantesque plan de relance : 775 milliards de dollars, selon certains de ses proches ; 1 000 milliards, selon d’autres.
L’essentiel est d’aller vite, comme l’avait fait, dès son arrivée à la Maison Blanche, en janvier 1933, Franklin Delano Roosevelt, confronté à la Grande Dépression. Le président élu prévoit de faire adopter par le Congrès, début février, un plan de relance sur deux ans. Les discussions vont donc bon train entre les conseillers d’Obama, entre les démocrates, mais aussi entre ces derniers et le camp républicain, afin de trouver la manière la plus efficace de redonner confiance aux particuliers comme aux entreprises, de relancer la demande et l’investissement et d’éviter que le taux de chômage (7 % à la fin de décembre) ne double dans les prochains mois.
New New Deal
Ensuite, il conviendra de frapper fort. De ce point de vue, les sommes annoncées ne laissent aucun doute quant à la volonté du 44e président des États-Unis. Au début de ses réflexions, celui-ci avait donné l’impression de mettre ses pas dans ceux de Roosevelt en concoctant un « new New Deal ». On avait entendu parler de grands travaux d’infrastructures, les routes et les ponts étant, aux États-Unis, dans un piteux état. Puis il avait été question d’inclure dans ces infrastructures la construction et la rénovation d’écoles, ainsi que le développement des industries et des technologies de l’environnement afin d’accroître « l’indépendance énergétique américaine », selon le mot du futur président, qui, dans son programme électoral, promettait de lui consacrer 150 milliards de dollars.
Les mesures dévoilées le 5 janvier par Obama illustrent une nouvelle fois son pragmatisme et son sens tactique. Soucieux de rallier les républicains, il a fait un grand pas dans leur direction en proposant que 40 % du montant de son plan – soit 310 milliards de dollars – soient constitués de réductions d’impôt. Car les républicains ont horreur de toute augmentation des dépenses publiques. Sous Reagan et Bush, ils ont, à l’inverse, diminué à outrance les prélèvements fiscaux. Ils ne devraient donc pas bouder la nouvelle diminution sur deux ans que leur propose Obama. Laquelle, selon les calculs du Wall Street Journal, devrait être supérieure à toutes celles opérées par ses prédécesseurs.
Les mesures ne sont pas encore définitivement arrêtées, mais on sait qu’elles concernent aussi bien les individus que les entreprises. Pour les premiers, il s’agit, selon l’expression du président élu, de « mettre davantage d’argent dans les poches des Américains ordinaires, qui craignent pour leur emploi ». Les salariés déclarant un revenu inférieur à 200 000 dollars par an, soit 95 % d’entre eux, bénéficieraient d’allègements fiscaux pouvant atteindre 500 dollars par contribuable, ou 1 000 dollars par couple. Coût : 150 milliards de dollars sur deux ans.
Le débat se poursuit sur la façon dont cette somme sera remise aux bénéficiaires. Les chèques que l’administration Bush avait fait parvenir aux contribuables, au printemps, n’ayant pas fait repartir la consommation, certains conseillers d’Obama inclinent pour des crédits d’impôt. Enfin, le tiers des Américains non imposables recevraient un chèque de l’État fédéral pour leur permettre de payer leurs assurances vieillesse et santé. On ne sait pas encore si une ligne de crédits sera attribuée aux 2 millions de familles insolvables et menacées d’expulsion à court terme.
Plus innovantes seraient les réductions d’impôts consenties aux entreprises. Il est question d’autoriser les PME, en priorité, à déduire leurs pertes de 2008 des bénéfices réalisées au cours des cinq années précédentes. Coût : 100 milliards de dollars. Cette mesure aurait l’avantage d’apporter de l’argent frais aux entreprises au moment où elles en ont le plus besoin, soit parce que la demande s’est contractée, soit parce que les banques rechignent à leur accorder des prêts. Pas moins de 50 milliards de dollars pourraient être affectés aux entreprises qui embaucheront ou renonceront à licencier leurs salariés.
Gueule de bois
Obama attend de ce dispositif qu’il « sauve ou crée 3 millions d’emplois d’ici à 2011 », dont environ 80 % dans le privé. Ces chiffres ont fait bondir les républicains les plus conservateurs, pour lesquels « l’État est le problème et pas la solution ». Ils ont recensé 600 000 emplois publics à venir, ce qui, selon John Boehner, le patron du groupe républicain à la Chambre des représentants, signifie qu’« une montagne de dettes » est en gestation. Favorables dans l’ensemble au plan Obama, les élus républicains se disent prêts à le voter, ce qui serait une belle victoire pour le président, qui, depuis le début de sa campagne, plaide pour des politiques « bipartisanes » dépourvues de tout a priori idéologique. Mais Mitch McConnell, le chef de file des républicains au Sénat, a déclaré que son parti voulait se donner le temps d’examiner ce plan « énorme », et mis en garde contre toute précipitation.
Mais les avertissements à l’adresse d’Obama ne viennent pas seulement de la droite. Le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz et plusieurs spécialistes des finances publiques à l’université Harvard redoutent que ces nouvelles dépenses ne débouchent sur « une gueule de bois de 10 000 milliards de dollars », le président Bush ayant déjà laissé filer la dette publique. Le déficit budgétaire devrait avoisiner l’an prochain 1 200 milliards de dollars.
Le dilemme de la nouvelle administration est qu’elle est obligée d’injecter du pouvoir d’achat pour soutenir l’activité, et donc d’accroître la dette, alors qu’à long terme, il lui faudra obliger l’État, les entreprises et les ménages à réduire leur formidable endettement. La gageure n’est pas moindre que toutes celles qui attendent le nouvel hôte de la Maison Blanche au Moyen-Orient.
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