La sale guerre d’Israël

L’État hébreu est décidé à poursuivre son offensive contre les combattants du Hamas malgré la multiplication des victimes civiles et les appels réitérés de la communauté internationale à la cessation des hostilitésâ¨et à l’ouverture de négociations.

Publié le 13 janvier 2009 Lecture : 6 minutes.

Alors qu’Israël n’a toujours pas mis fin à ses massacres dans la bande de Gaza, il est d’ores et déjà possible de mesurer les conséquences de son attaque dans cette zone surpeuplée. Plus que jamais, l’État hébreu est devenu un paria dans le monde arabo-musulman, où il fait désormais l’objet d’une haine féroce et durable. La punition cruelle infligée à une population palestinienne largement dépourvue de moyens de défense ne sera pas aisément oubliée ou pardonnée. Certaines victimes – qui ont vu les corps déchiquetés de leurs enfants et des membres de leur famille – voudront rendre la monnaie de sa pièce à Israël. La colère est devenue telle dans la région que beaucoup sont persuadés que frapper les Israéliens en particulier, et les juifs en général, représente une réponse légitime à la terreur d’État.

Le bombardement, mardi 5 janvier, d’une école des Nations unies a causé la mort de dizaines de Palestiniens désespérés qui y avaient trouvé refuge. Cette tragique bavure pourrait bien marquer un tournant dans le conflit. Par le passé, notamment au Liban, l’indignation internationale face à des massacres similaires a contribué à l’arrêt de l’offensive avant que les buts de guerre ne soient atteints. Cela pourrait être le cas à Gaza, où, par sa brutalité aveugle, Israël a créé la situation qu’il souhaitait éviter à tout prix, à savoir l’accroissement des pressions internationales en faveur d’une solution diplomatique au conflit – ce qui implique des négociations avec ses ennemis.

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Résistance = terrorisme

Bien sûr, ni Israël ni les États-Unis, son très puissant allié, n’y sont préparés. Lors du débat au Conseil de sécurité, à New York, peu de progrès ont été enregistrés. Le délégué d’Israël a affirmé que la guerre contre le Hamas n’était pas un obstacle mais… un préalable à la paix. Comme cela était prévisible, la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice a imputé au Hamas la responsabilité de la crise et demandé que le contrôle de l’Autorité palestinienne sur Gaza soit restauré – un objectif totalement irréaliste.

Pendant ce temps, dans la région, le président français Nicolas Sarkozy et son homologue égyptien Hosni Moubarak se sont démenés pour tenter de mettre fin au conflit – sans succès à l’heure où nous mettions sous presse. Afin de se faire entendre par Israël, les différents médiateurs – la France, l’Égypte, une troïka européenne – ont défendu l’idée d’un cessez-le-feu pour raisons humanitaires. Aucun n’a osé aborder la question du mépris des lois internationales ou évoquer les crimes de guerre. Même la question humanitaire a été dédaignée par les dirigeants israéliens. « Il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza », a déclaré la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni peu après le déclenchement de l’offensive terrestre. Ni elle ni le ministre de la Défense, Ehoud Barak, l’architecte meurtrier de cette opération, ne sont prêts à accepter un accord négocié avec le Hamas. « Une guerre nécessaire contre le terrorisme ne prend pas fin avec un accord. Nous ne signons pas d’accord avec les terroristes. Nous les combattons », a affirmé Livni, martelant l’habituelle propagande selon laquelle la résistance palestinienne n’est rien d’autre que du terrorisme – et certainement pas la lutte légitime d’un peuple oppressé pour défendre son droit d’exister en tant qu’État.

Il ne peut y avoir d’indication plus claire sur les intentions réelles d’Israël, dont l’objectif est évidemment d’écraser une fois pour toutes les aspirations nationales palestiniennes et de permettre l’absorption de la Cisjordanie par le développement des colonies – comme il le fait depuis la guerre de 1967. Les petites portions de la Cisjordanie qu’Israël ne voudrait ou ne pourrait pas digérer seraient réduites au statut de protectorats dociles. Le reste de la population palestinienne serait contraint au silence ou envoyé en Jordanie. Loin de mettre un terme à l’occupation du territoire palestinien – qui est la source de tout le problème –, Israël semble vouloir s’approprier encore plus de terres. Son déni des droits des Palestiniens et sa soif d’expansion l’ont conduit à passer outre à toute considération légale ou morale. Ainsi, l’objectif de l’État hébreu n’est pas seulement d’empêcher les tirs de roquettes Qassam – le prétexte invoqué pour justifier cette guerre –, mais de détruire totalement le Hamas. Israël veut croire qu’extirper le Hamas de Gaza, quel qu’en soit le coût en vies palestiniennes, portera le coup de grâce à la résistance palestinienne armée. C’est là le jeu cruel dans lequel Livni, Barak et le Premier ministre sortant Ehoud Olmert se sont lancés.

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Cette guerre a gravement terni l’image d’Israël, comme celle des États-Unis, qui lui accordent leur inconditionnel soutien. Le président élu Barack Obama devra déployer des efforts considérables pour inverser la tendance. Qu’il ait enfin rompu le silence pour annoncer qu’il donnerait la priorité au conflit une fois officiellement en poste, après le 20 janvier, est tout de même un signe prometteur.

Autre conséquence prévisible de cette guerre : tous les États arabes vont accorder une attention particulière à leur défense et chercher à améliorer leurs armements. Les budgets militaires vont sans aucun doute exploser. Qu’Israël soit prêt à massacrer des civils a choqué l’opinion dans tout le monde arabo-musulman. L’Iran va redoubler d’efforts pour acquérir une force de dissuasion militaire lui permettant de prévenir toute agression israélienne. Au Liban, personne ne viendra contester l’argument du Hezbollah selon lequel il doit se renforcer pour affronter une éventuelle attaque. Qui peut dire, en effet, qu’après avoir réduit le Hamas, Israël ne pointera pas ses canons sur lui ?

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Au cours des dernières années, l’État hébreu n’a jamais caché que l’objectif de ses pourparlers de paix avec la Syrie, conduits sous l’égide de la Turquie, était d’éloigner Damas de l’Iran et du Hezbollah. La guerre brutale entreprise dans la bande de Gaza aura l’effet inverse : elle renforcera l’axe Téhéran-Damas-Hezbollah. Sachant qu’ils survivront ou tomberont ensemble, les trois partenaires résisteront à toute tentative visant à les séparer.

Mmoubarak en mauvaise posture

Ces dernières semaines, les manifestations les plus importantes et les plus hostiles à Israël ont eu lieu en Turquie. Autrefois proche alliée de Tel-Aviv, la Turquie du Premier ministre Erdogan s’en est progressivement éloignée pour se rapprocher de la Syrie et des autres États arabes. Cette tendance devrait s’accélérer. Les forces armées turques – qui pendant longtemps ont conservé des liens étroits avec l’État hébreu – auront sans doute à cœur de mettre en sourdine des relations qu’une grande majorité de la population déplore.

L’impact de la guerre sur l’armée égyptienne, la colonne vertébrale du régime de Hosni Moubarak, mérite une attention accrue. Accusé de complicité avec Israël, le raïs se retrouve en fort mauvaise posture. On ignore ce qu’en pense le corps des officiers égyptiens. Quoique dorlotée par le gouvernement et par les États-Unis, l’armée égyptienne continue de nourrir une rancune tenace à l’égard d’Israël pour l’humiliante défaite subie en 1967 et la manière dont ses premiers succès, en 1973, s’achevèrent en déroute, débouchant in fine sur la paix séparée avec l’État hébreu. Le massacre des prisonniers de guerre égyptiens reste dans toutes les mémoires. Si personne ne peut dire à quel point l’armée a été perméable aux idées des Frères musulmans, il est peu probable qu’elle soit totalement immunisée contre la rage née de l’offensive israélienne. De Nouakchott à Karachi, en passant par Rabat, Le Caire, Amman et les pays du Golfe, les opinions publiques vont faire pression sur leurs dirigeants pour qu’ils prennent leurs distances avec Israël.

Seule la paix peut mettre un terme au cycle de violence qui vient d’être déclenché. Mais la paix n’est possible que si les États-Unis et l’Europe s’unissent pour l’imposer. Alors seulement les militaristes impénitents israéliens, ainsi que leurs concitoyens ultranationalistes ou fanatiques religieux pourront être mis hors jeu, épargnant à la région d’autres horreurs.

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