Plomb durci
Toutes les armées, depuis que les guerres existent, charrient leur lot d’horreurs et, à l’instar des autres, plutôt mieux que beaucoup d’autres d’ailleurs, l’armée israélienne fait ce pourquoi elle est faite et entraînée : tuer. Les corps déchiquetés de Gaza et tout particulièrement le massacre des écoliers de Jabaliya, le 6 janvier, n’ont donc strictement rien de surprenant. Tout au moins pour ceux qui se souviennent encore du millier de morts au Liban en 2006, des massacres de civils à Marhawin la même année ou à Qana dix ans plus tôt, pour ceux aussi qui n’ont pas oublié les Palestiniens de Sabra et Chatila exterminés en 1982 par les alliés Phalangistes de l’État hébreu, sous la complaisante supervision de Tsahal. Sauf à croire en la fable de la guerre propre et de la pureté des armes, sauf à être incurablement naïf ou irrémédiablement partisan, l’évidence s’impose d’elle-même : jamais, dans aucune des guerres qu’elle a menées, la très « morale » armée israélienne n’a fait le moindre effort pour éviter les victimes civiles. Quand on bombarde jour et nuit une des zones les plus densément peuplées de la planète où plus de la moitié des habitants a moins de 15 ans, on sait à quoi s’attendre. Quand on contraint des civils tenus en joue à marcher devant soi pour pénétrer dans des bâtiments réputés hostiles, ou quand on les oblige à demeurer dans des maisons utilisées comme des bases de tir, ainsi que le relevait il y a quelques jours Amnesty International, c’est qu’on se contrefiche des Conventions de Genève et de la prohibition des « boucliers humains ». Et c’est que l’on fait, exactement et à plus grande échelle, ce que l’on reproche à son ennemi de faire.
Sur ce plan et au prix d’une faillite morale exemplaire, Israël a gagné. De son armée, de ses dirigeants et des lobbies qui les appuient, plus rien n’étonne désormais, y compris la banalisation de crimes de guerre, y compris le maquillage d’une opération de nettoyage et de soumission coloniale en un combat des valeurs entre le monde libre et les tenants de l’axe du Mal. L’avalanche d’images de Palestiniens désarticulés est telle qu’elle nous tétanise et peu à peu nous mithridatise. Tout au long de la minutieuse campagne de préparation psychologique, médiatique et diplomatique qui a précédé « Cast Lead » (« Plomb durci »), les Israéliens et leurs amis ne nous ont-ils pas prévenus ? Oui, il y aura des femmes et des enfants parmi les cadavres collatéraux, peut-être même la majorité, attendez-vous à des photos insoutenables. Mais tout cela, sachez-le, sera de la faute du Hamas. Et peu importe si pour vingt Israéliens tués en dix ans sous le feu des roquettes islamistes huit cents Palestiniens ont été écrasés en deux semaines sous les bombes. Il y a longtemps que Tsahal a fait sienne en la multipliant une devise de sinistre mémoire : « Pour un œil, les deux yeux… »
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