Les mouches

Publié le 6 janvier 2009 Lecture : 2 minutes.

Je m’apprêtais à rédiger un post-scriptum sur le énième travers des Arabes et à citer quelque bêtise des Frérots, quand j’ai allumé la télé et que j’ai vu les morts de Gaza. Je voulais balayer devant nos portes – depuis le temps qu’on nous reproche de pratiquer l’anathème et de nous ­complaire dans la théorie du complot – et voilà que la démonstration de force israélienne « me met l’eau dans les genoux », comme dit l’expression arabe, interrompant mes velléités d’autocritique.

Je fus sur le point de me fendre d’un article sur la démocratie du côté de chez nous, sauf que la question a surgi entre-temps : Peut-on également parler de démocratie pour des États occupants qui violent les lois internationales, et n’offrent de perspectives à des populations entières que des prisons à ciel ouvert ? Je pensais que Gaza faisait partie de la Palestine et que ceux qui ont élu démocratiquement le Hamas – fût-il représentatif de l’idéologie la plus détestable au monde – sont des Palestiniens, et voilà que Ehoud Barak se met à faire de « l’épuration politique », affirmant sans rire que l’agression israélienne « ne s’en prend pas aux Palestiniens mais aux gens du Hamas », comme si ces derniers descendaient de la planète Mars…

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Je chantais jusque-là la devise selon laquelle « Quand la ­guerre sera faite par des femmes, elle s’appellera la paix », lorsque je décou­vris la veine conquérante de Tzipi Livni et dus admettre que les dames peuvent aussi vêtir le costume du guerrier. Je faisais foi aux pacifistes israéliens et voilà que l’écrivain Amos Moz, dont j’étais une admiratrice, déclare qu’il comprend qu’on tue. Et je n’ai même pas parlé de Bernard-Henri Lévy, normal, il doit passer les fêtes dans son palais de Marrakech, lui qui a le temps pour les Bosniaques ou les Tchétchènes, jamais pour les Palestiniens. En amatrice d’Oum Kalsoum et de Naguib ­Mahfouz, j’avais coutume d’affirmer que l’Égypte est « la Mère du ­monde », me voici contrainte de dire que son père est un rené­gat : ses ­dirigeants ont concocté l’attaque contre les Gazaouis en accord avec Israël.

Je croyais mordicus au sens de l’honneur des Arabes, je me rends compte que la plupart de leurs chefs se contentent de jouer aux infirmiers affairés à diagnostiquer les décès que Tsahal provoque, à acheminer dans les hôpitaux les blessés qu’elle leur ­jette sur les civières. Je voyais en Mahmoud Abbas le digne héritier de Yasser Arafat et voilà qu’il accable les siens au lieu d’éviter les pièges de la division, dût-il aller contre les pressions occidentales et les appétits de pouvoir. Je demandai à un ami européen mais pourquoi, pourquoi une telle agression, avec des armes si disproportionnées, faisant peu de victimes dans le camp adverse, il répondit, mi-sérieux, mi-ironique que « les mouches ne méritent que d’être écrasées » avant de s’en aller préparer ses cadeaux de fin d’année.

Moi, je m’émeus pour les mouches, aujourd’hui. J’ai trop de peine pour les Palestiniens et pas le cœur à me répandre sur les travers des Arabes, si ça continue, je vais me mettre à les aimer. Vous m’accusez d’être sentimentale et injuste ? Je réponds : « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère », à l’instar de Camus. Et j’ai l’excuse de ne pas être Prix Nobel comme lui !

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