Abdellatif Maazouz L’image du Maroc à l’épreuve des faits

Ministre du Commerce extérieur, il entend combler le déficit chronique de la balance commerciale du pays grâce à une politique de promotion à l’international portée par l’ensemble du gouvernement.

Publié le 6 janvier 2009 Lecture : 5 minutes.

Mauvaises nouvelles en ce début d’année pour le ministre marocain du Commerce extérieur, Abdellatif Maazouz. La crise internationale ramènera à 4 % la croissance économique du Maroc en 2009 (6,5 % prévus en 2008), selon la Banque mondiale, et les exportations, tournées à 60 % vers l’Europe, risquent de connaître un ralentissement, après une hausse de 10 % en 2008. Dès la fin de l’année, le textile et les industries mécaniques, métallurgiques et électroniques affichent des baisses de commandes. Autant de perspectives d’aggravation du déficit commercial dont souffre le pays. Un mal chronique qu’Abdellatif Maazouz est chargé de combattre.

Sa formation nourrit le scepticisme

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Depuis son entrée au gouvernement, il y a un an, l’homme n’a guère fait parler de lui. À 55 ans, il jouit d’une image d’éminent universitaire. Docteur en économie et en sciences de gestion, Abdellatif Maazouz a enseigné pendant plus de vingt ans à l’université Hassan-II de Casablanca puis à l’Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises (Iscae). « Je suis d’abord un enseignant-chercheur, avoue-t-il. Mon emploi du temps ne me permet plus d’assurer des cours mais, dès que je le peux, j’essaie d’animer des séminaires ou des conférences. » Mais sa formation est aussi ce qui nourrit le scepticisme de nombreux journalistes et observateurs à son encontre. Trop scolaire, trop éloigné des réalités, il ne serait pas le ministre de la situation.

Au contraire, corrige Samir el-Machrafi, son chef de cabinet : « Il mène une politique agressive pour faire bouger les choses. » Pragmatique, Abdellatif Maazouz a voulu d’abord rénover les méthodes de travail de son ministère en s’inspirant du monde des affaires. Il a formé une équipe de collaborateurs dynamique et résolument moderne, composée en grande partie de femmes et de jeunes. Il a reçu pour feuille de route de changer l’image du Maroc auprès de ses partenaires internationaux et de crédibiliser les produits made in Morocco. « Dans notre travail, l’aspect marketing est prépondérant », résume-t-il.

Sa carrière d’enseignant est jalonnée d’étapes professionnelles d’où il tire sa connaissance des problématiques commerciales. En 1983, il entre à la direction du développement de la Banque commerciale du Maroc (devenue Attijariwafa Bank en 2004). En 1998, le voilà directeur du développement du Centre marocain de conjoncture (CMC) – il est aujourd’hui membre du comité scientifique de cet observatoire indépendant créé en 1990. En 2003, c’est l’Usaid, l’Agence des États-Unis pour le développement international, qui fait appel à lui comme consultant senior, en charge du développement régional et de la promotion des investissements.

Abdellatif Maazouz considère que la présence sur le terrain est l’une des clés de la réussite. « Nous travaillons pour les entreprises, nous sommes des facilitateurs à leur service. » En toute discrétion et depuis un an, il est donc allé à la rencontre des entrepreneurs et des associations professionnelles. Il s’est également rendu dans plusieurs salons internationaux pour comprendre comment mieux faire connaître l’offre exportable marocaine. Il vient de finaliser le programme des manifestations économiques organisées à l’étranger, qui sera exécuté par le Centre marocain de promotion des exportations (CMPE). Et le ministre n’hésitera pas à sillonner lui-même le globe pour présenter les produits marocains, trop souvent associés à quelques secteurs traditionnels comme le tourisme, le cuir ou l’agroalimentaire.

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Car, affirme-t-il, c’est là que le bât blesse. L’offre est encore atomisée. Elle a besoin d’être étoffée pour mieux atteindre ses marchés. « Nous sommes dans une étape de transition et nous commençons à récolter les fruits de notre politique sectorielle. » Et de citer le plan Émergence qui, depuis 2006, a permis de développer des secteurs à plus forte valeur ajoutée comme l’automobile, l’aéronautique, l’électronique ou l’offshoring. Ou encore le plan Vert, lié à l’agriculture, qui devrait lui aussi permettre de redynamiser le secteur agroalimentaire.

Attirer ceux qui visent l’asie

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« Il y a encore trois ans, le Maroc n’était même pas sur la carte de l’offshoring, et maintenant il se classe parmi les dix premiers pays dans ce domaine », explique le ministre, qui ajoute que l’arrivée de grands investisseurs comme Renault, Capgemini (informatique et conseil), Safran (électronique professionnelle) dans des secteurs de pointe invite aussi à l’optimisme et devrait attirer d’autres groupes de renom. Cet optimisme n’est pas entamé par la crise. Abdellatif Maazouz invite plutôt à « surfer sur la vague » : « Il faut avoir des choses à vendre et savoir les vendre », ­explique-t-il en défendant l’approche transversale menée par le gouvernement tout entier pour améliorer la compétitivité du pays. Elle associe, outre le CMPE et son propre ministère, d’autres départements ministériels et en premier lieu celui des Affaires étrangères. « La crise est aussi une opportunité pour revoir notre portefeuille de produits et nos marchés cibles. C’est l’occasion d’aller chercher des investisseurs qui allaient vers l’Asie et qui reviennent à des marchés de proximité. Dans le financement du cycle d’exportation, le fait d’être à proximité confère une meilleure compétitivité. »

Trop d’accords de libre-échange

La politique libérale que mène le Maroc et dont il se veut l’un des acteurs a aussi ses détracteurs, pour qui les nombreux accords de libre-échange conclus récemment ne font qu’aggraver le déficit commercial. « Si on se cantonne à une lecture comptable, on constate en effet que le déficit augmente. Mais il faut prendre un peu de recul, corrige le ministre. N:ous sommes dans une phase de rattrapage économique. Le Maroc s’équipe, il investit dans les infrastructures, ce qui se traduit par des importations d’équipements et donc un creusement du déficit. » Il n’en reste pas moins qu’après avoir signé en octobre le statut avancé avec l’Union européenne, et l’accord avec l’UEMOA à la mi-décembre, « nous allons marquer un temps d’arrêt », dit le ministre.

Plutôt que de se disperser, il s’agit de donner une véritable vitalité aux accords déjà conclus, et notamment à l’accord d’Agadir. Dans cet objectif, Maazouz préconise d’augmenter la complémentarité entre les pays concernés (Maroc, Tunisie, Égypte et Jordanie), notamment dans le secteur de l’automobile. Avec le reste du gouvernement, il milite énergiquement pour une plus grande intégration économique du Maghreb, conscient des énormes potentialités qu’offrirait la construction d’un marché unique. Il s’est rendu à Tunis, a rencontré à plusieurs reprises son homologue algérien et souhaite que l’économie puisse prospérer malgré les problèmes politiques.

« Le solde commercial n’est pas une fin en soi, il faut d’abord améliorer les conditions de vie des citoyens », conclut Abdellatif Maazouz. Père de deux enfants, un collégien et une étudiante, il veut agir pour la jeunesse de son pays et dévoile du bout des lèvres son désir de lancer un important projet humanitaire pour aider les enfants de familles démunies à accéder à l’éducation. Avant que ce rêve devienne réalité, il doit encore démontrer que sa politique, si elle est agressive, est aussi efficace.

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