La présidence de l’Opep dope les ambitions de l’Angola

Pétrole, mines, tourisme, BTP, télécoms… Le pays diversifie son économie et affiche une croissance de plus de 10 %. La récession et un patriotisme exacerbé sont les deux handicaps du « miracle » angolais.

Publié le 6 janvier 2009 Lecture : 6 minutes.

« Les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole [Opep] veulent que le prix du baril se relève », a déclaré le ministre angolais des Hydrocarbures, José Maria Botelho de Vasconcelos, quelques jours avant de prendre pour un an la présidence de l’Opep, à compter du 1er janvier 2009. N’appartenant à l’Opep que depuis mars 2007, l’Angola a tout à gagner de cette fonction en vue. Et pas seulement de s’imposer comme un acteur crédible auprès des membres du cartel de Vienne. Dans un pays qui se remet à peine de la guerre civile qui l’a ravagé de 1975 à 2002, le maintien d’un prix du baril au-dessous des 55 dollars contraindrait le gouvernement à réviser son budget, qui prévoit des dépenses pour 42 milliards de dollars en 2009, et remettrait en question les promesses du parti au pouvoir, au moment même où le pays entrera en précampagne pour l’élection présidentielle, prévue fin 2009…

En cas de succès à la tête de l’Opep, en revanche, l’Angola restaurerait son blason sur la scène internationale. « Si son mandat se déroule bien, cela donnera une image positive de la capacité de gouvernance de l’Angola », confirme Justino Pinto de Andrade, directeur du département économique de l’université catholique de Luanda. Un atout qui permettrait au pays d’attirer davantage d’investisseurs étrangers. Et de confirmer, après sa stabilité politique, la montée en puissance de son économie. Même si celle-ci reste encore largement dépendante de la rente pétrolière, qui représente désormais 97 % des exportations (le reste provenant des diamants et de la pêche) et 90 % des ressources budgétaires. Rivalisant avec le Nigeria pour la place de premier producteur africain de brut, l’Angola a enregistré, rien que dans l’offshore pétrolier, plus de 10 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) en 2007.

la suite après cette publicité

Production pétrolière doublée en quatre ans

Porté par cette richesse, le PIB du pays a crû en moyenne de près de 19 % par an au cours des cinq dernières années. Un chiffre qui devrait, selon les estimations du FMI, baisser en 2009 tout en se maintenant, quand même, à plus de 11 %. « Avec un système financier modérément ouvert sur le monde, l’Angola est moins touché que d’autres pays émergents par la crise financière. De plus, il faut savoir que la part angolaise dans les accords de partage de production pétrolière augmente rapidement : elle dépasse désormais 50 %, contre 30 % il y a deux ans, ce qui compense la baisse du brut », commente Michel Gélénine, chef de la mission économique française en Angola.

Selon les estimations de la Sonangol, la compagnie pétrolière nationale concessionnaire des ressources pétrolières, les recettes du secteur devraient atteindre près de 20 milliards de dollars en 2008, avec près de 1,9 million de barils produits par jour. Si la plupart des gisements en eau très profonde sur lesquels compte l’Angola ne sont pas rentables avec un baril au-dessous de 60 dollars, les réserves financières laisseront une belle marge de manœuvre au gouvernement. « Des projets vont être étalés dans le temps pour tenir compte du prix du baril, mais le pétrole est là, et il faudra bien le sortir », assure encore Michel Gélénine.

Avec une production pétrolière qui a été multipliée par deux entre 2003 et 2007, l’or noir constitue le principal moteur de la croissance angolaise. Mais le boom pétrolier n’explique pas tout. Hors pétrole, l’Angola a absorbé l’an passé 14,6 milliards de dollars d’investissements publics et privés (contre 8,6 en 2006), dont 2,6 milliards de dollars en IDE. « Il y a une réelle volonté de diversifier l’économie. Le seul frein, c’est le nationalisme économique très prononcé des Angolais : pour investir ou obtenir des contrats, il faut être prêt à ­constituer des joint-ventures ou à nouer des accords de partenariat avec des sociétés angolaises », indique un opérateur d’import-export français.

la suite après cette publicité

La stratégie angolaise vise, bien sûr, à retenir une partie des bénéfices, mais aussi à privilégier l’emploi des compétences locales. En juillet 2008, un décret gouvernemental a obligé les sociétés pétrolières à recruter de préférence des Angolais à qualification égale. Une tendance qui se vérifie dans d’autres secteurs. « Obtenir des visas de travail pour des étrangers devient de plus en plus difficile », confie Zhao Bin, un investisseur chinois de la construction civile.

Mais il en faudrait plus pour décourager les entrepreneurs. Surtout dans le BTP, qui absorbe la plupart des investissements hors pétrole réalisés dans le pays. Dans la « reconstruction », les appels d’offres et les budgets engagés par le gouvernement donnent le tournis : 400 millions de dollars pour réhabiliter ou agrandir les principaux aéroports du pays ; 110 millions pour l’aménagement de la baie de Luanda et 350 millions de dollars pour les infrastructures de la Coupe d’Afrique des nations de 2010, dont 140 millions pour la construction de 4 stades. Et sans oublier, pour un montant encore inconnu, la construction d’un nouveau port en eau profonde à Dande, pour désengorger celui de Luanda ; 587 millions de dollars engagés pour des logements sociaux ; 2 milliards pour le chemin de fer de Benguela à Huambo ou 3,3 milliards de dollars pour les infrastructures électriques à travers le pays… D’immenses chantiers favorisent la naissance d’une industrie locale. En plus des deux unités déjà existantes, deux cimenteries sont en construction, portant à 4,6 millions de tonnes la capacité de production du pays pour des besoins estimés à 5 millions de tonnes. Les capitaux injectés sont émiratis, indiens, japonais, portugais, brésiliens et, bien sûr, angolais.

la suite après cette publicité

Malgré la crise mondiale, la croissance hors pétrole doit ainsi se maintenir en 2009 au-dessus de 16 %, contre 20 % en 2007 (13 % en 2006). Car le potentiel inexploité reste important. Grâce à la richesse du sol, des secteurs comme les mines (à l’exception du diamant, exploité par la société nationale Endiama) ou l’agriculture sont largement sous-exploités et attirent les convoitises du monde entier. Engagée en 2008, la privatisation du deuxième opérateur de téléphonie mobile, Movicel (2 millions de clients après Unitel, 2,5 millions), rapportera entre 500 et 700 millions de dollars à l’État. Par ailleurs, l’accroissement de la consommation interne a incité Castel, qui possède déjà trois unités de fabrication de bière sous la marque Cuca, à doubler ses investissements, qui atteindront 600 millions de dollars en 2009. Autre fait notable : le tourisme a absorbé, en 2006, 743 des 843 millions de dollars d’investissements perçus par le secteur des services. 35 hôtels sont actuellement en construction en Angola, essentiellement à Luanda (2 000 chambres) et Benguela (800 chambres).

La Chine premier partenaire

Jusque-là, la Chine, premier importateur du brut angolais, s’est taillé la part du lion. En accordant une ligne de crédit de 9 milliards de dollars gagés sur le prix du brut en 2003 (sans compter les 2,3 milliards de prêt du China Fund), Pékin a déjà injecté environ 5 milliards de dollars dans l’économie du pays. Ses entreprises réalisent 70 % des contrats ainsi financés, essentiellement dans la construction de routes (2 400 km depuis 2003) et de chemins de fer (400 km) où travaillent la plupart des 80 000 Chinois présents en Angola. Le récent voyage, à la mi-décembre, du président José Eduardo dos Santos à Pékin doit aboutir à de nouveaux prêts chinois.

Mais le premier partenaire commercial de l’Angola (avec des échanges atteignant 18,6 milliards de dollars dans les huit premiers mois de 2008, dont 16,9 d’exportation angolaises) n’est plus omnipotent. « Tout le monde veut faire partie de la diversification angolaise », explique Michel Gélénine. Les États-Unis, le Portugal, le Brésil et la France sont désormais les principales sources des IDE. Les échanges avec le Brésil ont augmenté de 500 % entre 2004 et 2007 et dépassent les 2 milliards de dollars. Dernier arrivé, le Canada, avec une ligne de crédit de 1 milliard de dollars accordée en novembre à l’Angola. « Les flux de capitaux sont là, et la Bourse des valeurs ouvrira ses portes à Luanda dans le premier trimestre 2009 », affirme un proche conseiller du ministre des Hydrocarbures. Les premières entreprises cotées seront, bien sûr, des filiales d’Endiama et de la Sonangol…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires