Les raisons d’espérer
La récession mondiale n’épargnera pas le pays. Ses projets et ambitions ne sont pas mis au placard pour autant. Esprit d’entreprise, acharnement à réussir… Les Camerounais semblent mieux armés que d’autres pour rebondir.
Face à la crise
Sur le plan macroéconomique, l’année 2008 s’est achevée sur une note positive : le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) est estimé à 4,2 % (contre 3 % en 2007) et l’inflation a été maîtrisée, pour s’établir entre 5 et 6 %. Ce sont principalement les investissements publics qui ont tiré les indicateurs vers le haut, avec le lancement de programmes de réhabilitation et de construction, notamment des réseaux routiers urbains et interurbains, financés grâce aux allègements de dette. Selon la Banque des États de l’Afrique centrale, les dépenses d’équipement de l’État auraient contribué à hauteur de 1,3 point à la croissance (contre 0,5 point en 2007). Le secteur privé a lui aussi apporté sa pierre à la croissance en 2008 (à hauteur de 0,9 point), en particulier dans les filières de l’énergie, des BTP et des télécoms, bien que les investissements privés restent inférieurs à ce qu’ils devraient être.
Tout n’a pas été rose en 2008 : la production de pétrole et des principales cultures de rente (banane, cacao, café, coton) a baissé. Le trafic au port de Douala (voir p. 61) a stagné. Quant au transport aérien intérieur, il est en crise depuis les difficultés que connaît la Camair, qui a cessé de voler. Toutefois, si certains actionnariats ont changé, aucune entreprise nationale n’a fermé et aucune société étrangère n’a quitté le pays, à l’exception de la British American Tobacco.
Valeurs sûres et nouveaux créneaux
Évidemment, la crise financière et économique internationale n’épargnera pas le pays, qui, pour 2009, a déjà révisé sa croissance à la baisse, à 2,8 %. La récession mondiale pourrait conduire au report de certains grands projets miniers. Ainsi Geovic Cameroon, dont 60,5 % du capital sont détenus par des investisseurs américains, 19,5 % par des privés camerounais et 20 % par la Société nationale d’investissement du Cameroun, démarrera-t-il en 2009, comme prévu, l’exploitation du gisement de cobalt, de nickel et de manganèse de Lomié, dans l’Est. Qu’en sera-t-il des projets d’exploitation du fer de Mbalam, dans le Sud-Est ? Et de la bauxite de Mini-Martap, dans l’Adamaoua ? À quand la construction du port en eau profonde à Kribi ? Le malaise a déjà touché la filière bois, dont les ventes à l’export ont diminué, le crédit s’étant raréfié pour les acheteurs étrangers. Du coup, quelque 3 500 emplois ont été suspendus, mettant au chômage technique autant de travailleurs.
Mais pas de pessimisme pour autant. « Cette crise peut favoriser la transformation locale, à condition qu’un plan de formation soit rapidement mis en œuvre et que les industriels puissent disposer de financements pour, notamment, investir dans de nouveaux outils de production », explique Olivier Behlé, le président du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam).
Dans cette conjoncture internationale difficile, le BTP, en particulier, reste une valeur sûre. Les aides publiques extérieures restent disponibles, aussi bien du côté de la Banque mondiale et des fonds dégagés par les allègements de dette. Dans le cadre du Contrat de désendettement et de développement (C2D) France-Cameroun, un premier document, signé en 2006 pour une période de cinq ans, porte sur un financement de 537 millions d’euros (352 milliards de F CFA) et d’autres C2D sont prévus sur une vingtaine d’années, pour un montant de près de 1 milliard d’euros.
Parmi les moteurs de la croissance en 2009, on compte aussi sur les infrastructures qui amélioreront l’offre énergétique : réhabilitation des centrales hydroélectriques d’Edéa et de Song Loulou (75 milliards de F CFA financés à hauteur de 30 % par la société nationale d’électricité, AES-Sonel, et à 70 % par des bailleurs internationaux), construction des barrages de Nachtigal et de Lom-Pangar. À plus long terme, le développement de la filière gaz, rendu possible par le protocole d’accord signé en novembre dernier avec GDF Suez (voir p. 62), devrait permettre de compenser la baisse de production de pétrole, très dépendante, elle, des cours mondiaux du baril et des découvertes qui seront faites autour de Bakassi.
L’agriculture apparaît aussi comme une locomotive de croissance, qui présente l’avantage d’impliquer des investissements camerounais plus que tout autre secteur et d’employer près de 50 % des actifs (soit 3,5 millions de personnes). L’objectif est de « moderniser les exploitations agricoles et pastorales, en encourageant le regroupement des paysans en Groupements d’intérêt communautaire et en relançant les comices agropastoraux, explique un cadre de l’agriculture. Il s’agit aussi de maximiser les atouts du Cameroun, en lui permettant de gagner des parts de marché dans la sous-région. » Reste à tout mettre en œuvre pour favoriser l’intégration régionale. Si celle-ci reste problématique au niveau aérien, elle est en revanche plus avancée au niveau routier, avec la construction prévue d’une route régionale devant relier le Cameroun au Congo-Brazzaville. Côté camerounais, les travaux du tronçon Sangmélima-Djem seront engagés en 2009.
Toutefois, aucun investissement ne sera réellement maximisé sans une amélioration sensible du cadre des affaires. Sur ce plan, des efforts sont à faire. Un récent rapport de la Banque mondiale classe le Cameroun 152e sur 175 en matière de climat des affaires. Ce qui en fait l’un des pays les moins compétitifs au monde. Une situation qui expliquerait en grande partie la faible croissance, assure le Gicam. Les investisseurs espèrent donc que les choses iront enfin dans le bon sens en 2009.
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