Guinée : jeunes loups et vieux démons

Publié le 5 janvier 2009 Lecture : 3 minutes.

Gambie (1994), Comores (1995 et 1999), Niger (1996 et 1999), Burundi (1996), Zaïre (1997), Sierra Leone (1997), Guinée-Bissau (1999 et 2003), Côte d’Ivoire (1999), Centrafrique (2003), São Tomé e Príncipe (1995 et 2003), Mauritanie (2005 et 2008)… Les quinze dernières années ont vu se multiplier les coups d’État sur le continent. Et 2008 n’a pas inversé la tendance : après la prise de pouvoir, le 6 août, du général Abdelaziz à Nouakchott au détriment du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, la Guinée a été à son tour le théâtre d’un putsch (voir pp. 20-27).

Unique point commun entre les deux événements, l’absence de violence. Pour le reste, des situations très différentes. « Sidi », comme l’appellent ses compatriotes, avait été élu en toute transparence, au terme d’une transition exemplaire. Son accession au pouvoir était hautement symbolique : elle signifiait le retour de la démocratie et des libertés individuelles, en même temps que celui des civils à la présidence.

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Ce qui s’est passé à Conakry, dans la nuit du 22 au 23 décembre, dans un contexte qui n’a rien à voir, marque la fin d’une ère. Maintes fois annoncée, la mort de Lansana Conté a constitué le signal que toute la Guinée attendait depuis de longues années. Mais, à force d’attendre, certains se sont endormis… Le pouvoir était à prendre, et tout le monde savait que c’est l’armée qui s’en emparerait. Même les principaux acteurs politiques du pays souhaitaient ce scénario. Pour eux, comme pour d’autres, la transition constitutionnelle n’avait pas de raison d’être : le mandat de l’Assemblée (et donc de son président Aboubacar Somparé, censé assurer l’intérim du pouvoir) avait expiré depuis longtemps. Cette transition aurait perpétué le règne du Parti de l’unité et du progrès (PUP) de Conté et des barons du régime. Pour bon nombre de Guinéens, la mort du général-président ne pouvait donner lieu qu’à une rupture totale et à un grand coup de balai. Les risques d’affrontements ethniques, la déliquescence et la légitimité contestée des différentes institutions politiques ont fini de convaincre le pays qu’une transition menée par l’armée était la moins mauvaise solution.

Le pouvoir était à prendre, donc, et il suffisait de se baisser pour le ramasser. C’est le capitaine Moussa ­Dadis Camara, 44 ans, qui, à la surprise générale, a été le plus prompt. L’armée souffrait des mêmes maux que la société. La mainmise quasi mafieuse des membres de la génération Conté scandalisait les plus jeunes, simples soldats comme officiers. L’état-major ne commandait plus rien. Les mutineries de 2007 et de 2008 ont illustré ce profond malaise. C’est donc à un double coup d’État qu’on a assisté : à la tête de l’exécutif mais aussi au sein de la Grande Muette. Au lendemain du putsch, vingt-deux généraux ont été mis à la retraite d’office. Place aux jeunes…

Les jeunes loups du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) disent vouloir mettre fin aux fléaux de la Guinée. Corruption, gestion autocratique, économie exsangue, détournement systématique des deniers publics, atteintes aux droits de l’homme, pénurie d’eau et d’électricité : la liste des maux à guérir et des promesses à tenir s’allonge chaque jour. Si les militaires restent fidèles à leurs engagements, ce coup d’État aura été un mal pour un bien. S’ils cèdent aux sirènes du pouvoir et de l’argent, alors ils rejoindront les rangs fournis des prédateurs qui se livrent depuis trop longtemps à cette effrayante curée. Attention, les Guinéens ont épuisé toute leur patience avec Conté… 

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