Le monde s’enfonce dans une récession durable

Industriels et financiers pensent que la chute des cours est passagère et que les prix repartiront de plus belle. Experts et économistes sont beaucoup plus pessimistes.

Publié le 30 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

La soudaineté de la crise actuelle a pris tout le monde de court, industriels, traders ou banquiers. D’autant plus que le boom des matières premières depuis 2003 avait été le plus important en un siècle, tant dans sa durée et son ampleur qu’en ce qui concerne le nombre de produits qui en ont bénéficié (voir tableau). Le brutal plongeon pose une question fondamentale : s’agit-il d’un déséquilibre temporaire qui sera suivi d’une reprise à la hausse, ou bien de la fin d’un cycle, préfigurant une longue période de prix stables et peu élevés ?

La plupart des industriels et des analystes penchent pour la première hypothèse. Le marché connaît une correction momentanée après laquelle les prix repartiront de plus belle. Les racines du boom des cinq dernières années existent toujours : la demande s’accélère, sous la pression des pays émergents, et l’offre n’arrive plus à suivre, notamment par manque d’investissements depuis près de vingt ans. Les cours rebondiront et repartiront d’autant plus que la crise du crédit a pour conséquence immédiate un ralentissement des investissements dans de nouveaux sites pétroliers, de nouvelles mines ou de nouvelles exploitations agricoles. Cette situation conduira inéluctablement à un affaiblissement de l’offre et donc à un fort emballement des prix lorsque la croissance mondiale redémarrera.

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Un nombre grandissant de voix clament le contraire. « La chute brutale des cours doit être interprétée comme la fin d’un cycle économique », indique la Banque mondiale dans son rapport sur les perspectives pour l’économie en 2009, publié le 8 décembre. Les cours ne reprendront pas leurs courses vers les sommets, même s’ils restent au-dessus de leurs niveaux des années 1990. La crise aurait même un effet bénéfique : la croissance des pays émergents devenant plus raisonnable, la demande mondiale progresserait doucement dans les dix à vingt prochaines années, et avec elle les investissements miniers et industriels.

Dans l’immédiat, tenants de la reprise et partisans d’une fin de cycle s’accordent sur un point : les deux années à venir seront difficiles. Pour le FMI, qui s’attend à 2,2 % de croissance mondiale en 2009, les pays riches seront en récession sur l’ensemble de l’année. Parallèlement, la croissance des pays émergents ralentira fortement. Thomas Helbling, économiste au FMI, rappelle qu’en période de forte croissance, ces derniers consomment beaucoup plus d’énergie et de produits de base que les pays riches car ils doivent non seulement produire plus mais aussi construire des infrastructures et satisfaire les besoins croissants de consommation de leur population. La Chine a été le fer de lance de cette frénésie, en même temps que le moteur principal de la hausse de la demande en matières premières. Le moteur est en train de se gripper. La Banque mondiale estime que la croissance chinoise s’établira à 7,5 % en 2009. Nombre de banquiers et d’industriels sont beaucoup moins optimistes, notant que certaines usines chinoises sont à l’arrêt depuis plusieurs mois.

Reste à savoir ce que vont faire les investisseurs institutionnels. À leurs yeux, les matières premières constituaient des valeurs intéressantes parce qu’elles étaient à contre-courant des autres et permettaient de se prémunir de l’inflation. Grâce à quoi leurs placements dans les matières premières ont atteint 270 milliards de dollars à la fin de juin 2008, à comparer aux 10 milliards de dollars un an auparavant. Jusqu’à présent, ce sont les cours qui ont chuté. Les actifs placés étaient encore évalués à 211 milliards de dollars à la fin de septembre, selon Barclays Capital. Mais si cette baisse se prolonge ou s’aggrave, la situation pourrait prendre des allures de catastrophe. Comment le savoir ? Tout dépend de l’appréciation de la situation par les investisseurs : fin d’un cycle ou baisse temporaire ?

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