Justice est faite
Quatorze ans après le génocide qui décima 800 000 Tutsis et Hutus modérés, justice est enfin faite. Spécialement créé pour poursuivre les auteurs de cette tragédie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a pris une décision historique, le 18 décembre, en condamnant à la détention à perpétuité Théoneste Bagosora, le « cerveau du génocide ». Deux autres accusés, le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, ancien commandant des opérations dans le secteur militaire de Gisenyi (Nord-Ouest), et le major Aloys Ntabakuze, chef du bataillon para-commando dans la zone de l’aéroport de Kigali, ont écopé de la même peine. Quant au quatrième accusé, le brigadier général Gratien Kabiligi, responsable des opérations militaires à l’état-major de l’armée au moment des faits, il a été acquitté. Le tribunal a ordonné sa remise en liberté immédiate.
Dans un autre dossier, le TPIR a condamné à vingt ans de prison Protais Zigiranyirazo, alias « Monsieur Z », un beau-frère de l’ancien président Juvénal Habyarimana, reconnu coupable de génocide et d’extermination. « La justice a été rendue, nous sommes satisfaits », s’est réjoui Aloys Mutabingwa, représentant du gouvernement rwandais auprès du tribunal. Une réaction reprise en chœur par de nombreuses capitales. En dépit de ses relations tendues avec Kigali, Paris a qualifié ces décisions de « particulièrement importantes pour l’accomplissement de la mission de la justice pénale internationale et la pleine reconnaissance des droits des victimes du génocide rwandais ».
Plus que les autres, la condamnation de Bagosora à la peine maximale – le tribunal n’est pas autorisé à prononcer des condamnations à mort – est un pas important dans la liquidation du passif de la plus grande tragédie de l’histoire récente de l’Afrique.
Laboratoire noir
Colonel de l’armée rwandaise, Bagosora a été nommé, en juin 1992, directeur de cabinet de James Gasana, le ministre de la Défense. Il a assuré l’intérim de celui-ci – limogé le 19 juillet 1993 – jusqu’à son départ du pays, en juillet 1994, après les massacres. Né en août 1941 à Giciye, dans la préfecture de Gisenyi, sorti en 1964 sous-lieutenant de l’École des officiers de Kigali, puis nommé commandant du camp militaire de Kanombe, cet extrémiste hutu membre de l’Akazu, sorte de « laboratoire noir » du génocide, a commencé, dès 1990, à concocter un plan qui, à en croire l’acte d’accusation dressé par le TPIR, comprenait « l’entraînement et la distribution d’armes aux miliciens, ainsi que la confection de listes de personnes à éliminer ».
Opposant farouche aux accords d’Arusha (août 1993), il a claqué la porte en pleine négociation, avant de déclarer qu’il rentrait au Rwanda pour « préparer l’apocalypse ». Ayant mobilisé les militaires contre l’accord, il est l’un des suspects de l’attentat qui coûta la vie à Habyarimana, le 6 avril 1994, et déclencha le génocide. À en croire le TPIR, il a joué le rôle de donneur d’ordres dans les massacres qui ont commencé, dès le lendemain, par l’assassinat du Premier ministre, Agathe Uwilingiyimana. Il a ensuite quitté le pays. Arrêté le 9 mars 1996, à Yaoundé, il a été transféré le 23 janvier 1997 au quartier pénitentiaire des Nations unies, à Arusha.
Condamné au terme d’un interminable procès commencé le 2 avril 2002, il a fait appel. Comme Nsengiyumva et Ntabakuze. « La décision de la chambre d’appel, qui croule sous les dossiers, ne devrait pas intervenir avant 2010 ou 2011 », confie à Jeune Afrique Adama Dieng, le greffier du TPIR. Après quoi, les trois détenus pourraient être transférés au Rwanda, à la suite de « l’accord de coopération sur l’exécution des peines » conclu par ce pays avec les Nations unies, en février 2008. Comme pour s’y préparer, Kigali a aménagé un « quartier pour les condamnés du TPIR » dans la prison flambant neuve de Mpanga (province du Sud), construite avec l’appui de la coopération néerlandaise.
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