Bush devant le tribunal… de l’Histoire

Publié le 30 décembre 2008 Lecture : 4 minutes.

Au fond, la paire de chaussures noires lancées sur George W. Bush par le jeune journaliste irakien Mountazar Zaïdi, le 14 décembre à Bagdad (voir aussi p. 88), est sans doute la sanction qui convient pour la guerre coloniale qu’il a menée en Irak et, à la vérité, pour les huit ans qu’il a passés à la Maison Blanche.

La guerre d’Irak était, dès le départ, vouée à l’échec. Après les attentats du 11 Septembre, Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, a voulu donner aux Arabes une inoubliable démonstration de la puissance militaire américaine, même en l’absence de toute preuve de l’implication de Saddam Hussein au côté d’Al-Qaïda. Le vice-président Dick Cheney, quant à lui, lorgnait les énormes réserves pétrolières de l’Irak et imaginait qu’une invasion placerait durablement ce pays dans l’orbite américaine.

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Mais ni Rumsfeld ni Cheney n’auraient pu entraîner l’Amérique dans cette guerre sans l’ardente pression et sans les informations frauduleuses des néoconservateurs – les Paul Wolfowitz, Douglas Feith, Richard Perle, David Wurmser, Lewis Libby et beaucoup d’autres –, qui occupaient des postes clés au Pentagone et dans le cabinet du vice-président.

L’objectif de ces derniers n’était pas seulement de défendre l’Amérique, mais aussi, et surtout, d’améliorer l’environnement stratégique d’Israël en éliminant toute menace potentielle à l’est. Ils étaient, selon le mot d’un chroniqueur, « le commando de propagandistes qui a embarqué l’Amérique dans une guerre interminable sous de faux prétextes ».

Le verdict du Financial Times du 16 décembre est dévastateur dans son laconisme : « L’administration Bush, pour des raisons qui ne tenaient pas debout, a détruit l’État Irakien, expédié ses classes moyennes aux quatre coins du Moyen-Orient, fait prospérer le djihadisme, déclenché un conflit religieux qui traumatisera la région pendant longtemps et fait de l’Iran une puissance régionale. »

Combien de victimes ?

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L’histoire de la guerre d’Irak et de ses sanglantes conséquences n’a pas encore été écrite : il est pour l’instant impossible d’établir avec précision le nombre des victimes – plusieurs centaines de milliers – et l’étendue des dégâts matériels. Mais elle restera aux yeux des générations futures comme l’un des grands crimes du début du XXIe siècle. La leçon que les États-Unis devraient en tirer est que le meilleur moyen de vaincre les terroristes n’est pas de déclencher des guerres ou de torturer des suspects, mais d’utiliser leur influence et leur puissance militaire pour régler équitablement les conflits régionaux.

Reste à savoir si, avant son départ, Bush accordera des pardons préventifs aux responsables qu’il a eus sous ses ordres au cours de ses deux mandats, afin de les mettre à l’abri d’éventuelles poursuites. Ils pourraient en avoir besoin tant leur dossier est accablant. Celui de Bush ne l’est d’ailleurs pas moins.

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Un rapport bipartisan du Sénat rendu public le 11 décembre accuse en effet Rumsfeld et d’autres ténors de l’administration Bush – y compris Condoleezza Rice – d’être directement responsables d’actes de violence et de torture sur la personne de détenus de Guantánamo et d’autres prisons américaines. Il est le fruit d’une enquête de deux ans menée par la commission des services armés du Sénat sous l’autorité des sénateurs Carl Levin (démocrate) et John McCain, ancien candidat républicain à la Maison Blanche.

Bien que ce rapport reste confidentiel, un résumé de 29 pages a été publié. Il démontre que la CIA n’a pu recourir à des méthodes d’interrogatoire « agressives » qu’en raison de la décision de Bush, le 7 février 2002, de considérer que les conventions de Genève ne s’appliquaient ni aux talibans ni aux membres d’Al-Qaïda. Cette décision a ouvert la porte à toutes sortes d’exactions : de la simulation de noyade à l’envoi de prisonniers dans des pays étrangers afin d’y être torturés pour le compte des États-Unis.

Il existe un autre rapport (Hard Lessons : The Iraq Reconstruction Experience) – pas encore publié, mais qui circule dans les milieux bien informés de Washington – qui, en 513 pages, dresse le bilan du lamentable et ruineux échec de la reconstruction de l’Irak. Il émane du Bureau de l’inspecteur général pour la reconstruction de l’Irak dirigé par l’avocat républicain Stuart Bowen.

Guerres ingagnables

C’est une scandaleuse énumération de fausses manœuvres, de gaspillages, d’erreurs de planification et de rivalités entre agences gouvernementales. Il en ressort qu’il était impossible de reconstruire quoi que ce fût dans un tel environnement de violence incontrôlable. Des dizaines de millions de dollars ont été dilapidés – ou détournés au profit de politiciens irakiens et de chefs tribaux.

Barack Obama et son équipe sauront-ils éviter en Afghanistan les erreurs et les crimes de l’administration Bush en Irak ? La torture doit être interdite, Guantánamo fermé et les transferts extrajudiciaires proscrits. Il faut en finir avec la guerre et rapatrier les soldats américains dans les deux ans.

Mais Obama s’est engagé à expulser Al-Qaïda de la zone tribale de la frontière pakistano-afghane. Il est prévu d’envoyer sur place entre 15 000 et 20 000 hommes pour tenter d’étouffer l’insurrection afghane. Tout semble indiquer que les États-Unis s’apprêtent à s’engager dans une nouvelle guerre ingagnable.

La plupart des spécialistes estiment que la stabilité de l’Afghanistan ne peut être rétablie que par :

1) des négociations entre le gouvernement et les talibans en vue d’une « réconciliation nationale » ;

2) un accord avec tous les voisins de l’Afghanistan, Pakistan, Inde, pays de l’Asie centrale et Iran.

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