Un peu de vert chez les majors
Tous les grands groupes, sauf l’américain ExxonMobil, investissent désormais dans les énergies renouvelables. Mais cet engagement reste marginal.
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La logique est respectée : profondément affectées par une mauvaise image mêlant à la fois catastrophes naturelles et pillage des ressources, les majors pétrolières s’intéressent aux énergies renouvelables depuis une dizaine d’années. Avec un objectif plutôt clair : redorer leur blason. Au fil du temps, leur stratégie semble avoir évolué : confrontées à l’épuisement progressif des ressources pétrolières, les majors inscrivent désormais la question des énergies renouvelables dans celle, plus large, du renouvellement des énergies disponibles dans le futur.
Total mise sur le solaire
Les grandes compagnies pétrolières internationales ne parviennent plus, en effet, à renouveler en totalité leurs réserves en pétrole, d’où un besoin croissant de diversification. Royal Dutch Shell s’est du coup engouffrée dans l’énergie éolienne, participant aujourd’hui à 11 parcs d’une capacité totale de 1 100 mégawatts, pour l’essentiel situés aux États-Unis. Retenu en France en 2005 pour la construction du plus grand parc éolien du pays, un projet qui n’a pas avancé depuis, Total mise quant à lui sur les biocarburants ainsi que sur l’énergie solaire, domaine dans lequel le groupe propose une offre à la fois de fabrication mais aussi d’installation et de suivi. Il annonce viser 4 % à 5 % du marché mondial d’ici à 2015. Le groupe français a pris également des participations dans des projets d’énergie marine en Espagne et en Écosse. Le plus avancé – en tout cas en termes de retombées médiatiques – semble être BP, qui a transformé le sens de ses initiales : British Petroleum est ainsi devenu Beyond Petroleum (« après le pétrole »).
Est-ce vraiment rentable ?
En trente ans, BP Solar, sa principale filiale dans le domaine des énergies renouvelables, a développé une présence dans 160 pays et s’affirme « comme l’une des principales compagnies d’énergie solaire au monde ». Pression médiatique oblige, les majors ont adapté leur marketing à la montée en puissance de la lutte contre le changement climatique, mettant désormais en avant dans un nombre croissant de publicités leurs actions en matière d’énergies renouvelables ou soulignant la priorité mise sur le développement durable, le climat, la responsabilité sociale…
Au final, pourtant, tous ces engagements semblent limités. Ils ne représentent en effet que quelques dizaines (au plus une centaine) de millions d’euros d’investissements chaque année, réalisés par des groupes dont les profits totaux se comptent en dizaine de milliards. Avec 31,3 milliards de dollars de bénéfices sur la seule année 2007, Royal Dutch Shell entend ainsi investir un petit milliard de dollars (sur cinq ans) dans les technologies liées aux énergies renouvelables. Quant à ExxonMobil, champion mondial des bénéfices dans le secteur (40 milliards de dollars), il se refuse toujours à consacrer le moindre centime au secteur. Farouche opposant aux développements « verts », la multinationale américaine défend ardemment la nécessité d’accentuer la recherche de réserves pétrolières et gazières plutôt que de pousser vers une diversification des sources d’énergie. Une position soutenue par ses actionnaires, qui ont voté cette année à près de 75 % contre la mise en place d’une politique en faveur des énergies renouvelables.
Toutes cotées, les majors pétrolières ont habitué leurs actionnaires à des rentabilités extrêmes, surtout au cours des dernières années, marquées par une flambée du prix du baril. Or les investissements dans les énergies renouvelables ne devraient pas être sources de profits avant plusieurs années. La logique financière prime donc nettement le comportement éthique, et même BP, la major la plus engagée dans les énergies renouvelables, semble faire machine arrière depuis son changement de direction, afin de booster des dividendes versés aux actionnaires jugés trop faibles par ces derniers. Si BP a annoncé cette année vouloir investir 1,5 milliard de dollars dans les énergies renouvelables, cet argent sera avant tout consacré à transformer sa division verte en une société. Sans doute avant de la céder pour une valeur comprise entre 5 et 7 milliards de dollars, estiment les analystes. Si cette opération a peut-être de quoi satisfaire les actionnaires, elle semble profondément à contre-courant.
Tous les pays de l’Union européenne, plus de la moitié des États composant les États-Unis et plusieurs pays en développement tels que la Chine ont décidé qu’entre 15 % et 20 % de leurs besoins énergétiques proviendraient de sources renouvelables d’ici à 2020. Un immense marché que les majors pétrolières semblent avoir encore beaucoup de mal à envisager autrement que dans un rapport purement marketing et qu’elles laissent à de nouveaux acteurs.
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