Le gaz africain monte en puissance

Avec la diminution des réserves pétrolières, la mise en valeur des gisements gaziers devient stratégique et favorise l’émergence de nouveaux acteurs.

Publié le 19 décembre 2008 Lecture : 4 minutes.

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Pétrole: l’Afrique face à la chute des cours

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Avec 8 % des réserves mondiales (95 milliards de barils équivalent pétrole), l’Afrique entend jouer pleinement son rôle dans la recomposition en cours du marché international du gaz. La diminution programmée des réserves de pétrole fait de cette ressource un enjeu majeur pour les pays producteurs du continent. Selon l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), « la consommation de gaz devrait doubler d’ici à 2030 pour atteindre 4 900 milliards de m3. Il sera alors la deuxième énergie au monde derrière le charbon. »

Cela vaut en particulier pour le gaz naturel liquéfié (GNL), marché que convoitent désormais les grands ­groupes internationaux, à commencer par le géant russe Gazprom. Alors que la demande ne va cesser de croître, le GNL présente de nombreux avantages. Rendu liquide par refroidissement à – 160 °C, il peut se transporter facilement par bateau. Il échappe ainsi à la contrainte géopolitique des gazoducs transfrontaliers utilisés pour le gaz naturel. Autre raison de cet attrait, l’instabilité chronique du Moyen-Orient amène, comme dans le cas du pétrole, les opérateurs à opter pour d’autres sources d’approvisionnement. L’utilisation du gaz naturel s’est fortement développée ces dernières années au Japon (40 % des importations mondiales), dans l’Union européenne (UE) et aux États-Unis, ce qui pousse de nombreux pays à construire des usines de liquéfaction et de regazéification.

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Richement dotée, l’Afrique connaîtra au cours des quinze prochaines années une expansion rapide du commerce de cette ressource à l’avenir prometteur. La hausse attendue de sa production doit se situer entre 2 et 4 millions de barils par jour (b/j), contre 500 000 actuellement. Deux pays seront particulièrement sollicités : l’Algérie – laquelle, avec ses 28,8 milliards de barils de réserves, a une longue tradition dans le GNL depuis la construction en 1961 de sa première usine de liquéfaction à Arzew – et, surtout, le Nigeria, suivi, dans une moindre mesure, par l’Angola (9 milliards de barils de réserves), le Gabon (2 milliards) et la Guinée équatoriale (1,8 milliard).

Avec 32,8 milliards de barils, le Nigeria détient 2,9 % des réserves mondiales prouvées et contribue à 20 % de la production de tout le continent (20 millions de m3 en 2007), contre 4 % en 1995. La construction de plusieurs usines doit logiquement augmenter cette part et répondre à la hausse de la demande. Les projets se sont multipliés ces derniers mois. Le britannique Centrica, associé au norvégien StatoilHydro et au grec Consolidated Contractors, a signé en juin dernier un accord avec l’État Akwa Ibon dans le Delta du Niger. Statoil, Repsol, Gasol, Centrica ou encore l’Allemand E.ON Ruhrgas doivent également construire des usines.

Un ouvrage unique au monde

L’Afrique permet aussi de renforcer le leadership du groupe russe Gazprom. Premier producteur de la planète, il a signé, en août 2006, un accord avec la Sonatrach algérienne puis, l’année suivante, avec la Nigeria Liquefied Natural Gas Ltd (NLNG). En octobre dernier, Alexey Miller, président de la compagnie, s’est rendu à Malabo, en Guinée équatoriale, pour étudier les possibilités d’une coopération. L’ancienne colonie espagnole fait de l’exploitation gazière sa priorité et est même pionnière pour la mise en valeur de ses 40 milliards de m3 de réserves. Un premier train de liquéfaction construit par la société EGLNG, détenue à 60 % par l’américain Marathon, a été livré en mai dernier avec six mois d’avance sur le calendrier initial. Situé sur le site pétrochimique de Punta Europa, à l’ouest de la capitale Malabo, cet ouvrage d’une capacité de 3,7 millions de m3 par an est unique au monde. Le gaz une fois traité est acheminé vers les méthaniers par un gazoduc suspendu sur un pont entièrement démontable situé à 80 m au-dessus de la mer.

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Le projet de construction d’un deuxième train pouvant doubler la production bute cependant sur la géopolitique régionale. Un accord passé en 2007 avec le Nigeria d’Olusegun Obasanjo a été remis en question par le nouveau président nigérian. Sur les recommandations de son conseiller, Rilwanu Lukman, ancien ministre du pétrole et ancien secrétaire de l’Opep, intéressé dans plusieurs sociétés (African LNG Holdings, Afren, Gasol…), Umaru Yar’Adua souhaite privilégier la transformation locale. Cet accord prévoyait la livraison, par le Nigeria, de gaz moyennant la mise à disposition, par la Guinée, de blocs de recherche pétrolière. Quant aux négociations engagées avec le Cameroun, elles piétinent. Gazprom pourrait ainsi suppléer ces difficultés.

La compagnie russe n’est pas la seule à faire de l’Afrique une place forte. Le groupe Suntera, joint-venture entre l’indien Sun Group et le russe Itera, investit lui aussi sur le continent, tout comme le japonais Sojit, (Sumitomo/LNG Japan). De son côté, le français EDF vient concurrencer son compatriote GDF-Suez sur son propre marché. Objectif ? S’approvisionner en GNL pour alimenter ses centrales.

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Français et américains en lice

Le président de GDF, Philippe Olivier, et Adolphe Moudiki, président de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), se sont rencontrés à Yaoundé en novembre pour étudier les possibilités de lancement d’une filière au Cameroun. À son tour, l’Angola se lance dans la production à travers la création d’Angola LNG. Retardée d’un an, la construction d’une usine à Soyo (Nord) associant Chevron, ENI, Total et British Petroleum a démarré. Le texan Gulf LNG Energy, en partenariat avec ENI, Exxon, Total et la Sonangol, sera pour sa part le principal opérateur de l’usine de regazéification de Pascagoula, qui entrera en service en 2011.

Les réserves africaines sont convoitées. Reste aux pays producteurs à résoudre deux sérieux problèmes : le torchage (voir encadré) et la sécurisation des infrastructures. Alors que les pays africains ne produisent que 500 000 b/j de GNL sur un total de 2,6 millions de b/j de gaz (gaz naturel, méthanol, condensat…), la mise en valeur des réserves suppose des investissements de plus en plus coûteux et risqués. Le 27 novembre, des militants indépendantistes s’en sont pris aux installations de l’usine de GNL de Soku, de l’anglo-néerlandais Shell, au Nigeria. Même si une cinquantaine d’entreprises ont postulé, en octobre, au Nigerian Gas Master Plan qui doit doter la fédération d’équipements de récupération du gaz torché, ces menaces freinent en définitive l’investissement.

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