Richard Bona, retour en force
Avec un album live et une tournée européenne, le bassiste revient sur le devant de la scène. Grâce à un travail acharné et une ambition démesurée, il est l’un des plus grands musiciens de sa génération.
La virtuosité d’un Jaco Pastorius avec le chant en plus. Telle pourrait être la description sommaire mais ô combien fidèle du bassiste camerounais Richard Bona, qui signe un retour en force avec l’album Bona Makes You Sweat et une tournée à travers toute l’Europe, et notamment la France, jusqu’à la fin de juin. Installé aux États-Unis depuis 1995, Bona affiche, à 41 ans, un palmarès étourdissant puisqu’il a joué, entre autres, avec Paul Simon, Manu Dibango, Herbie Hancock, Bobby McFerrin, Pat Metheny, Chick Corea ou encore Jacques Higelin, avant de voler de ses propres ailes. Bona Makes You Sweat est pourtant son premier album live. « Je n’ai jamais eu le temps d’en produire, explique-t-il. J’attendais que les conditions techniques et musicales soient réunies. » Le résultat est à la hauteur de l’exigence. tournant d’une vie. Agrémenté d’un DVD enregistré en juillet 2007 au Club A38 de Budapest, en Hongrie, le disque mêle aux incroyables compositions comme « Samaouma », « Engingilaye & Te Dikalo » ou « Kivu & Suniga » le style très coloré et les performances musicales toujours aussi exceptionnelles de l’ancien bassiste de Joe Zawinul (fondateur du groupe Weather Report). Si l’on devait qualifier Bona, que l’on retrouve ici véritablement fusionnel avec son public, ce serait « génie ». Son destin, c’est la musique. Aussi loin qu’il s’en souvienne, il en a toujours joué, comme d’autres héritent d’une tare atavique. Né en 1967 à Minta, dans l’est du Cameroun, le futur bassiste est élevé dans une famille où son grand-père griot exerce aussi les talents de percussionniste. Il offre à son petit-fils son premier balafon. Révélation. Le petit Bona est lancé et se produit dès l’âge de 5 ans à l’occasion de cérémonies privées. Plus rien ne l’arrêtera. À 11 ans, il touche à d’autres instruments, en particulier la flûte et surtout la guitare, qu’il bricole avec les moyens du bord. Des fils de fer, des bouts de carton et des pièces automobiles. L’instrument sonne, malgré tout, et cela remonte jusqu’aux oreilles d’un Français, propriétaire d’un hôtel à Douala, qui l’embauche pour jouer dans son établissement. Seule condition : se mettre au jazz. Une bénédiction. Tous les jours, le jeune prodige écoute les disques puisés dans la fabuleuse collection de son protecteur. L’école attendra. Vient le choc, le tournant d’une vie : la basse. Il la découvre à travers le jazz-rock de Jaco Pastorius. Il monte alors son propre groupe, non sans avoir subi également les influences de Messi Martin, guitariste-chanteur camerounais décédé en 2005 et considéré comme le roi du bikutsi (musique et danse béties). À la fin des années 1980, Paris l’accueille et lui permet de jouer avec le gratin des musiciens. Mais la ville est trop petite pour ceux qui, comme lui, aiment la basse d’un si grand amour. Vient le temps de l’exil doré aux États-Unis après une rencontre furtive avec Joe Zawinul au sous-sol de la célèbre brasserie La Coupole, dans le quartier parisien de Montparnasse. La suite n’est que travail acharné et ambition démesurée. Richard Bona est aujourd’hui l’un des plus grands.
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