Se réapproprier l’Afrique

Publié le 5 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Une belle opportunité s’offre aux Africains. La crise financière et économique qui touche les entreprises d’Europe et d’Amérique, autrefois florissantes, aura balayé certaines certitudes : il n’existe aucun ordre définitivement établi. L’exemple le plus frappant est celui de la centenaire General Motors, l’une des premières entreprises mondiales, aujourd’hui en faillite. Qui l’eût cru ? Et pourtant, le mastodonte de l’automobile américaine est contraint d’appeler l’État à la rescousse, ce qui est bien la preuve qu’une époque se termine.

Imaginons donc les 500 premières entreprises africaines dans dix ans. En écho aux mesures prises par l’Occident pour faire face à des difficultés sans précédent, l’Afrique aura elle aussi imposé son patriotisme économique. Protection des marchés nationaux, préférence africaine, refus des privatisations à tout prix, voire nationalisations temporaires à travers des fonds souverains. Toutes ces mesures auront été prises à l’encontre de l’orthodoxie libérale autrefois dominante, désormais « à géométrie variable ». Ainsi protégés des prédateurs étrangers, les fleurons de l’économie africaine se développeront et afficheront une santé insolente. Les nouveaux poids lourds ne sont plus les filiales des multinationales occidentales trustant auparavant les premières places de notre classement. En raison de la crise, elles auront été vendues à de puissants groupes privés africains, qui n’hésiteront plus à sortir de leurs frontières pour conquérir de nouveaux marchés. Les plus actifs proviendront alors du « ventre mou » du continent, un groupe de pays situés entre le Maghreb et l’Afrique du Sud, et dont le décollage économique aura permis de bousculer la hiérarchie des 500.

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Le poids relatif des entreprises sud-africaines aura baissé, concurrencées désormais par celles de l’Angola, du Nigeria et de la RD Congo, au même titre que les firmes marocaines ou algériennes. Autre tendance, la baisse continue des cours du pétrole observée depuis une décennie aura contraint l’Afrique à une diversification de ses exportations au profit des services et de l’industrie. Les groupes pétroliers Sonatrach, Sonangol, NNPC et autres « Petroleum Corporations » n’auront plus rien à cacher, leurs chiffres seront connus de tous et feront pâle figure face aux nouveaux géants de l’industrie pharmaceutique, de l’agro-business et des hautes technologies. Dans dix ans, les cartes auront probablement été rebattues. Il y aura d’un côté les entreprises panafricaines dominantes, parce qu’elles auront su prendre le train de la modernité, être audacieuses et éviter les erreurs commises ailleurs. Et de l’autre, les filiales de multinationales recroquevillées sur leurs derniers bastions. On assistera, en quelque sorte, à une « renationalisation » de l’économie, ou en tout cas à une réappropriation de l’économie par les entreprises africaines, qui aura l’avantage de mieux profiter au continent, grâce à des bénéfices réinvestis sur place, à l’émergence de nouvelles élites et à l’application d’une gouvernance transparente. Toutefois, ces bouleversements ne mettront pas les entreprises africaines à l’abri d’une prochaine crise internationale. Mieux intégrées aux échanges commerciaux internationaux, elles ne pourront continuer à vivre dans le splendide isolement qui les caractérise encore trop souvent aujourd’hui.

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