La troisième tentative de Brussels Airlines

Publié le 5 décembre 2008 Lecture : 6 minutes.

La compagnie tarde à prendre son envol, mais cela n’inquiète pas outre mesure Sven Marinus, le directeur général d’AirDC. « Le projet avance. Notre but n’est pas d’aller vite, mais d’avoir tous les atouts de notre côté. Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la qualité et la sécurité », assure-t-il.

Bien qu’elle soit née en septembre 2007 et qu’elle dispose d’une licence d’exploitation congolaise, AirDC, dont le capital est détenu à 51 % par le congolais Hewa Bora Airways (HB) et à 49 % par la société mauricienne Panafrican, filiale à 100 % de Brussels Airlines, n’avait toujours pas débuté ses opérations au mois d’octobre 2008. Et pour cause : le parc aérien congolais est « sous embargo », et toutes les compagnies opérant en RD Congo figurent de facto sur la liste noire de la Commission européenne. Un risque donc pour Brussels Airlines, dont 40 % du capital a été récemment acquis par l’allemand Lufthansa. En attendant d’en détenir l’intégralité très ­prochainement.

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Pour échapper à cette black list, un premier montage a été réalisé avec la création d’une société à Maurice. C’est ainsi qu’est née Panafrican. Mais Maurice et la RD Congo n’ayant pas conclu d’accord en matière de transport aérien, il a fallu revoir la copie. L’Autorité de l’Aviation civile (AAC) congolaise a alors incité AirDC à négocier avec la Direction générale du transport aérien (DGTA) de la Belgique pour obtenir une licence belge et placer ses opérations sous la supervision de la DGTA. Des discussions ont été entamées entre les deux parties et des négociations ­engagées avec la Commission européenne pour que le nouveau pavillon ne figure pas sur la liste noire.

Mais, pour cela, il faut montrer patte blanche et convaincre la Commission des mesures prises pour garantir la sécurité de ses vols. Marinus se veut confiant : « Nous voulons faire d’AirDC la compagnie aérienne de référence en RD Congo. Nous prenons donc toutes les dispositions pour travailler selon les standards internationaux de sécurité et de qualité établis par l’IATA (International Air Transport Association). Les pilotes et les équipages cabine seront formés avec la coopération de Brussels Airlines, selon les standards de l’AOC [Aircraft Operator Certificate, NDLR] européen. La maintenance sera également assurée par des techniciens qualifiés venant de Brussels Airlines, qui formera parallèlement les agents d’AirDC. »

D’autres dispositions seront prises pour sécuriser les infrastructures des aéroports qu’AirDC compte desservir. La compagnie a déjà engagé des travaux au niveau de l’aéroport de Ndjili, à Kinshasa. Les actions entreprises ont porté sur la construction d’une clôture de sécurité de 225 m de long et de 2,5 m de hauteur. Des gardes de sécurité ont été postés de jour et de nuit aux abords des installations de la compagnie, des badges sécurisés rendus obligatoires pour tous les employés de la compagnie et des procédures introduites afin de restreindre l’accès de l’aéroport et du tarmac aux seuls personnels autorisés. En outre, la portion de tarmac dévolue à AirDC à Ndjili a été nettoyée et les bureaux de la compagnie rénovés. Enfin, diverses formations, tant du personnel commercial, navigant et technique que des agents au sol et du personnel administratif (comptables notamment), ont déjà été dispensées. D’autres sessions suivront.

Pour la compagnie belge, le projet AirDC s’inscrit dans sa stratégie de développement en Afrique. « Le groupe dessert depuis Bruxelles quatorze destinations sur le continent, où il dispose de quatre sites principaux : Dakar, Nairobi, Monrovia et Kinshasa. Pour se développer au sud du Sahara, il faut compléter notre réseau avec des partenaires locaux. D’où l’idée de créer AirDC, avec laquelle nous irradierons dans la sous-région », explique Marinus.

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Restait à trouver un partenaire local. C’est sur HB que Brussels Airlines a jeté son dévolu. Les deux compagnies se connaissaient déjà, puisque la compagnie belge opérait deux vols – Kinshasa-Bruxelles – pour le compte de HB, cette dernière étant interdite de vol sur l’Europe. Une autre raison à ce choix : HB est active sur le territoire congolais. Avec 15 000 à 20 000 voyageurs par mois, elle occuperait entre 35 % à 45 % des parts du marché national pour le trafic voyageurs, selon son PDG, Stavros Papayanou. Elle dessert en outre l’Afrique du Sud, le Cameroun et le Congo-Brazzaville (avec correspondance pour l’Afrique du Sud). Un atout pour le groupe belge, même si l’image de son partenaire n’est pas des plus ­brillantes, notamment depuis le crash de son DC-9 survenu à Goma le 15 avril 2008.

En s’associant à HB pour créer AirDC, Brussels Airlines entend bien réaliser une belle opération commerciale. Tout d’abord en RD Congo, où elle met un pied, via sa filiale. Une première depuis l’indé­pendance du pays ! En effet, depuis l’éviction de Sabena du territoire congolais et la ­création d’Air Congo le 6 juin 1961, qui deviendra Air Zaïre, aucune compagnie étrangère n’a pu opérer de vols domestiques dans le pays. Outre la clientèle de HB qu’elle récupérera progressivement, AirDC espère marcher sur les plates-bandes des compagnies locales, notamment celles de la CAA (Compagnie africaine d’aviation), son concur­rent le plus sérieux.

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Wimbi Dira Airlines, pour sa part, bat de l’aile, et le pavillon national LAC (Lignes aériennes congolaises) est confronté à d’énormes difficultés financières. Sa flotte ne comporte qu’un seul appareil exploité en partenariat avec Air Zimbabwe qui assure le trafic Kinshasa-Lubumbashi et Kinshasa/Mbuji-Mayi. Les autres transporteurs privés n’effectuent que de petites distances, ne comptent qu’un nombre limité de places (moins de trente) et ne disposent que d’avions à hélice, voire d’Antonov, pourtant interdits de vol. Aucune de ces compagnies ne répond aux normes IATA.

La compagnie AirDC compte également sur le boom du trafic intérieur. Très convoité, le marché congolais offre en effet un fort potentiel de développement. À Ndjili, qui reçoit quelque 700 000 passagers par an (nationaux et internationaux), le trafic s’accroît de 4 % par an. À Lubumbashi, il a littéralement explosé, affichant une croissance annuelle de 14 %. À Moanda, dans le Bas-Congo, il est également en hausse, du fait de la prospection pétrolière, de même qu’à Goma, dans l’est du pays, avec la présence des forces des Nations unies. Toutefois, compte tenu de l’état des aéroports congolais, AirDC ne pourra desservir, dans un premier temps, que Kinshasa, Lubumbashi, Mbuji-Mayi et Mbandaka. Elle s’attaquera ensuite aux autres aéroports nationaux, au fur et à mesure de l’amélioration de leurs conditions de sécurité, notamment anti-incendie.

Mais le marché congolais est aussi un moyen pour le groupe belge de renforcer ses parts de marché à l’international. D’abord en Afrique australe et centrale, puisque AirDC reprendra à son actif le trafic opéré par HB, notamment vers l’Afrique du Sud. Mieux, Brussels Airlines compte capter une partie de la clientèle des compagnies européennes desservant la RD Congo, à laquelle elle assurera des correspondances dans le pays, via AirDC. Particulièrement visés, les clients d’Air France, dont les liaisons sont soumises à des restrictions et qui doivent donc passer par l’Afrique du Sud s’ils veulent desservir Lubumbashi. Le couple AirDC-Brussels Airlines leur permettra de gagner un temps de voyage non négligeable. De quoi faire grincer des dents le concurrent français.

Enfin, forte de ses partenariats de code sharing passés avec diverses compagnies internationales, Brussels Airlines entend accroître sa clientèle non seulement sur ses dessertes entre l’Afrique centrale et l’Europe, mais aussi vers l’Amérique du Nord et l’Asie, via Kinshasa et Bruxelles. De quoi faire de l’ombre à ses rivales africaines qui desservent notamment le Moyen-Orient ou la Chine.

Reste que le chemin à parcourir sera encore long et difficile. Il demeure notamment soumis à l’homologation d’AirDC en Belgique, au feu vert de la Commission européenne et à l’amélioration de la sécurité des aéroports congolais. Mais, une fois les autorisations obtenues, la compagnie pourra faire atterrir ses avions à Kinshasa. Et prendre enfin son envol. 

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