Grandes manœuvres

Les fusions et les acquisitions font déjà évoluer le paysage bancaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. L’Afrique centrale devrait  suivre son exemple. D’autant que les établissements ne manquent pas d’atouts…

Publié le 18 septembre 2008 Lecture : 4 minutes.

Nous n’en sommes qu’au début. Les acquisitions qui ont bouleversé la donne dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) au cours de l’année 2008 ont toutes les chances de se poursuivre. Trop nombreuses – elles sont passées de 66 en 2002 à 103 en 2008 –, souvent sous-capitalisées mais affichant de bons résultats par rapport aux turbulences financières rencontrées par leurs consœurs du Nord, les banques de la zone constituent des cibles privilégiées. Dégageant une forte rentabilité et opérant sur un marché très prometteur – le taux de bancarisation n’y excède pas 5 % à 6 % –, elles ont tout pour séduire. D’autant que certaines sont clairement à vendre. La Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (CBAO), au Sénégal, a montré le chemin en acceptant l’offre du groupe marocain Attijariwafa Bank, dirigé par Mohamed El Kettani (lire l’encadré).« La zone franc, qui est un prolongement de la zone euro et qui offre une stabilité monétaire, est une terre de prédilection pour les banques marocaines, se réjouit Mamadou Igor Diarra, le directeur général de la Banque internationale pour le Mali (BIM), elle aussi passée sous pavillon marocain (lire l’encadré). En échange, elles apportent un savoir-faire, notamment dans la monétique, et une maîtrise de toute une gamme de produits bancaires, comme les crédits à la consommation. Cela va se poursuivre. Les banques locales, trop petites, qui n’auront pas de partenaires solides ne tiendront pas, car elles sont dans l’incapacité d’étendre leur réseau et ont des difficultés par rapport à la concurrence pour se financer. » Du fait du niveau de développement du royaume chérifien, plus élevé que celui de l’Afrique subsaharienne, les marocaines disposent en revanche de gros moyens pour poursuivre leurs emplettes. Attijariwafa Bank affiche, en 2007, un total de bilan de 27,7 milliards de dollars. Avec 14 milliards, la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE) d’Othman Benjelloun arrive en deuxième position. Quant aux nigérianes, elles peuvent compter sur l’argent du pétrole pour poursuivre leur croissance. Mieux, certaines sont cotées à Londres et lèvent facilement des fonds à l’international. Les 25 enseignes bancaires du Nigeria disposent toutes d’un capital supérieur à 1,2 milliard de dollars. Pour le groupe régional Bank of Africa (BOA) de Paul Derreumaux, c’est trop tard. Il s’est adossé à la BMCE, qui a acquis 35 % de son capital pour une trentaine de millions d’euros. Avec l’objectif d’en détenir la majorité d’ici à 2009. C’est éga­lement trop tard pour la Banque internationale du Burkina (BIB), qui vient d’être rachetée par l’United Bank for Africa (UBA), à hauteur de 37 %, pour la somme de 5 milliards de F CFA, selon un banquier de la place. Pour sa part, Ecobank est allé en Bourse pour augmenter son capital de 2,5 milliards de dollars. Cette opération, menée conjoin­tement à Lagos, Abidjan et Accra du 25 août au 3 octobre, permet au groupe de se doter de capacités d’investissement et de diversifier son actionnariat après avoir réglé l’épisode Renaissance Capital. La banque d’investissement russe avait profité d’une précédente introduction en Bourse, en septembre 2007, pour acquérir près de 25 % du capital. Elle est redescendue à 18 %, semble-t-il. « Il faut suivre avec attention la Banque de développement du Mali (BDM) », pronostique un observateur. Explication : le principal actionnaire de la BDM est la BMCE. Or, cette dernière a noué un partenariat stratégique avec BOA, présent dans une dizaine de pays. À suivre également, la redistribution des cartes en Côte d’Ivoire avec l’arrivée progressive de quatre nigérianes : Access Bank, UBA, Diamond Bank et Skye Bank. Il faudra compter également avec la recapitalisation réussie d’Atlantique Financial Holding (AFH), la maison mère de la Compagnie bancaire de l’Atlantique Côte d’Ivoire (Cobaci) et de la Banque atlantique de Côte d’Ivoire (Baci). Le fonds d’investissement Cauris a acquis 15 % des parts, portant le capital à 45 milliards de F CFA. Après son désengagement dans la téléphonie (Moov), Koné Dossongui affiche donc ses ambitions bancaires avec, à terme, une fusion des deux enseignes et une extension géographique jusqu’en Afrique centrale. « Le marché UEMOA est trop émietté, le mouvement de fusion-absorption va se poursuivre. Il ne serait pas étonnant que nous ne comptions qu’une soixantaine d’établissements dans un avenir proche, avec un net avantage pour les banques de réseau. Il n’y aura plus de place pour les petites », analyse Blaise Ahouantchédé, le directeur général du Groupement interbancaire monétique de l’UEMOA. La décision de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) d’augmenter le capital minimum à 5 milliards de F CFA en 2009, puis à 10 milliards en 2010, rend ce mouvement inévitable. Dans la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Cemac), où une décision similaire est attendue, les banques ont également pris les devants. Au Cameroun, le ton a été donné par Com­mercial Bank, qui a ouvert ses portes, à la fin 2007, à la Banque européenne d’investissement (BEI) et à la Société financière internationale (SFI) à hauteur de 19 % chacune. Depuis, dans la région, tous les regards sont tournés vers Lagos et Casablanca. Tout porte à croire que les nigérianes visent également les revenus pétroliers et le volume d’affaires généré en zone Cemac. « Nous avons décidé de prendre une position d’acteur financier leader en Afrique d’ici à 2015 », a pour sa part annoncé Jaloul Ayed, l’administrateur-directeur général de BMCE en avril 2008. Les pays prioritaires sont notamment le Cameroun, le Congo-Brazzaville, le Gabon et l’Angola. Il s’agit de développer un réseau commercial, mais aussi de renforcer un pôle d’affaires et de capital-inves­tissement. Plusieurs établissements répondent à ce cahier des charges dans la région. À commencer par toutes les banques qui ne sont pas déjà adossées à un groupe international. Au Cameroun, notamment, Paul Fokam, dirigeant d’Afriland First Bank, s’est décidé à créer un holding regroupant toutes ses participations bancaires dans la sous-région (Guinée équatoriale, Congo-Brazzaville, São Tomé e Príncipe, RD Congo). Et l’on parle de plus en plus de l’arrivée d’un partenaire de référence. Mais Afriland n’est pas la seule dans ce cas. 

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