Un pont entre l’Europe et l’Afrique

Les groupes marocains sont en phase de croissance externe. Attijariwafa Bank, BMCE Bank et le Crédit populaire du Maroc sont prêts à miser gros pour étoffer leur réseau international. Et jouer un rôle d’intermédiaire entre l’Europe et le sud du Sahara.

Publié le 18 septembre 2008 Lecture : 5 minutes.

L’opération de juillet dernier restera dans les annales. En déboursant 60 millions d’euros pour acquérir 51 % du capital de la Banque internationale du Mali (BIM), Attijariwafa Bank a certes coiffé au poteau ses concurrents (Société générale et Bank of Africa), mais elle a aussi battu tous les records de l’histoire des privatisations du pays. Le fait que son principal concurrent, BMCE Bank, soit déjà présent au Mali – comme premier actionnaire à 27 % de la Banque de développement du Mali et partenaire de BOA Mali – n’y est sûrement pas pour rien.

Car aujourd’hui, la concurrence entre les banques marocaines s’exporte en terre africaine, et peu de pays échappent à leurs appétits. Profitant d’un secteur national sain et d’une solide assise financière, elles ont rapidement pris une longueur d’avance en matière d’ingénierie financière sur leurs voisines maghrébines, et cherchent maintenant à conquérir de nouveaux marchés.

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Première à s’être lancée hors des frontières du royaume, la Banque centrale populaire, filiale cotée du Groupe Banques populaires, détient aujourd’hui 5 % du marché guinéen et 27 % du marché centrafricain, via ses filiales Banque populaire maroco-guinéenne (BPMG, ouverte en 1991) et Banque populaire maroco-centrafricaine (BPMC, ouverte en 1990). Mais depuis ces deux opérations, l’expansion du groupe sur le continent est restée au point mort. « Le développement à l’international s’inscrit dans la perspective d’un déploiement nouveau de notre banque, explique Mohamed Benchaâboune, le président nommé le 1er février 2008. Outre notre présence en Guinée et en Centrafrique, nous nous sommes implantés en Mauritanie au mois de mars, en y créant une filiale. Notre engagement n’en est qu’à ses débuts ; notre banque envisage de monter progressivement en puissance sur le continent. »

Mais il va falloir beaucoup d’efforts à la BCP pour rattraper ses concurrents. Privilégiant les demandes de licences en bonne et due forme pour se déployer en Afrique, Attijariwafa Bank et BMCE se sont, elles, engagées dans une politique de rachat tous azimuts. « Notre stratégie en Afrique, c’est d’acquérir les leaders, explique Mohamed El Kettani, président d’Attijariwafa Bank. Soit une banque parmi les trois premières de la place, soit une banque qui offre le potentiel d’un développement rapide pour devenir l’un des établissements de référence dans le pays d’accueil. Notre deuxième exigence, c’est de ne jamais être minoritaires : nous voulons contrôler la majorité du capital et participer à la gestion et à la gouvernance de la banque acquise. Bien sûr, si nous ne trouvons pas de banques suffisamment intéressantes, nous ouvrons alors des filiales. »

Après avoir racheté la Banque du Sud, devenue Attijari Bank Tunisie, le groupe a poursuivi sa politique d’expansion en ouvrant quatre agences au Sénégal, en 2006, via sa filiale Attijariwafa Bank Sénégal. Puis, dans la même année, la filiale de l’ONA – qui représente les intérêts royaux – est devenue actionnaire à hauteur de 66,6 % de la Banque sénégalo-tunisienne (BST). « Nous avons fusionné ces deux banques dans une seule structure : Attijari Bank Sénégal, poursuit Mohamed El Kettani. Et comme nos ambitions sur l’Afrique de l’Ouest étaient très importantes, nous avons ensuite trouvé une nouvelle cible extrêmement intéressante : la Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (CBAO). En avril dernier, nous avons concrétisé l’acquisition de cette banque. Cela fait de nous le premier acteur bancaire et financier sur les huit pays de l’UEMOA, en termes de taille et de capillarité du réseau. Nous comptons prochainement faire fusionner ces deux structures. »

L’objectif ? Atteindre rapidement 30 % du marché sénégalais et utiliser cette nouvelle banque – baptisée CBAO Groupe Attijariwafa Bank – comme bras armé pour les installations futures du groupe dans la région. À défaut de banques intéressantes à racheter, les ouvertures de filiales se feront à travers cette nouvelle institution. CBAO Groupe Attijariwafa Bank viendra se greffer au réseau que la première banque du Maroc est en train de tisser sur le continent. Par ailleurs, Attijariwafa Bank est aussi présente en Europe depuis une vingtaine d’années. Aujourd’hui, cet amalgame de succursales et de bureaux de représentation s’est transformé en un important réseau de filiales et d’agences à travers sept pays de l’Union européenne. Et nous voulons nous positionner comme la banque communautaire de référence pour les flux de capitaux entre les deux continents.

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« Nous captons aujourd’hui près de 5 milliards d’euros de transferts provenant de Marocains résidant en Europe, confirme Mohamed El Kettani. Nous souhaitons étendre ce modèle à toutes nos filiales et devenir la banque de référence pour les échanges entre l’Europe et les pays où nous sommes implantés. Que cela soit dans l’immigrant banking, dans le financement du commerce extérieur ou dans celui de grands projets d’infrastructures. » Si l’extension africaine d’Attijariwafa Bank s’est faite avant tout dans le retail, la banque s’intéresse de plus en plus au corporate et au marché de la dette. Sur ce dernier segment, elle est d’ailleurs leader au Sénégal, avec plus de 50 % du marché.

Son principal concurrent, la BMCE a franchi un pas décisif en 2007 en rachetant 35 % du capital d’African Financial Holding (AFH), qui contrôle le groupe Bank of Africa (BOA). Une acquisition qui lui a permis de prendre pied dans onze pays africains. Son patron, Othman Benjelloun, n’exclut pas de devenir majoritaire au sein de la BOA en 2009. BMCE est également implantée au Mali, au Congo, au Sénégal et en Tunisie. Elle a enfin obtenu en 2007 l’agrément pour l’exploitation de la filiale londonienne, MediCapital Bank. Cette position outre-Manche donne plus d’atouts à la troisième banque maghrébine pour exporter son expertise dans les montages financiers en Afrique.

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La guerre ne fait donc que commencer entre les trois grandes banques marocaines. Toutes lorgnent à présent vers les nouveaux marchés que sont l’Algérie, la Libye, le Niger… Une politique d’expansion à tout prix, non dénuée de risques. Un récent rapport de Standards & Poor’s mettait en garde les grandes institutions bancaires marocaines dans leur stratégie de développement, qui, « si elle est mal contrôlée, peut coûter très cher et nuire à l’équilibre des comptes des banques du pays ».

« Nous sommes des marathoniens et non des sprinteurs, rassure Mohamed El Kettani. On ne peut pas parler d’investissements risqués, dans la mesure où nous ne sommes qu’au début de notre aventure. Les capitaux engagés qui ont été alloués à ces investissements restent à un niveau extrêmement raisonnable par rapport aux fonds propres globaux de la banque. » Reste que pour s’offrir son ticket d’entrée au Mali, la banque marocaine aura payé un prix quinze fois supérieur aux bénéfices 2007 de la BIM… 

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