Péché d’orgueil

Publié le 5 novembre 2008 Lecture : 2 minutes.

La scène se déroulait il y a sept ans, lors d’une conférence internationale, quelque part en Afrique. « Monsieur, pensez-vous que votre entreprise naissante fera un jour partie du classement des 500 premières entreprises du continent ? » Ambitieux, le patron interpellé a immédiatement répondu par l’affirmative. Rien d’étonnant pour un homme ayant pour modèles, comme tous ceux de sa génération, des capitaines d’industrie aussi emblématiques que Richard Branson, de Virgin, Bill Gates, de Microsoft, ou Steve Jobs, d’Apple. Ils ont construit des empires, parfois à partir d’une simple idée, développée avec patience et ténacité… Pourquoi pas lui ? La réalité des entreprises africaines est moins idyllique. Le plus souvent, c’est un parcours semé d’embûches qui attend nos entrepreneurs. Certaines étapes se révéleront particulièrement périlleuses, capables de ruiner à tout jamais les projets les plus audacieux, comme les plus sérieux. D’ailleurs, quelque temps après un départ en fanfare, notre chef d’entreprise a frôlé la faillite. Sa société était criblée de dettes, pour avoir dû faire face à des clients mauvais payeurs, incapables d’honorer leurs engagements. Il n’a pu se tirer de ce mauvais pas qu’avec l’appui financier de sa famille. Quelques années plus tard, après avoir subi un contrôle fiscal inopiné (vengeance d’un ancien camarade de classe jaloux de sa réussite), notre patron s’est heurté à la difficulté de trouver des financements pour développer son affaire. C’est bien connu, les banques en Afrique sont frileuses, particulièrement à l’égard des PME. Pour obtenir un prêt à long terme, il lui a fallu de solides garanties et prendre le risque d’hypothéquer sa maison. Dans sa marche vers le succès, ce manager un brin mégalo s’est trouvé par la suite confronté à un choix stratégique : diversifier son activité en prenant le contrôle d’une autre affaire ou consolider ses positions en investissant dans l’appareil productif. Il a fait le choix de grossir plutôt que de grandir, se disant qu’ainsi il intégrerait peut-être plus rapidement l’élite des 500. Pour accompagner ce développement, convaincu de la nécessité de s’appuyer sur des ressources humaines de qualité, notre tycoon a cette fois-ci buté sur les difficultés à trouver sur place les cadres qualifiés et de confiance dont il avait besoin. Leur collaboration était d’autant plus indispensable que ses produits se trouvaient en concurrence avec d’autres venus d’Asie, vendus d’autant moins cher que lui pâtissait de coûts de production inadaptés et de débouchés dans des pays africains trop petits pour autoriser des économies d’échelle. Sept ans plus tard, la mort dans l’âme, l’ambitieux patron a fini par déposer le bilan de son entreprise. Elle ne fera donc pas partie du prestigieux Top 500. Son audace s’est heurtée aux sept péchés du capitalisme africain : insolvabilité des clients, environnement des affaires incertain, financements introuvables, manque de formation des ressources humaines, productivité en berne, étroitesse des marchés et… orgueil d’un dirigeant charismatique un peu trop impatient.

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