Baisse de régime

Publié le 5 novembre 2008 Lecture : 4 minutes.

Les télécommunications africaines affichent une nouvelle année de croissance à deux chiffres, dans le prolongement de la tendance observée depuis la création de ce palmarès. À 45,3 milliards de dollars, le chiffre d’affaires cumulé des 25 groupes de notre classement présente une hausse confortable de 33 % en un an. Et le dernier du tableau, Tunisiana, qui entre cette année dans le classement, affiche des ventes 44 % plus élevées que celles du dernier de la précédente édition, Telecom Namibia, qui a disparu du classement télécoms. Tunisiana, second opérateur tunisien et filiale du groupe égyptien Orascom Telecom, accède d’ailleurs directement à la 12e place des entreprises tunisiennes. Autre nouveau venu dans ce Top 25, Wataniya Telecom Algérie, propulsé 20e du secteur, et en progression de sept places dans son pays, où il arrive 15e. Wataniya Telecom Algérie détient en outre la palme de la plus forte progression, avec des ventes en hausse de 87 % en un an. Suivi par Orange Côte d’Ivoire (+ 78 %) et, d’un peu plus loin, par d’autres opérateurs de téléphonie mobile, comme le sénégalais Sonatel Mobiles (+ 48 %, à la 22e position, en hausse de deux places), désormais titulaire de la marque Orange, ou Orascom Telecom Algérie (+ 43 %, qui gagne une place et arrive 9e) et sa maison mère Orascom Telecom (+ 38 %, 4e du secteur comme l’année dernière). Sur le papier, c’est-­à-dire entre notre édition précédente et celle-ci, les hausses de chiffres d’affaires des filiales de MTN, notamment au Nigeria (+ 50 %, 7e, en progression de deux places) et en Afrique du Sud (+ 45 %, 5e, sans changement) sont également spectaculaires. Il convient toutefois de les pondérer : les chiffres dont nous disposions il y a un an portaient sur un exercice de neuf mois, le groupe ayant cette année-là changé la date de clôture de son exercice, passant du 31 mars au 31 décembre. Une correction en appelant une autre, une analyse plus fine des résultats de ce tableau a de quoi tempérer l’enthousiasme qui prévaut dès que l’on parle de télécommunications en Afrique. Notons tout d’abord que l’activité des opérateurs globaux, ceux qui ne commercialisent pas seulement des services mobiles, s’essouffle. Nous ­avions évoqué une « relative stagnation » il y a un an ; pour certains, il y a lieu de parler maintenant de « ralentissement ». En témoigne l’effondrement de Sudanese Telecom (Sudatel), dont le chiffre d’affaires a chuté de 46 % en un an. Le groupe dégringole de sept places dans ce Top 25, arrivant 24e. Cela ne l’a pas empêché de décrocher, en 2007, deux licences d’exploitation de réseaux sur le continent. Il s’est installé en Mauritanie, via la société Chinguitel, dont il détient 60 %, et s’est vu attribuer en septembre, pour 200 millions de dollars, la troisième licence du Sénégal. L’opérateur s’est engagé à démarrer son service en mars 2008. Autre baisse importante, celle d’Algérie Télécom, dont le chiffre d’affaires a diminué de 30 % en un an. Le groupe public recule de trois places dans ce Top 25, pour arriver 10e. Si les autres opérateurs globaux de ce tableau s’en sortent mieux, l’année est toutefois marquée par une baisse de forme du numéro un africain Telkom. Son chiffre d’affaires a diminué de 2 % et il n’est pas sauvé par les performances de sa filiale de téléphonie mobile, Vodacom, qui n’a progressé que de 10 % et perd une place dans notre classement, pour arriver troisième. Tunisie Télécom sauve les meubles avec un chiffre d’affaires quasi identique à celui de l’année dernière, tandis que Telecom Egypt progresse de 10 %, et Maroc Télécom de 24 %, sans doute grâce à son activité mobile, dont il ne détaille pas les résultats. En 2007, l’opérateur chérifien a procédé à deux acquisitions, celles de Gabon Télécom et de l’Office national des télécommunications (Onatel), au Burkina. Cela devrait lui permettre de consolider son activité dans notre prochaine édition. À moins que le ralentissement général ne se confirme… La progression annuelle du nombre d’abonnés au téléphone mobile en Afrique n’est plus que de 25 % en 2007, alors qu’elle était de 66 % il y a deux ans, selon le cabinet d’études de marchés Informa Telecoms & Media. En pratique, le marché approche de la saturation et les opérateurs vont devoir trouver de nouveaux gisements de croissance. Leur marge de manœuvre est assez étroite. À 20 dollars par mois, contre 45 dollars aux États-Unis ou en Europe, le chiffre d’affaires que chacun d’eux réalise par abonné – l’Arpu (Average Revenue Per User) – est l’un des plus faibles au monde. Ils ont, jusqu’à présent et avec succès, multiplié les clients pour compenser leur faible pouvoir d’achat. Mais, pour cette dernière raison, ils ne peuvent guère appliquer en Afrique la méthode de la multiplication des services qui a fait ses preuves dans les pays riches pour maintenir ou développer les ventes. La principale issue réside donc dans la poursuite des opérations de croissance externe, quitte à conduire sur d’autres continents ceux qui les pratiquent. Voilà pourquoi Celtel, présent dans quinze pays africains, est désormais propriété du groupe koweïtien MTC. Et pourquoi le sud-­africain MTN est actif au Proche et au Moyen-Orient depuis 2006, quand il s’est porté acquéreur d’Investcom, également présent dans six pays d’Afrique. C’est pour la même raison que Naguib Sawiris, le patron d’Orascom Telecom, se montre de plus en plus gourmand et vise l’Europe, où il est déjà propriétaire, depuis 2005, de l’opérateur italien Wind. Les années de progression spectaculaire de la clientèle sont terminées. Elles ont permis la création de quelques groupes africains de dimension respectable. Il est maintenant vital qu’ils passent à la vitesse supérieure. À ce jour, personne ne sait qui, des 25 de notre tableau, donnera le signal de cette nouvelle course à la taille critique.

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