Le vague à l’âme des bandits manchots

Publié le 5 novembre 2008 Lecture : 3 minutes.

En Tunisie, les casinos se comptent sur les doigts d’une seule main. Il y a seulement deux établissements de jeu qui fonctionnent actuellement dans le pays : le casino La Médina, inauguré en 2004 à Yasmine Hammamet par le groupe tunisien Poulina, et le Pasino de Djerba, propriété du groupe Partouche depuis 1998. Par ailleurs, au cours de ces dix dernières années, pas moins de cinq établissements de jeu ont dû fermer leurs portes pour cause de manque de rentabilité. C’est le cas du premier casino du pays, implanté à Hammamet en 1997 par le groupe français Lucien Barrière. Mais la mauvaise gestion, parfois même frauduleuse, de certains ­d’entre eux a aussi été à l’origine de ces faillites en cascade. Le Grand Casino Yasmine Hammamet, inauguré en 2002 par le groupe italien Astro Tourism, a ainsi précipitamment fermé ses portes en janvier 2007. Difficile d’obtenir des explications de la part des principaux acteurs du secteur, qui esquivent la moindre question portant sur ces dérives. Toutefois, sous couvert d’anonymat, les langues se délient. « Il y a un réel problème lié à la législation. Il faut sévèrement punir les cas de gestion frauduleuse si l’on veut développer un secteur des jeux crédible en Tunisie », dénonce un professionnel. Il est vrai que le business du jeu reste ici peu juteux. Les casinos, interdits aux Tunisiens, sont fréquentés par des touristes, essentiellement des Allemands, des Français et des Italiens. « La clientèle dépense en moyenne 5 à 10 euros par soir, surtout dans les machines à sous », explique un hôtelier. Victime du rythme saisonnier de l’activité et de sa clientèle touristique « de masse », la Tunisie a aujourd’hui du mal à modifier son image et à attirer une clientèle internationale à la fois fortunée et passionnée de jeux d’argent. Contrairement au Maroc, où cette activité, bien plus ancienne (certains établissements sont ouverts depuis plus d’un demi-siècle, comme celui de l’hôtel Es Saadi, à Marrakech), séduit une clientèle aisée qui fréquente assidûment les six casinos du royaume. « En Tunisie, nous en sommes encore loin. Les jeux de casinos ne sont pas considérés comme une activité à part entière, comme la thalassothérapie ou le golf. Les touristes se rendent au casino de l’hôtel avant tout pour tromper l’ennui », commente un croupier. Certains établissements, comme celui de Yasmine Hammamet, tentent toutefois de rectifier le tir en ciblant une clientèle russe à fort pouvoir d’achat, mais également une clientèle moyen-­orientale, par l’entremise des tour-opérateurs. Sans oublier, bien sûr, l’immense marché chinois et ses 20 millions de touristes par an. Pour séduire ces joueurs potentiels, le casino La Médina, qui s’étend sur une surface de 2 000 m2 avec 13 tables de jeux et 130 machines à sous, compte sur la qualité de ses prestations. « Les clients s’attendent à un service irréprochable, nous œuvrons dans ce sens », précise Raymond Matar, directeur général de l’établissement. Mais là encore, bien des efforts restent à faire. D’après une étude annuelle publiée en mai 2007 par la revue allemande Touristik Aktuelle, qui fait autorité chez les professionnels, la Tunisie est pointée du doigt pour la médiocre qualité de ses prestations. Alors que les Baléares, l’Espagne et la Turquie arrivent en tête au classement des destinations touristiques, la Tunisie recule d’un rang entre 2006 et 2007 et se classe en dixième position. Ses notes en matière de qualité de services hôteliers et annexes, comprenant l’activité des casinos, sont nettement en baisse. Parmi les lacunes relevées, on cite en particulier la formation du personnel. « Les nouvelles recrues de nos casinos s’y perdent un peu. Ce n’est pas grave face à une clientèle d’amateurs, mais c’est difficile à imaginer avec des clients qui misent gros. On a du mal actuellement à embaucher », explique un professionnel. Faute d’instituts spécialisés, l’univers des croupiers est, en effet, loin d’être professionnalisé en Tunisie. « On nous demande surtout d’être courtois et souriants », commente Mohamed, qui travaille depuis trois ans au casino de Yasmine Hammamet. Parallèlement, certains croupiers n’hésitent plus à dénoncer des conditions de travail de plus en plus difficiles : « On est constamment surveillé. On n’a pas le droit de parler aux clients en dehors des formules de politesse. Nos poches sont cousues pour éviter les vols et on est renvoyé pour trois fois rien. C’est insupportable. » Difficile dans ces conditions de susciter des vocations. 

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