Le nombre d’acteurs 
a doublé en six ans

Publié le 5 novembre 2008 Lecture : 5 minutes.

Près de 1 500 opérateurs, plus de 40 000 personnes, 35 milliards de dirhams de chiffre d’affaires en 2006 : depuis sa naissance, dans les années 1970, le secteur marocain des sociétés de services en ingénierie informatique (SSII) « a toujours été en expansion », constate Kamil Benjelloun, président délégué de CBI, une entreprise pionnière créée en 1970, alors que les technologies de l’information n’en sont qu’à leurs balbutiements (lire l’encadré). Aujourd’hui, les SSII génèrent 8 % à 10 % de la richesse nationale (contre 6 % à 8 % il y a cinq ans). Certaines sont cotées en Bourse. Leur savoir-faire, internationalement reconnu, fait partie du patrimoine économique marocain et contribue à cette image moderne que le pays véhicule à l’étranger. Une promenade à Casashore, site de la capitale économique dédié aux activités d’offshoring, suffit à balayer le cliché selon lequel l’Afrique n’est ni plus ni moins qu’un réservoir de ressources naturelles. Le Maroc, peu doté en matières premières, excepté le phosphate, a tablé sur sa matière grise. Les fleurons internationaux du secteur, tels Accenture, Unilog ou Capgemini, l’ont bien compris, qui ont établi leurs quartiers à Casablanca. Il y a trente ans, les premières SSII élaboraient des systèmes d’information essentiellement pour les banques et les sociétés d’assurances du marché intérieur. Aujourd’hui, le secteur a franchi les frontières et s’est largement diversifié. M2M et S2M, spécialisées dans la monétique, vendent des systèmes de paiement au Maroc, mais aussi en Afrique subsaharienne, dans les pays du Golfe et en Amérique du Nord. GFI Maroc, créée en 1987 par une ancienne de Bull Maroc, Saloua Karkri Belkeziz, alors âgée d’une trentaine d’années, continue de vendre ses progiciels de gestion – ainsi que des services associés, la maintenance notamment – à son premier client, Berliet Maroc. Mais le groupe CFAO, Axa ou encore la compagnie Atlas Blue se sont ajoutés à son portefeuille. En janvier 2007, le groupe, détenu en majorité par GFI France, a créé une filiale dédiée à l’offshoring, tout naturellement basée à Casashore. Depuis cinq ans, le chiffre d’affaires de GFI Maroc augmente chaque année de 15 % à 20 %. En 2008, il atteindra les 40 millions de dirhams, espère sa présidente-directrice générale (également députée Istiqlal). De jeunes pousses font leur apparition. Spécialisée dans les technologies de l’Internet, Ippon Technologies, née en France en 2002, est arrivée à Casablanca en 2006. Objectif : diversifier ses marchés pour se mettre à l’abri des cycles. « On a pris une carte du monde, explique le directeur financier, Benjamin de Gaudusson, au côté du président de la société, Stéphane Nomis. L’Inde et la Chine sont trop loin, on ne pouvait pas supporter les coûts. Les pays ­d’Europe de l’Est, comme la Bulgarie et la Hongrie se sont rapidement révélés trop corrompus. Il restait le Maroc, qui n’était pourtant pas parmi nos priorités. » Après avoir réalisé une étude de marché et être venus sur place en mai 2006, les deux collaborateurs n’ont pas traîné : deux mois plus tard, ils créent leur filiale marocaine avec un investissement initial, puisé dans les fonds propres, de 400 000 euros. Loin de regretter leur choix, ils comptent profiter de la modernisation de l’administration, des banques et des sociétés d’assurances, qui ne sont pas encore passées à l’heure de l’Internet – aussi bien pour des réseaux intranet que pour la vente en ligne – pour se développer. « Le marché local est encore vierge », assurent-ils. Leur but est de réaliser 30 % du chiffre d’affaires grâce à l’offshoring, et le reste sur le marché local. Le secteur s’est structuré. Grâce à la création, en 1989, de l’Association des professionnels des technologies de l’information (Apebi), qui rassemble aujourd’hui 80 % des SSII marocaines. Également grâce au volontarisme des autorités : conscientes de l’attractivité du secteur et de sa capacité à créer de la richesse, en septembre 2006, celles-ci ont signé avec l’Apebi un « Contrat progrès », sorte de partenariat public-privé censé accompagner son développement. Objectif : permettre aux TIC de réaliser un chiffre d’affaires global de 60 milliards de dirhams en 2012 – contre 26 milliards en 2004, soit une croissance annuelle de 18 %. Un panel de mesures est prévu : incitation à la recherche et développement (avec une participation de l’État), réduction des charges sur les emplois créés, facilitation de l’accès aux financements, formation (le but étant d’avoir formé, en 2010, 11 500 diplômés universitaires dans les TIC), poursuite du processus de libéralisation des télécoms, création de zones dédiées, ou encore développement de l’Internet, condition sine qua non. Aujourd’hui, les télécoms représentent 80 % du chiffre d’affaires global des SSII, contre 20 % pour les technologies de l’information. La part de l’offshoring est encore minime. Mais d’ici à 2012, les télécoms ne devraient pas représenter plus de 20 % : « Les télécoms, c’est la couche support, explique Jamal Benhamou, directeur de l’Apebi. En 2012, leur développement sera arrivé à maturité. » Inversement, les parts des technologies de l’information et de l’offshoring devraient grimper à 40 % chacune. Les objectifs sont ambitieux et optimistes. Trop ? De l’avis de l’ensemble des opérateurs, il est de plus en plus difficile de dénicher des ressources humaines. « Depuis le début de 2007, on sent une véritable tension », reconnaît la patronne de GFI Maroc, Saloua Karkri Belkeziz. La concurrence est de plus en plus vive : le nombre de SSII a été multiplié par deux entre 2001 et 2007. Parmi les nouvelles, de gros calibres internationaux, dont les rémunérations et le prestige sont attractifs pour les diplômés. En position de force, ils n’hésitent pas à quitter la maison pour un meilleur salaire ou un emploi plus motivant. Au Maroc ou ailleurs : « Nous sommes confrontés à la fuite des cerveaux, constate Kamil Benjelloun. Le Moyen-Orient vient puiser chez nous. » Par ailleurs, certains métiers, s’ils demandent des compétences, ne sont pas assez variés pour stimuler durablement l’intérêt des cadres. « Un ingénieur ne peut pas trouver son compte s’il ne fait que de l’offshoring », poursuit Saloua Karkri Belkeziz. La solution ? La formation, bien sûr. Mais il faudra attendre trois ans pour que le projet des autorités de former 10 000 ingénieurs, mis en place à la fin de 2006, porte ses premiers fruits. Également, « motiver ses troupes par toute une palette d’actions, explique Kamil Benjelloun. L’actionnariat du personnel, la rémunération, les challenges, le leadership. Mais tout cela, ça prend du temps », ajoute-t-il. Parallèlement, les exigences de la clientèle évoluent. « Le secteur change constamment, renchérit Saloua Karkri Belkeziz. Aujourd’hui, les clients ne demandent plus des produits purement techniques, mais des solutions adaptées à leur métier. Pour qu’il mette en place une solution ressources humaines, il est préférable que votre ingénieur ait un master en ressources humaines. » Actuellement, GFI Maroc investit 5 % de son chiffre d’affaires annuel dans la formation de ses employés. En espérant qu’ils n’iront pas voir ailleurs…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires