Le low cost à tout prix

L’ouverture totale de l’espace aérien national à la concurrence et l’arrivée de Transavia devraient faire chuter les tarifs pour les résidents. Face à une compétition grandissante, les compagnies locales vont devoir s’adapter.

Publié le 4 novembre 2008 Lecture : 4 minutes.

Des clients qui se frottent les mains, des professionnels qui font grise mine : l’entrée en vigueur, au premier janvier 2008, de l’accord d’open sky (ciel ouvert) avec l’Union européenne suscite attentes et craintes démesurées en Tunisie. L’instauration de ce régime libéralisera totalement le transport aérien et abolira la distinction qui existe encore entre pavillons nationaux et pavillons étrangers. Dès lors, toutes les compagnies européennes, y compris les low cost et les charters, pourront desservir toutes les lignes du marché tunisien. Ce qui est déjà en partie le cas, puisque la Tunisie reçoit une bonne centaine de charters et une trentaine de compagnies régulières. La part des compagnies françaises sur ce marché approche les 40 % (projections 2007). Cependant, la persistance d’obstacles d’ordre réglementaire, comme les ententes tarifaires entre Tunisair et Air France, les deux compagnies qui se partagent, dans les faits, le marché de la juteuse desserte de Tunis, fait que les consommateurs de la capitale tunisienne n’ont pas le sentiment de bénéficier de toutes les retombées positives de la concurrence. L’été, le prix d’un billet Paris-Tunis peut frôler la barre des 1 000 euros s’il est réservé seulement une ou deux semaines à l’avance. En morte-saison, la facture descend très rarement sous les 300 euros. La plupart des compagnies charters – sinon toutes – ne proposent pas de tarifs au départ des aéroports tunisiens : les résidents ne peuvent donc pas bénéficier des prix bradés dont profitent les touristes européens qui viennent bronzer pour moins de 200 euros le billet, séjour d’une semaine à l’hôtel en demi-pension compris. Par ailleurs, les résidents tunisiens détenteurs de billets aller simple peuvent être interdits d’embarquer au départ de Tunisie. Cinq passagers de Transavia en ont fait l’amère expérience durant l’été 2007 à Djerba… Autant que l’avènement de l’open sky, la montée en puissance de cette nouvelle compagnie low fare, codétenue par Air France et KLM, peut changer la donne. Lancée en mai 2007, Transavia dessert dix destinations du Bassin méditerranéen au départ d’Orly, dont Agadir, Oujda, Djerba, Monastir et Tozeur. Sa flotte, actuellement composée de quatre moyen-courriers, va s’enrichir de trois appareils supplémentaires au premier trimestre 2008. Sa grille tarifaire est pour l’instant imbattable : 69 euros l’aller simple Paris-Monastir et 79 euros le Paris-Djerba. Transavia propose des vols réguliers et bénéficie, pour ses achats de carburants et ses achats généraux, de synergies avec Air France-KLM, auquel elle est adossée. Transavia a débuté en fanfare, avec un taux de remplissage de 77 % durant la période estivale. L’arrivée de ce nouvel acteur est incontestablement une bonne nouvelle pour l’industrie touristique tunisienne. La multiplication des dessertes aériennes à bas prix dope la fréquentation des hôtels du littoral, qui ont du mal à se remplir en automne et en hiver. La Tunisie a accueilli 6,5 millions de visiteurs en 2006, dont 1,2 million de Français. L’Hexagone reste le premier marché émetteur de touristes, et son potentiel de croissance n’est pas épuisé. L’entrée en vigueur de l’open sky et la venue des low cost peuvent booster la fréquentation touristique d’un pays ; le phénomène a été observé récemment au Maroc. Face à cette nouvelle concurrence, les compagnies tunisiennes sont condamnées à réagir. Elles sont trois à se partager le marché. Il y a tout d’abord la compagnie nationale, Tunisair, qui, après un passage difficile entre 2000 et 2004, a renoué avec les bénéfices. Elle possède l’une des flottes les plus modernes et les plus sûres du continent, avec une trentaine d’appareils – 11 Boeing et 19 Airbus. Très bien positionnée sur le segment des lignes régulières, elle est également active sur le créneau des charters, avec une part de marché de 28 % en 2006. Viennent ensuite les deux compagnies privées, Nouvelair – propriété de l’homme d’affaires Aziz Miled –, qui opère des lignes régulières au départ des autres aéroports que Tunis, ainsi que des charters, et Karthago – appartenant à Belhassen Trabelsi, le frère aîné de Leïla Ben Ali, l’épouse du chef de l’État tunisien –, spécialisée, elle, dans le charter. Nouvelair et Karthago ont entamé un processus de rapprochement afin d’atteindre une masse critique leur permettant de contrer la concurrence. Processus qui n’est pas encore allé à terme. Reste le cas Seven Air, l’ex-Tuninter, filiale de Tunisair, qui vient d’achever sa restructuration. Le changement de nom, intervenu le 07/07/07, était devenu inéluctable après qu’un de ses appareils s’était abîmé en Méditerranée, en juillet 2005, à cause d’une jauge de carburant déficiente (l’accident avait fait 16 morts, dont des touristes italiens). Spécialisée dans les lignes domestiques et quelques dessertes régionales (Sfax, Tripoli, Malte, Palerme…), Seven Air opère une quarantaine de vols par semaine et doit évoluer vers un schéma de low cost afin de riposter à Transavia. Mais la transformation de cette ancienne société publique en compagnie à bas coût marque le pas. D’autant que sa flotte ne se compose que de deux ATR (avion de transport régional), appareils à court rayon d’action et de faible capacité. L’acquisition de deux nouveaux avions vient d’être approuvée par l’autorité de tutelle. Mais il s’agit à nouveau d’ATR. Pas précisément les avions qui permettraient à Seven Air de se métamorphoser en une low cost conquérante…

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