RDC – La ruée bancaire

Le pays recense 350 000 comptes, mais le potentiel est estimé à 13 millions de clients. De quoi attiser l’imagination commerciale des établissements de la place, de plus en plus nombreux, qui diversifient les produits et les services offerts à la clientèle.

Publié le 21 janvier 2011 Lecture : 4 minutes.

En RDC, les banques poussent doucement, mais sûrement. Elles seront près de vingt-cinq à la fin de 2010 contre une douzaine seulement en 2002, année de l’adoption d’une nouvelle loi bancaire, et début de la restructuration et de la recomposition du paysage financier. La plupart des grands groupes bancaires pan­africains, de Standard Bank à Ecobank en passant par Bank of Africa, s’y sont depuis installés, convaincus par le potentiel d’un pays qui compte quelque 65 millions d’habitants et d’importantes richesses minières. Cette inflation bancaire ainsi que la confiance retrouvée des Congolais dans leur système financier ont permis de porter le nombre de comptes de 30 000, il y a cinq ans, à 350 000 aujourd’hui. Le volume des dépôts a quant à lui grimpé de 835 millions de dollars en 2007 à 1 milliard de dollars en 2009 (environ 700 millions d’euros à l’époque).

Les nouveaux arrivants ont bousculé les habitudes, diversifiant les produits et les services offerts à la clientèle. L’allemand ProCredit Bank a ainsi ciblé les « petits », dont aucune banque ne voulait auparavant, en s’implantant dans les quartiers populaires de la capitale et en introduisant la monétique. Les autres ont suivi, et, aujourd’hui, les retraits de cash aux guichets automatiques sont entrés dans les mœurs, tandis que le paiement par carte bancaire est de plus en plus accepté par les commerces, les hôtels et les restaurants.

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SÉDUIRE LES PME

Pour augmenter leurs parts de marché, les banques n’ont d’autres moyens que d’explorer le gisement de clients non encore bancarisés. Alors que le marché des salariés est déjà largement couvert, et celui des grands comptes aussi, cette nouvelle manne pourrait venir des acteurs de l’informel et surtout des petites et moyennes entreprises (PME). Traditionnellement peu enclines à entrer dans le système bancaire, certaines de ces PME disposent pourtant d’épargne, qu’elles « capitalisent sous forme de stocks ou investissent dans la construction », explique Louis-Odilon Alaguillaume, administrateur délégué de la Banque internationale de crédit (BIC), l’une des cinq premières banques du pays. Cette situation pourrait être bouleversée « si le gouvernement prenait des mesures pour obliger les PME à exécuter leurs transactions via les banques, ce qui permettrait à ces dernières d’augmenter leurs parts de marché et d’abaisser le taux du crédit, très élevé », remarque un banquier.

De leur côté, les banques devront faire un effort en matière de crédits. Si en 2009 le stock des crédits octroyés (504 millions de dollars) représentait la moitié de celui des avoirs, les prêts à l’économie restaient principalement des crédits documentaires, de caisse et commerciaux à court terme, avec des montants limités. Même si elles peuvent parfois se regrouper pour un crédit, les banques prêtent en général à peine l’équivalent de six mois de salaire pour les particuliers et de 15 000 à 50 000 dollars pour les commerçants ou les petits industriels, avec des délais de remboursement excédant rarement trente-six mois. Pas de quoi financer les investissements sur le long terme et, incidemment, le développement économique d’un pays.

Où trouver les ressources qui permettraient de satisfaire cette demande ? Les déposants semblent réticents à laisser leur épargne auprès du système financier pour des durées longues. Seules cinq banques proposent des comptes épargne, et les comptes courants représentaient toujours 82 % du total des comptes en 2009. Du coup, des montages sont étudiés par des bailleurs de fonds comme la Banque européenne d’investissement, l’Agence française de développement, l’Agence des États-Unis pour le développement international ou la Banque mondiale, qui envisagent d’accorder des lignes de crédit aux banques congolaises pour financer les PME. Avec, en accompagnement, une formation de ces dernières à la culture bancaire. L’implantation de banques d’investissement est également appelée de leurs vœux par de nombreux chefs d’entreprise.

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COURSE À L’OUVERTURE D’AGENCES

Pour développer l’activité commerciale, les banques visent les petites villes de l’intérieur. Deux provinces, le Bandundu et le Maniema, ne comptent en effet aucune présence bancaire. Une autre, l’Équateur, ne compte qu’une agence. Et, excepté Kinshasa, le Bas-Congo et le Katanga, les autres provinces sont sous-bancarisées. Malgré des problèmes sécuritaires, les deux Kivus et la province Orientale offrent de larges potentialités. Du coup, la course à l’ouverture d’agences à l’intérieur du pays a commencé. Les banques anciennement implantées, qui disposent d’un réseau en province, ont l’avantage sur les nouveaux arrivés, dont la connaissance du pays reste à bâtir.

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Les banques étrangères ont quant à elle beaucoup de chemin à parcourir pour se faire une place sur un marché dominé par des établissements rattachés à des investisseurs, principalement des groupes, opérant en RD Congo : ils représentent quasiment la moitié des banques du pays et totalisent plus des trois quarts des dépôts et des crédits (voir graphique). Parmi les leaders figure la Banque commerciale du Congo (BCDC), doyenne des banques congolaises, acquise à la fin de 2009 par la famille Forrest auprès du français BNP Paribas, qui avait lui-même repris les parts de Fortis-Belgolaise en mai 2008. La BIAC appartient quant à elle au groupe Blattner, tandis que le groupe indien Rawji, actif en RD Congo depuis près d’un siècle et très diversifié, a créé Raw Bank en 2002, désormais numéro un du pays. Autres exemples : les diamantaires israéliens Dan Gertler International et Beny Steinmetz Group, qui contrôlent la BIC, ou l’homme d’affaires Robert Lévi, qui a ouvert la Trust Merchant Bank (TMB), à Lubumbashi.

Ce lien capitalistique entre banques et groupes privés laisse-t-il planer un danger sur la stabilité du système financier ? Ces banquiers d’un nouveau genre se sont-ils lancés dans le métier pour capter l’épargne locale et financer leurs affaires ? Rawji s’en défend. « Nous avons créé une banque pour diversifier nos activités. D’ailleurs, la Banque centrale du Congo est vigilante en matière d’octroi de crédits aux entreprises et aux administrateurs d’un groupe. En ce qui nous concerne, il n’y a pas de conflits d’intérêt », informe Michel Notebaert, directeur commercial de Raw Bank. De plus, la taille encore modeste du système bancaire congolais, avec un total de bilan équivalent à 11,9 % du produit intérieur brut à la fin de 2009, contre une moyenne africaine de 32 %, limite fortement les risques.

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