Côte d’Ivoire : les pleins pouvoirs économiques pour Ouattara
Le parlement ivoirien a voté hier mercredi 10 avril une loi qui octroie au président des pouvoirs exceptionnels en matière de gestion économique. Deux ans après l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir, les craintes d’hyperprésidentialisation se précisent.
Hier mercredi 10 avril, avec 178 voix pour, six voix contre et quatre abstentions, le parlement ivoirien a accordé au président Alassane Ouattara le pouvoir de prendre des décisions par décret en matière de gestion économique. Une décision qui lui laisse les mains libres pour mettre en œuvre les programmes censés accélérer le redressement du pays après une décennie de guerre civile. Marius Ndri, directeur des services législatifs du parlement, interviewé par Reuters, explique que « le président a demandé à l’Assemblée nationale l’autorisation d’agir sur les questions économiques et sociales par décret de manière à mettre en œuvre sa vision ». Marius Ndri a précisé que les décrets émis en 2013 devraient être approuvés par le parlement d’ici à la fin de l’année.
Reprise en main
Cette décision marque le dernier épisode en date de la reprise en main des dossiers économiques par la présidence. Considéré avec de plus en plus de méfiance pour sa gestion, Charles Koffi Diby, l’ancien ministre de l’Économie s’est vu confier le portefeuille des Affaires étrangères en novembre pour être remplacé dans sa fonction par Daniel Kablan Duncan, le Premier ministre. Kaba Nialé, la ministre déléguée à l’Économie, fait partie du cercle des fidèles du président Ouattara.
La présidence s’est beaucoup renforcée en nommant des conseillers, hommes de l’ombre qui disposent d’un vrai pouvoir.
La présidence et les ministères tentent chacun de retenir l’usage des fonds des bailleurs, notamment la manne du C2D (un mécanisme de refinancement de la France par dons des échéances dues, soit 630 millions d’euros en trois ans à partir de décembre 2012) et de l’initiative PPTE. La présidence s’est beaucoup renforcée en nommant des conseillers, hommes de l’ombre qui disposent d’un vrai pouvoir, non seulement de réflexion mais aussi de décision. Si bien qu’ils rivalisent avec les divers ministères et agences chargés d’aiguiller la dépense publique.
Exécution budgétaire
Avec une croissance évaluée à 8,6% en 2012, le pays entend poursuivre son décollage économique à un rythme extrêmement ambitieux. Il table sur une croissance de 9% en 2013 et de 10% les deux années suivantes. Des investissements d’envergure dans le renouvellement des infrastructures, la production énergétique et l’expansion des secteurs pétrolier et minier doivent lui permettre de retrouver son statut de puissance économique régionale. Le plan national de développement 2012-2015, d’un montant total de 11 076 milliards de F CFA suppose un besoin de financement de 2 501 milliards qui doit être assuré par des dons, des prêts et des émissions obligataires.
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Le vote du parlement intervient donc dans un contexte difficile, notamment en ce qui concerne l’exécution budgétaire pour l’exercice 2013. En effet, selon plusieurs sources chez les bailleurs, l’État va devoir faire face à un assèchement de sa trésorerie. Et la Côte d’Ivoire chercherait à obtenir la requalification de ses crédits de manière à pouvoir les utiliser pour assurer l’équilibre budgétaire. De source proche du dossier, la ministre déléguée Kaba Nialé aurait ainsi tenté de négocier avec le ministère français de l’Économie et des Finances, afin d’utiliser les fonds du C2D dans ce but, mais ce dernier lui aurait opposé une fin de non-recevoir.
Mais le problème de fond réside dans la faible capacité d’absorption des ministères pour l’usage des fonds des bailleurs. À tel point que le FMI et la France ont mis en place des cellules d’appui. Certes, le pays doit aller vite pour mener à bien sa reconstruction. Mais, deux ans après l’arrivée d’Alassane Ouattara aux affaires, les soupçons d’hyper présidentialisation se confirment.
@AfricanObserver
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