Bédié, la chute : le roi était nu

Le président déchu était obsédé par la personnalité hors du commun de son prédécesseur. Hélas, le costume d’Houphouët était, à l’évidence, trop grand pour lui.

Publié le 22 décembre 2009 Lecture : 15 minutes.

Article paru dans le hors-série n°2 de Jeune Afrique en Janvier 2000

En trois jours, sans violence ni effusion de sang, la Côte d’Ivoire a tourné une page de son histoire. Quatre décennies après son accession à l’indépendance, le pays de Félix Houphouët-Boigny, réputé pour avoir toujours emprunté un cours tranquille, a vécu en accéléré un brutal changement de régime. La continuité paisible de l’État, dont se prévalait Henri Konan Bédié depuis 1993, se retourne aujourd’hui contre lui. Faute d’avoir compris que la conduite d’un pays ne peut se réduire à la revendication d’un héritage politique, aussi prestigieux soit-il, l’ex-chef de l’État ivoirien se retrouve tel un roi nu.

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En se donnant, ou plutôt en cherchant à se donner la posture d’un Houphouët-Boigny, Bédié a tout simplement oublié que le contexte politique avait changé et que les rapports entre le pouvoir et la population n’étaient plus ceux qu’était parvenu à tisser son prédécesseur, pendant plus de trente ans. Entre l’Houphouët des « trente glorieuses » et celui qui, en 1990, assista, impuissant, à la contestation qui allait ébranler les assises de son régime, bien des événements s’étaient, en effet, produits. À l’évidence, Bédié n’en a pas pris la mesure : tant dans sa façon de gouverner – mélange d’arrogance et d’improvisation – que dans les méthodes utilisées pour occuper l’espace politique, tout s’est passé comme si le pluralisme arraché à Houphouët n’était, à ses yeux, qu’un simple habillage juridique et politique.

En s’enfermant dans la certitude que la légitimité était de son côté et que la prise en compte des aspirations de ses concitoyens ne relevait que du registre de la bienveillance, l’ancien chef de l’État avait fini par indisposer jusqu’à ses partisans. Entouré d’un cercle restreint de collaborateurs plus enclins à manifester leur zèle à l’endroit de leur « chef » qu’à le conseiller utilement ou à le mettre en garde contre certaines pratiques, il a petit à petit donné l’impression de ne plus être en phase avec les réalités et de surestimer sa capacité à déjouer toute adversité politique.

Comme nombre de ses pairs africains confrontés au même type de situation, Bédié a pu mesurer, à son détriment, le déficit de légitimité dont souffrait son pouvoir, mais aussi le caractère dérisoire des actes d’allégeance que lui manifestaient ses partisans. L’évanescence du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) au cours des deux journées où quelques centaines de militaires avaient pris possession de la rue, ainsi que le lâchage dont il a été victime de la part de ses thuriféraires en disent long sur le prétendu enracinement de l’ex-parti unique. Il en va aujourd’hui du PDCI comme naguère du PDG-RDA de Sékou Touré ou du MPR de Mobutu Sese Seko : il se révèle davantage un parti voué au culte du chef de l’État, au folklore entourant chacun de ses dépla­cements, qu’une structure organisée à des fins d’exercice ou de conquête du pouvoir. Et ne parlons même pas de sa fonction pédagogique…

Dans l’« affaire Ouattara », Bédié a fait preuve d’un entêtement incompré­­hensible, balayant d’un revers de la main les réactions que suscitait, en Afrique et ailleurs, le harcèlement dont était l’objet l’ancien Premier ministre. Il a en outre montré ses piètres talents politiques. Houphouët était naguère capable de reculer afin de mieux rebondir. Bédié, lui, n’a mani­festement pas compris que certaines concessions peuvent constituer des éléments clés d’une stratégie politique. Et qu’en voulant avoir raison contre tout le monde, il allait droit à l’échec.

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La meilleure illustration de cette myopie politique est sans doute le discours qu’il a prononcé, le 22 décem­bre, devant l’Assemblée nationale. Alors qu’on s’attendait à ce que le chef de l’État choisisse la voie de l’apaisement, en annonçant, par exemple, la libération des responsables du Rassemble­ment des républicains (RDR), il s’est borné à des propos convenus sur le « respect de la légalité et la soumission à l’autorité politique et judiciaire ». Cette insistance à privilégier la logique de la confrontation, en n’hésitant pas à aggraver le climat de tension dans le pays, a très certainement eu un lien direct avec le déclenchement des événements qui ont entraîné sa chute.

En réalité, la manière dont le pouvoir ivoirien a mis en œuvre sa campagne politico-judiciaire à propos de la nationalité de l’ancien Premier ministre trahit l’obsession qui a toujours habité Bédié : apparaître comme l’unique héritier d’Houphouët, tout en façonnant sa propre image et en lui donnant, le cas échéant, un socle idéologique. C’est de cette logique que participait le discours sur l’« ivoirité », qui n’était rien d’autre qu’un moyen d’écarter celui qui lui contestait l’héritage politique du fondateur du PDCI-RDA et se présentait comme le continuateur de celui-ci.

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Dans le registre de la filiation politique, Bédié s’est efforcé, dès son accession au pouvoir, d’emprunter à son prédécesseur tout l’apparat de la fonction et de se pourvoir de l’autorité qui y était attachée. Sous cet aspect, le prestige est perçu comme un ins­trument de pouvoir. À l’image d’Houphouët, qui n’avait pas hésité à faire de son village natal, Yamous­soukro, la capitale administrative de la Côte d’Ivoire, Bédié nourrissait les plus grandes ambitions pour son lieu de naissance, Daoukro. À partir de 1994, cette modeste bourgade a été dotée d’importantes infrastructures. Il était de bon ton de s’y rendre pour faire antichambre dans la luxueuse résidence que le chef de l’État s’y était fait construire.

La part du sym­bolique dans la conduite des affaires du pays a été l’une des marques de « l’houphouétisme » : tout ce qui se rapportait à la puissance du chef, aussi bien en termes de moyens financiers que de personnalisation du pouvoir, était minutieusement entretenu. Bédié s’est donc efforcé de s’inspirer de cet exemple. C’est le sens qu’il faut donner, par exemple, à l’impressionnant protocole mis en place lors de ses voyages, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, à la solennité que revêtaient ses interventions publiques, fidèlement reprises par les organes de presse officiels, mais aussi à la présence continuelle à ses côtés d’une cohorte de courtisans toujours prompts à faire allégeance. En fait, tout était soigneusement organisé pour rappeler la « sacralisation du pouvoir » léguée par le « Vieux », dont l’ombre planait sur chacune des prestations ou apparitions présidentielles. Même s’il se défendait de vouloir « chausser les bottes » d’Houphouët, Bédié était en permanence habité par le souci de lui emprunter ses habits. L’ennui, c’est que ceux-ci sont vite apparus trop grands pour lui. Et de plus en plus grands au fil des mois.

De même, ses longs séjours à l’étranger (en France, notamment), alors que ses concitoyens se perdaient en conjectures sur ses intentions et sur les moyens à mettre en œuvre pour surmonter la grave crise économique et sociale à laquelle ils faisaient face, n’étaient pas sans rappeler les absences répétées de son prédécesseur. Mais là s’arrête la comparaison. Même absent de Côte d’Ivoire, Houphouët, grâce, en particulier, aux multiples relais dont il disposait dans toutes les couches de la société, parvenait à prendre le pouls du pays et trouvait souvent des réponses aux situations de crise. Tel n’était pas le cas de Bédié, qui affectait la plus grande désinvolture, feinte ou réelle, à l’égard des sujets les plus préoccupants. En juillet 1999, alors qu’il n’était question, en Côte d’Ivoire comme ailleurs, que du détournement de l’aide de l’Union européenne et que cette affaire de corruption risquait de jeter un sérieux discrédit sur son régime, il avait trouvé le temps d’entreprendre un voyage officiel de plusieurs jours à Tokyo, prélude à un long séjour à l’étranger. Ce détachement, synonyme à la fois d’inconscience et d’arrogance, n’avait d’autre but que de démontrer que son pouvoir était suffisamment assis pour lui permettre de sillonner le monde et de faire de la représentation sur le plan international. Cela l’autorisait ainsi à minimiser le « cas Ouattara », qualifié par lui de « tempête dans un verre d’eau ». Pourtant, il était littéralement obnubilé par l’objectif qu’il s’était fixé : exclure Alassane Ouattara de l’élection présidentielle d’octobre 2000.

Bien que la lutte farouche qui a opposé les deux hommes pour la succession d’Houphouët ait provisoirement tourné, en décembre 1993, à l’avantage du premier, on la retrouve en filigrane de tous les grands événements de ces dernières années. Bédié utilisera toute la panoplie des moyens politiques et juridiques à sa disposition pour tenter d’éliminer de la scène ivoirienne celui qui avait « osé » s’interposer entre le Vieux et lui. Les nombreux épisodes qui ont marqué cette rivalité sont révélateurs du jusqu’au-boutisme de l’ancien chef de l’État. À croire que la gestion du pays se résumait pour lui à échafauder tous les scénarios possibles, en utilisant, au besoin, les lois de la République et l’appareil d’État, contre Ouattara et ses partisans. À ce jeu-là, la rationalité n’était guère de mise et l’usage de la carotte et du bâton a été érigé en mode de gouvernement.

Bédié ne ménagera pas ses efforts pour attirer à lui certains des proches de Ouattara et pour « casser » de l’intérieur le RDR. Peine perdue, car les défections d’un Adama Coulibaly, nommé ministre des Transports, ou d’une Jacqueline Oblé, ancien ministre de la Justice dans le gouvernement Ouattara, en 1993, n’affecteront pas la cohésion de ce parti, qui, le 1er août dernier, a porté à sa tête l’ancien directeur général adjoint du Fonds monétaire international. Un temps, le président caressera même l’espoir de provoquer la « dissi­dence » de la très charismatique Henriette Diabaté, secré­taire générale du RDR : à l’opposé d’un Ouattara, décrit comme un « fauteur de guerre civile », celle-ci était présentée par la presse du pouvoir (directement alimentée par les proches collaborateurs de Bédié) comme une intellectuelle fourvoyée dans un parti au service d’un « étranger ».

Histoire d’isoler Ouattara et d’enfoncer un coin entre le Front populaire ivoirien (FPI) et le RDR (unis au sein d’un Front républicain prévoyant un désistement au profit du candidat le mieux placé au premier tour de l’élection présidentielle), Bédié a également eu les yeux de Chimène pour Laurent Gbagbo. Celui-ci, qui incarna naguère l’opposition à l’« houphouétisme » et osa même, sacrilège suprême, défier le Vieux lors de la présidentielle de 1990, a été consacré comme l’interlocuteur privilégié du pouvoir. Entre 1998 et 1999, le chef du FPI s’est officiellement vu reconnaître le statut de chef de l’opposition, statut qu’il avait d’ailleurs déjà conquis, sur le terrain, depuis plusieurs années. C’est avec lui que se sont engagées les négociations sur la mise en place d’un mécanisme de contrôle des élections et qu’ont été discutées les conditions d’organisation du processus électoral. Longtemps pourfendu par la presse du PDCI pour avoir boycotté le scrutin présidentiel de 1995, puis, trois ans plus tard, pour avoir menacé la paix civile en faisant descendre dans la rue plusieurs dizaines de milliers de personnes contre un projet de loi de révision constitutionnelle conférant au président des pouvoirs exorbitants, Gbagbo devenait brusquement fréquentable. Les organes de presse gouvernementaux ne tarissaient plus d’éloges sur le « parcours politique exemplaire » du leader du FPI.

Mais là non plus, la stratégie de récupération n’a pas donné les résultats escomptés : Gbagbo n’a jamais renié son alliance avec Ouattara et un dialogue permanent s’est même instauré entre les deux partis, en vue de la conclusion, un jour, d’un accord minimal de gouvernement. Cette alliance avait évidemment ses limites, dès lors que Gbagbo et Ouattara nourrissaient l’un et l’autre des ambitions présidentielles, mais elle n’en a pas moins constitué un frein sérieux à l’isolement du RDR sur l’échiquier politique.

Si Gbagbo et le FPI ont donc eu droit à la « politique de la carotte », Bédié n’a jamais cessé de manier le bâton contre Ouattara et son parti. Le feuilleton politico-judiciaire autour de la nationalité de l’ancien Premier ministre d’Houphouët – avec comme point d’orgue, il y a quelques semaines, le mandat d’arrêt lancé contre celui-ci pour « usage de faux » – s’est conjugué avec l’arrestation, le 27 octobre, des principaux dirigeants du RDR. Sous le couvert d’une loi « anticasseurs » qui réprime, en cas d’incidents, ceux qui ont appelé à manifester, le pouvoir a surtout cherché à décapiter ce parti. Ouattara contraint à l’exil, ses principaux collaborateurs en prison : Bédié croyait bien s’être prémuni contre tout risque de candidature du président du RDR. Mais ce qu’il n’a pas vu, c’est que ces pratiques répressives et le recours à des expédients politiques contribuaient à enfoncer un peu plus la Côte d’Ivoire dans la crise, avec la sombre perspective de voir une partie de ses citoyens – les partisans de Ouattara – se sentir exclus de la communauté nationale.

Ce danger était d’autant plus réel que le concept d’ivoirité portait en lui les germes d’une idéologie d’exclusion dont les relents xénophobes étaient de nature à menacer l’unité nationale. Le débat que Bédié a lancé sur ce thème, dès son accession au pouvoir, à la fin de 1993, était révélateur de sa volonté de se doter d’un instrument idéologique et de le mettre à profit pour élargir son assise politique. La formation du gouvernement de Daniel Kablan Duncan était annonciatrice de cette nouvelle orientation, censée, aux yeux de son promoteur, marquer une rupture avec les choix de son prédécesseur. En faisant entrer au gouvernement des personnalités représentatives d’une génération qui avait fermement combattu Houphouët, tel le dramaturge Zadi Zaourou, nommé ministre de la Culture, et Pierre Kipré, chargé de l’Éducation nationale, et en s’ouvrant ainsi à la société civile, il affichait son ambition d’imprimer sa marque personnelle sur la vie politique, quitte à entamer le monopole du PDCI. L’occasion lui était ainsi offerte de renforcer son emprise sur son parti (qui, naguère, lui avait quelque peu manifesté sa défiance) et d’apparaître comme un homme d’ouverture. Sur ce dernier chapitre, il tentera, sans grand succès, il est vrai, de renverser l’alliance nouée par son prédécesseur entre le Nord (musulman) et le Centre (baoulé), au profit d’une alliance entre l’Ouest (bété) et le Centre.

Ni l’entrée au gouvernement de Francis Wodié, fondateur du Parti ivoirien des travailleurs (PIT) et candidat à l’élection présidentielle de 1995, ni le ralliement du pays guebié, traditionnellement hostile à Houphouët, ne provoquèrent la recom­position politique souhaitée par le chef de l’État. De même, ses efforts pour mettre en place des structures, tels les Comités nationaux de soutien, censées devenir l’ossature d’un futur parti du président resteront sans effet.

Toujours est-il que la nouvelle donne esquissée par quelques universitaires proches de Bédié devait reposer sur un socle culturel (l’ivoirité) et se traduire, sur le plan juridique, par l’adoption d’un nouveau code électoral restreignant le champ de l’éligibilité. À l’évidence, cette démarche dictée, dès 1994, par le souci d’empêcher une éventuelle candidature de Ouattara, a été contrariée par le « boycottage actif » du scrutin présidentiel d’octobre 1995 décrété par l’opposition et, singulièrement, par Gbagbo.

Si le discours sur l’ivoirité n’a rencontré qu’un faible écho sur le plan politique, il a, en revanche, suscité un climat de tension au sein de la société et réveillé de vieux démons ethniques et religieux. De là à inventer une sorte de « délit de patronyme » dont feraient les frais certaines franges de la population et à faire l’amalgame entre nationaux musulmans et immigrés ouest-africains, il n’y avait qu’un pas que quelques extrémistes – conseillers à la présidence, comme le juriste Faustin Kouamé, ou intellectuels en mal de repères politiques –, se sont empressés de franchir. À cet égard, le rapport sur l’immigration en Côte d’Ivoire présenté, le 15 octobre 1998, devant le Conseil économique et social, par le Pr Yapo résumait tous les dangers d’une pensée conduisant à jeter les « étrangers », un terme générique dont on n’arrivait plus à savoir ce qu’il recouvrait, en pâture à une population en butte à des difficultés grandissantes. Cette atmosphère délétère était régulièrement entretenue par des articles publiés dans la presse gouvernementale : leurs auteurs se livraient à une véritable surenchère dans la calomnie et la suspicion à l’égard de groupes communautaires clairement identifiés.

Cette dérive était d’autant plus dangereuse qu’elle intervenait sur fond de récession économique et de forte polarisation sociale. Depuis un an, la Côte d’Ivoire est, en effet, confrontée à une baisse des cours des principaux produits d’exportation (cacao et café), à une dégradation des finances publiques et au reflux des investissements privés. Le taux de croissance – un peu plus de 5 % en 1998 – ne rend qu’imparfaitement compte de la crise de confiance qui s’est installée dans le pays, amplifiée par la détérioration des relations avec les institutions financières internationales. En un an, les soutiens financiers extérieurs ont baissé de près de 90 % et rien ne laissait prévoir une normalisation rapide avec les bailleurs de fond. La révélation du détournement d’une partie de l’aide de l’Union européenne a eu un effet désastreux sur l’image du régime, tant dans le pays qu’à l’étranger.

Autant dire que tous les ingrédients, qu’ils soient internes (mécontentement général exacerbé par les accusations de corruption visant le président Bédié et son proche entourage) ou externes (isolement international et régional), d’une déstabilisation du pays étaient réunis. S’obstinant à ne voir dans les offres de médiation faites par certains de ses pairs africains dans l’affaire Ouattara, ou dans les mises en garde de ses partenaires extérieurs sur la gravité de la situation que des « ingérences inacceptables », Bédié se refusera, jusqu’à son éviction, à choisir la voie de l’apaisement. Le discours qu’il a prononcé devant l’Assemblée, la veille de la mutinerie qui allait déboucher sur le coup d’État, témoigne de cette injustifiable intransigeance.

Lors des négociations engagées, le 23 décembre, avec les mutins, il s’en tiendra d’ailleurs, pour son malheur, à cette attitude suicidaire, aux antipodes de celle, fondée sur le dialogue et la persuasion, adoptée par son prédécesseur, en 1990, au plus fort d’une mutinerie provoquée, déjà, par de jeunes soldats. Houphouët savait faire preuve d’une extraordinaire capacité d’adaptation à toutes les situations et mettre une sourdine, au besoin, à son légendaire orgueil. Bédié, lui, a toujours paru se comporter en défenseur acharné des intérêts d’un clan, au surplus convaincu de bénéficier du soutien de la majorité des Ivoiriens.

Les six années qu’il a passées à la tête de l’État ont, en tout cas, démontré qu’il n’a jamais été en mesure de proposer un véritable projet politique à ses concitoyens. Gérant son pays comme une entreprise familiale, il a constamment été en déphasage avec son époque. Pour ne pas avoir compris qu’il n’est plus possible de gouverner la Côte d’Ivoire comme le faisait Houphouët en 1960, et que, dans un monde où les frontières sont de plus en plus virtuelles, l’exercice solitaire du pouvoir est désormais anachronique, Bédié est passé à côté d’un destin politique après lequel il a couru quinze ans durant et qu’il n’a pas su saisir lorsqu’il s’est offert à lui.

Il reste à ceux qui ont très certainement évité le pire à leur pays à se montrer attentifs à l’espoir d’un changement radical qui anime les Ivoiriens. Et qu’ils auront l’occasion d’exprimer par le suffrage universel.

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