Avec l’onction des urnes
Succès électoraux en série pour Marc Ravalomanana. Après avoir été réélu au premier tour à la présidentielle du 3 décembre 2006 avec 54,8 % des suffrages, le chef de l’État a multiplié les consultations au cours de l’année écoulée. Le 4 avril, tout d’abord, il a soumis au peuple malgache une révision de la Constitution. La modification de la Loi fondamentale proposée a été approuvée par référendum à plus de 75 %.
Le parti présidentiel a poursuivi sur sa lancée en remportant les législatives du 23 septembre. Le mouvement de Ravalomanana, le TIM (Tiako i Madagasikara, soit « J’aime Madagascar ») dispose désormais de 106 députés sur 127 à l’Assemblée nationale. L’opposition sort en revanche laminée du scrutin. Les partis des quatre principaux adversaires de Ravalomanana à l’élection présidentielle sont quasiment absents de l’hémicycle. Toutefois, le triomphe du camp présidentiel est très relatif, compte tenu de la faiblesse de la participation.
Le TIM a terminé ce marathon électoral en remportant les municipales de décembre. Seule surprise, la mairie d’Antananarivo échappe au camp présidentiel, qui enregistre là son premier revers sérieux en cinq ans. La capitale revient à un candidat indépendant, un jeune entrepreneur âgé de 33 ans et inconnu en politique, Andry Rajoelina.
Malgré cet accroc, l’opposition reste profondément divisée et rien ne semble menacer le régime. Toutefois, la campagne menée pour faire modifier par référendum la Constitution a suscité de vives critiques. La révision constitutionnelle a entériné la suppression des six provinces autonomes au profit de 22 régions pour faciliter la mise en œuvre du MAP (Madagascar Action Plan). Ce programme de développement quinquennal (2007-2012) soutenu par les bailleurs de fonds internationaux est destiné à faire baisser le taux de pauvreté d’environ 70 % à 50 %. Il table sur un taux de croissance annuel de l’ordre de 8 % à 10 % en 2012, contre 5 à 6 % actuellement. Par ailleurs, le nouveau texte renforce les pouvoirs du président, qui peut désormais légiférer par ordonnance en cas d’urgence et dispose d’une plus grande latitude dans les nominations aux plus hautes fonctions judiciaires.
Outre ces dispositions, la réforme fait de l’anglais la troisième langue officielle, avec le français et le malgache. Un choix pour le moins surprenant pour ce pays partiellement francophone. Pour le Premier ministre Charles Rabemananjara, il s’agit d’une mesure dictée notamment par la géographie, Madagascar se trouvant dans une zone linguistique anglophone et appartenant à des organisations régionales dont l’anglais est la langue de travail. Il est vrai que la Grande Île, qui est membre du Marché commun d’Afrique orientale et australe (Comesa), a également adhéré à la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC).
Ce choix a toutefois suscité des polémiques, dans la mesure où la langue anglaise reste inconnue de la grande majorité de la population : 80 % des Malgaches ne parlent que malgache, et le français est utilisé comme la langue de travail dans les administrations, la politique et les affaires. Toutefois, depuis sa prise de pouvoir, en mai 2002, Ravalomanana, fervent apôtre du libéralisme, prêche pour un modèle de développement à l’anglo-saxonne. Ses détracteurs l’accusent de nourrir un vif ressentiment envers la France – à laquelle il reprocherait d’avoir trop longtemps soutenu son prédécesseur, Didier Ratsiraka – et le suspectent de vouloir favoriser les partenariats économiques avec les États-Unis, l’Allemagne ou le Royaume-Uni au détriment de l’ancienne puissance coloniale. Si l’Organisation internationale de la Francophonie s’est gardée de commenter le référendum, certains n’ont pas caché leur déception suite à la « constitutionnalisation » de l’anglais, perçue comme une lubie présidentielle plus qu’une nécessité.
Si les institutions internationales entretiennent des rapports plutôt bons avec Antananarivo, un incident survenu en juillet 2007 a failli donner lieu à une crise entre le gouvernement et le FMI. Le 12 juillet 2007, le président Ravalomanana a menacé de rompre ses relations avec Bretton Woods pour manifester son irritation à l’égard du FMI. Le contentieux est né à la suite de l’annonce d’une amnistie fiscale décrétée à la veille de la fête de l’indépendance, le 25 juin 2007. Dans son discours à la nation, le chef de l’État a officialisé l’effacement pur et simple des dettes contractées vis-à-vis du fisc par les personnes et les sociétés ayant omis de payer leurs impôts depuis plusieurs années. Étaient également concernées les infractions concernant les droits de douanes ainsi que le rapatriement de devises, commises avant le 26 juin 2007. Une sorte de « prime à la casserole » qui, même si elle est destinée à doper les investissements, risque de favoriser l’impunité. La décision a aussitôt suscité l’inquiétude des institutions financières, qui ont exhorté Madagascar à plus de prudence en matière fiscale. Ravalomanana a répliqué en indiquant que son gouvernement s’efforcerait de trouver d’autres sources de financement si le FMI décidait de suspendre son appui aux réformes économiques en cours.
Mais la Grande Île, très dépendante des aides extérieures, ne dispose pas des ressources suffisantes pour s’en passer. Après quelques jours d’indécision, le président a donc choisi de calmer le jeu. Reste que cette passe d’armes aurait pu mettre à mal, du jour au lendemain, les relations, jusqu’ici très courtoises, nouées entre Madagascar et les institutions de Bretton Woods en juillet 2002, au lendemain du changement de régime.
Au-delà de ces frictions avec le FMI, l’amnistie risque de limiter encore un peu plus les recettes fiscales, déjà réduites par l’adhésion du pays à la SADC. En intégrant la Communauté pour le développement de l’Afrique australe en août 2005, Antananarivo a accepté la suppression progressive des droits de douane. Le « plan d’abaissement tarifaire » a entraîné un manque à gagner estimé à 19 milliards d’ariarys (7,7 millions d’euros) pour le budget 2007. Mais la facture va s’alourdir d’ici à 2012, date à laquelle tous les produits échangés entre Madagascar et les pays de la SADC seront exonérés de droits de douane.
Le gouvernement compte bien compenser ces pertes grâce à une croissance régulière du PIB. D’autant que la demande sociale est de plus en plus forte. La Conférence des travailleurs malgaches (CTM) et le patronat se sont mis d’accord, le 10 janvier 2008, sur une revalorisation de 10,16 % du salaire minimum, ce qui porte le SMIC à 70 000 ariarys dans le privé, soit 27,20 euros. Alors que l’inflation s’est située entre 7,5 % et 8 % en 2007 (contre 10,8 % en 2006), les syndicats exigent encore un rattrapage par rapport à l’augmentation du coût de la vie sur les cinq années écoulées. Mais, pour les employeurs, la hausse du coût de l’énergie rend cette option inenvisageable.
La croissance devrait se maintenir en 2008, grâce aux projets miniers en cours. Premier projet, la mine de nickel et de cobalt d’Ambatovy. Le consortium qui en a la charge se compose du canadien Dynatec, de la Koreas Resource Corporation et du japonais Sumitomo. Il prévoit l’exploitation du site proche de Moramanga, au centre du pays, mais aussi la construction d’un pipeline de 220 km pour le transport des boues jusqu’à la côte, la construction d’une usine de traitement et d’une raffinerie de minerai, ainsi que l’extension du port de Toamasina. L’objectif est de produire chaque année 60 000 tonnes de nickel, 5 600 tonnes de cobalt et 190 000 tonnes d’engrais à base de sulfate d’ammonium durant les trente années d’exploitation. Avec un investissement de 3,3 milliards de dollars, la mine d’Ambatovy va contribuer au PIB à hauteur de 7,8 % par an. Le projet permettra la création de 3 800 emplois (2 000 pour la construction, 1 800 pour l’exploitation). Les infrastructures devraient être opérationnelles en février 2010.
Évoqué depuis près de vingt ans, le projet d’extraction d’ilménite à Tolagnaro est lui aussi en train de voir le jour. Qit Madagascar Minerals (QMM), filiale du groupe Rio Tinto, va injecter 850 millions de dollars dans l’exploitation de ces mines, qui devraient assurer à l’État une rente annuelle de 21 millions de dollars. QMM prévoit d’extraire de l’ilménite dès 2009. Les réserves (75 millions de tonnes) pourront satisfaire près de 10 % de la demande mondiale.
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