En plein boom !
En 2008, rien de ce qui se produira en Angola n’échappera au contexte électoral. Après avoir été maintes fois reportées, les élections législatives devraient se tenir les 5 et 6 septembre 2008, et les présidentielles au début de 2009. C’est du moins ce qu’a indiqué à la fin décembre 2007 José Eduardo Dos Santos, depuis vingt-huit ans président du pays et leader du parti au pouvoir, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA). Certes, la Commission nationale électorale (CNE), dominée par le parti d’opposition de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), doit encore valider les dates définitives du scrutin, mais le processus semble déjà bien avancé. Une étape cruciale a été franchie en septembre 2007 avec l’achèvement du recensement électoral mené par la CNE depuis novembre 2006 – avec 7,5 millions d’électeurs inscrits sur un total de 16,4 millions d’habitants.
Pourtant, malgré la perspective de la tenue des premières élections démocratiques depuis l’indépendance (en septembre 1992, les élections n’étaient pas allées jusqu’à leur terme et la guerre civile entre le MPLA et l’Unita avait aussitôt repris), le paysage politique n’a pas subi de bouleversement en 2007. À 65 ans, Dos Santos domine toujours le MPLA, à la tête duquel il devrait être reconduit en 2008, lors du 6e congrès ordinaire. Et, sauf surprise, il se présentera à sa propre succession à la tête de l’État en 2009. De son côté, Isaias Samakuva a été confirmé à sa place de leader incontesté de l’Unita : en juillet 2007, il en a été réélu président avec 73 % des suffrages, devançant largement le jeune député Abel Chivukuvuku. Mais l’Unita, qui cherche sa voie depuis la mort de son chef historique, Jonas Savimbi, en 2002, peine à incarner une alternative politique crédible au MPLA. Lequel, maîtrisant toutes les ressources de l’État, a toutes les chances de remporter les législatives.
L’inertie d’une vie politique pacifiée depuis la fin de la guerre civile (1975-2002) n’empêche pas l’économie angolaise d’afficher un taux de croissance qui donne le tournis à tous les économistes : de 14,6 % en 2006, il est passé à plus de 23 % en 2007. La performance n’est pas juste due au pétrole : c’est un vrai boom ! Membre de l’Opep depuis le 1er mars 2007, l’Angola s’est vu attribué en décembre de la même année un quota de production de 1,9 million de barils/jour. Lequel pourrait néanmoins être rapidement revu à la hausse, étant donné le nombre de nouveaux gisements découverts : en 2007, pas moins de quatre succès ont été enregistrés sur les forages offshore Alho-1, Louro, Cominhos et Colorau. Depuis la fin de la guerre civile, l’Angola a plus que doublé sa production d’or noir, qui représente en 2007 60 % du PIB, 83 % des recettes fiscales et 90 % des exportations du pays. La production des diamants légaux est elle aussi en forte expansion et occupe la deuxième place dans les exportations : estimée à un peu plus de 10 millions de carats par an, elle rapporte à l’État, à travers la société nationale Endiama, environ 1 milliard de dollars de recettes.
Portée par ses exportations, l’économie angolaise demeure pourtant fragile. Si une légère diversification s’est amorcée, notamment grâce au secteur du BTP (3,1 % du PIB), qui a connu 66 % de croissance en 2006, et à celui des services (18,7 % du PIB), la balance commerciale, positive à 35,3 %, reste très inférieure à celle de la Guinée équatoriale (67,7 %) ou du Congo (48 %). Toutefois, le bon niveau des ressources fiscales explique que le Club de Paris n’ait pas encore allégé la dette de l’État angolais à son égard, estimée à 2,3 milliards de dollars. Des discussions à ce sujet sont en cours et pourraient aboutir courant 2008.
Car la dette extérieure angolaise constitue un des principaux freins au développement du pays. Selon la Banque du Portugal, elle atteindrait en 2007 un total cumulé de presque 15 milliards de dollars, soit 31 % du PIB – le Fonds monétaire international (FMI), pour sa part, l’estime à 12,7 % du PIB. Un handicap en partie compensé par l’envolée des cours du pétrole. Celle-ci a permis aux autorités de mettre spectaculairement fin, en février 2007, aux négociations avec le FMI sur un programme d’ajustement macroéconomique un peu trop contraignant, notamment en matière de transparence à l’égard de la rente pétrolière. Le geste, unique dans les annales des institutions de Bretton Woods, peut également s’expliquer par les relations de plus en plus étroites de l’Angola avec le Brésil, qui lui a accordé un prêt de 1 milliard de dollars en 2007. Et, bien sûr, par la coopération toujours plus poussée avec le « partenaire chinois ». Laquelle a bénéficié, en 2007, d’un éclairage inattendu.
Fait assez rare pour être noté dans le brouillard qui entoure d’habitude les relations sino-angolaises, le ministère des Finances a précisé en octobre 2007 que la ligne de crédit accordée par Pékin en 2005, et gagée sur le pétrole, n’était pas de 9,8 milliards de dollars, comme l’avait publié la Banque mondiale au vu des statistiques gouvernementales, mais plutôt de 2,9 milliards ! Face aux accusations de corruption, Aguinaldo Jaime, le ministre adjoint du Premier ministre, a publiquement pris ses distances vis-à-vis de l’arrangement financier, déclarant que « certains de ces prêts ne doivent pas être remboursés. C’est très politique, probablement négocié au plus haut niveau ». À un niveau où, néanmoins, l’importance des prêts chinois semble redessiner les hiérarchies : le 20 septembre 2007, soit un mois avant la déclaration du ministère des Finances, l’ex-numéro deux du régime, le général Miala, était condamné à quatre ans de prison ferme pour insubordination. La guerre pour la succession de Dos Santos pourrait être déjà ouverte. Et réserver de belles surprises pour 2008.
Quoi qu’il en soit, le nombre de Chinois présents en Angola augmente constamment. Rivalisant en effectifs avec les 47 000 résidents portugais, la communauté chinoise rassemble entre 20 000 et 30 000 individus, très actifs dans la reconstruction des infrastructures détruites par la guerre civile. Un millier d’entre eux, notamment, se sont attelés à la réhabilitation des 1 500 kilomètres de voie ferrée entre Benguela (Ouest) et la République démocratique du Congo (RDC), avec laquelle les échanges reprennent déjà grâce à la réouverture de la route menant à Lumbula N’guimbo (Est), en septembre 2007.
Les Chinois ne sont pas les seuls à investir en Angola. Avec 1,9 milliard de dollars d’investissements directs étrangers en 2007, le pays figure au cinquième rang des pays africains. La Chine, les États-Unis, le Brésil et le Portugal se livrent une âpre concurrence pour décrocher des contrats dans les hydrocarbures et le BTP. Quant à la France, qui importe 10 % du pétrole angolais, elle espère faire en 2008 son grand retour parmi les premiers partenaires économiques de l’Angola. Les relations franco-angolaises se sont nettement réchauffées après l’élection du président Nicolas Sarkozy, qui a déclaré, en septembre 2007, que la page des mauvaises relations entre la France et l’Angola était « définitivement tournée », précisant que son homologue angolais l’avait « invité à [se] rendre en Angola au début de 2008 ». Mais le procès de l’affaire de vente d’armes connue sous le nom d’Angolagate, qui doit se tenir en France courant 2008, pourrait tout compliquer.
Sur le plan de la politique extérieure, Luanda n’a pas encore les moyens de ses ambitions et ne participe toujours pas aux opérations de maintien de la paix sur le continent, même s’il a été nommé pour trois ans, à compter de mars 2007, au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA). Pragmatique, le gouvernement a aussi décidé, le 19 août 2007, de reporter son intégration à la zone de libre-échange de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui doit être effective courant 2008. Enfin, malgré quelques troubles sporadiques, la paix semble être revenue dans l’enclave du Cabinda.
Reste le vrai défi des autorités angolaises : l’amélioration des conditions de vie des populations. Alors que les prix de l’immobilier s’envolent à Luanda, on expulse à tour de bras et les bidonvilles se multiplient dans la capitale (voir encadré). En 2007, le pays a même reculé d’un rang dans le classement du Pnud selon l’indice de développement humain, où il figure désormais à la 162e place sur 177. Le pays est toujours classé au 142e rang sur 163 pays par Transparency International, et affiche le taux de corruption le plus élevé d’Afrique australe. 70 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, et le choléra n’est pas totalement éradiqué… Bref, pour la majorité des Angolais, la situation tarde à s’améliorer.
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