Un régime sur la défensive
Les tensions persistent entre l’Érythrée et son grand voisin éthiopien. Plus de sept ans après la fin du conflit armé qui, entre 1998 et 2000, a opposé Asmara à Addis-Abeba au sujet du tracé de leur frontière commune, un retour à la normale entre les deux « frères ennemis » de la Corne de l’Afrique est moins que jamais à l’ordre du jour. L’Éthiopie conteste toujours la décision de la Cour internationale de justice de La Haye d’avril 2002, selon laquelle la minuscule localité de Badme (5 000 habitants), qu’elle administre depuis des décennies, doit revenir sous souveraineté érythréenne. De son côté, Asmara refuse de reprendre les négociations avec son voisin, l’accusant, par son attitude, de violer le droit international. Et préfère jouer son va-tout en maintenant ses troupes le long de la frontière : 4 000 hommes seraient ainsi massés à l’intérieur même de la zone tampon supposée être neutre, et 120 000 le long des 1 000 km de frontière commune (ils seraient presque autant du côté éthiopien).
Sur le front intérieur, la militarisation de la vie politique et sociale érythréenne demeure extrême : au moins un quart du budget national est consacré à la défense du pays, tandis que près de 400 000 hommes de 18 à 45 ans (soit environ 1 homme sur 5 !) sont enrôlés, de gré ou de force, dans l’armée.
Dans ce contexte de crise permanente, le président Issayas Afewerki continue d’abriter les mouvements éthiopiens séparatistes hostiles au pouvoir du Premier ministre Mélès Zenawi (rebelles du Front de libération Oromo et du Front national de libération de l’Ogaden). Depuis le début de l’année 2007, Asmara offre également un soutien logistique et militaire actif aux insurgés somaliens – dont, notamment, des miliciens islamistes – en lutte contre les troupes d’Addis-Abeba alliées au gouvernement de transition somalien du président Abdallah Youssouf Ahmed. Un jeu qui n’est toutefois pas sans danger puisqu’il pourrait conduire Washington, dont Zenawi est aujourd’hui le principal allié dans la région, à inscrire l’Érythrée sur la liste noire des États soutenant le terrorisme.
Sur le plan social, le pays est à bout de souffle. La liberté d’expression est plus que jamais inexistante. L’Érythrée détient ainsi le triste record du pays le plus répressif au monde en matière de liberté de la presse, selon le rapport de Reporters sans frontières publié en octobre 2007.
L’économie, caractérisée par un dirigisme étatique extrême, manque cruellement d’investissements étrangers. L’Érythrée produit à peine plus de la moitié de ses besoins alimentaires (notamment du fait que la conscription a vidé les campagnes d’une grande partie de sa main-d’œuvre agricole). Le montant des exportations est 40 fois inférieur à celui des importations. L’économie est en outre fragilisée par la flambée des cours du pétrole, qui provoque de graves pénuries d’essence et de devises. Au final, le pays survit en grande partie grâce aux transferts financiers – estimés à 400 millions de dollars par an – des quelque 800 000 Érythréens vivant à l’étranger et à l’assistance humanitaire. Mais sur ce dernier point, les autorités, jalouses de leur indépendance chèrement acquise en 1993 et plus que jamais sur la défensive, refusent toute aide internationale conditionnée. Même si la survie d’un tiers des Érythréens en dépend.
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