Le consensus malgré tout

Publié le 26 novembre 2008 Lecture : 6 minutes.

L’année des rendez-vous manqués ? Bien des Gabonais pourraient le penser, au regard des événements qui ont jalonné 2007. Sur le plan politique, d’abord, majorité et opposition ne sont pas parvenues à s’entendre sur la refonte du fichier électoral. Afin d’en finir avec les fraudes, les adversaires du régime souhaitaient que des informations biométriques soient utilisées pour identifier les électeurs. La majorité n’y a d’abord vu aucune objection. Le gouvernement a même fait adopter une ordonnance en ce sens en août 2007… avant de faire volte-face quelques semaines plus tard, remisant le dispositif au placard sous prétexte qu’il était coûteux et difficile à mettre en place. Il n’en fallait pas plus pour que l’opposition dénonce une « manœuvre visant à perpétuer le système de fraude ». Et menace de boycotter les élections municipales. Initialement prévu pour le 13 janvier 2008 au plus tard, le scrutin a été reporté au mois d’avril par la Cour constitutionnelle. Dans les états-majors des partis, on se met en ordre de bataille, prêts à dénoncer le moindre faux pas du gouvernement mis en place le 28 décembre 2007.

Un important renouvellement de l’équipe gouvernementale avait en effet été promis par le président Omar Bongo Ondimba, le 2 décembre, lors d’un discours enflammé au cours duquel il avait accusé la classe politique de « manquer de probité » et d’avoir fait « main basse » sur l’argent de l’État. Il avait même déclaré que ce nouveau gouvernement « de missions » serait régulièrement évalué par lui-même.

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À l’arrivée, l’ampleur du séisme annoncé n’a été que très relative, même si celui-ci a laissé quelques caciques du régime sur le carreau. Parmi les ministres débarqués figurent Paulette Missambo, ministre d’État en charge de la Santé, et le vice-Premier ministre Emmanuel Ondo Methogo. Réduit à 42 membres, contre 51 précédemment, le cabinet ne compte plus que trois vice-Premiers ministres. En revanche, certains, aux affaires depuis plus de dix ans, ont finalement conservé leur poste ou en ont trouvé un autre. Le chef de l’État n’est pas allé aussi loin que ses compatriotes l’auraient souhaité ; ces derniers ont dû se contenter d’un léger coup de balai.

L’année 2007 aurait pu, à la faveur de ce remaniement, enregistrer l’entrée au gouvernement du chef de l’opposition, Pierre Mamboundou. Mais les négociations entre le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) et les représentants de l’Union du peuple gabonais (UPG) ont achoppé sur les missions des ministères qui étaient proposés à l’UPG au sein du gouvernement dirigé par Jean Eyeghe Ndong. Estimant que ces postes ne correspondaient pas à leurs attentes, les opposants ont préféré jeter l’éponge.

Si l’opposition a été courtisée, la majorité, de son côté, a connu des secousses. Assiste-t-on à une prise de conscience de la nécessité de combattre l’impunité ? Hervé Fulgence Ossamy, l’ancien directeur général de Gabon Télécom, a été incarcéré le 18 décembre 2007 pour détournements de fonds. Le 8 janvier 2008, c’était au tour d’Alain-Claude Bilié-Bi-Nzé d’être mis en détention, peu après son départ du gouvernement. Affilié au Rassemblement pour le Gabon (RPG) du vice-Premier ministre Paul Mba Abessole et ex-ministre délégué aux Transports, celui-ci a été poursuivi pour une banale affaire de chèque sans provision.

Sur le plan économique, malgré l’amélioration de la santé des finances publiques – essentiellement due à l’augmentation régulière des recettes pétrolières depuis 2003 –, de nombreux dossiers n’ont pas connu l’avancement souhaité. C’est le cas de la privatisation de Gabon Télécom, dont 51 % du capital ont été cédés à Maroc Télécom en février 2007. Le feuilleton à rebondissements de ce « bradage » a défrayé la chronique et suscité des débats houleux au Parlement. L’annonce d’un plan de départs volontaires a en outre déclenché une grève de trois semaines. Selon le repreneur, le maintien des 1 300 employés représente une charge difficile à supporter. Maroc Télécom ayant trouvé les comptes en plus mauvais état qu’ils ne lui avaient été présentés lors de la convention de cession, l’entreprise chérifienne peine à mettre en place une stratégie de croissance, malgré la baisse des tarifs de 60 % pour le téléphone fixe et le lancement de nouvelles offres commerciales pour Libertis, sa filiale spécialisée dans le mobile.

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Dans la même veine, Gabon Airlines, la nouvelle compagnie aérienne créée en partenariat avec Ethiopian Airlines par des privés gabonais regroupés autour de Christian Bongo, fils du chef de l’État et directeur de la Banque gabonaise de développement, décolle bien poussivement. Si elle relie effectivement la capitale gabonaise à Paris depuis avril 2007, son plan de développement prévoyait l’ouverture d’escales à Dubaï, Johannesburg, Abidjan, Addis-Abeba, Lagos, Luanda et plusieurs autres grandes villes d’Afrique centrale. Il était également question de se lancer dans le transport de fret, à travers la filiale Gabon Airlines Cargo créée en mars 2007. Neuf mois après, la compagnie n’a inauguré qu’une desserte sur Pointe-Noire, au Congo, le 15 janvier. Cette nouvelle liaison est l’une des premières réalisations du comité de direction piloté en duo par les Français André Giacomoni et Jean-Baptiste Tomi. Ceux-ci ont aussi revu le plan de développement établi par l’ancienne équipe, mis en service deux Boeing 767-200 sur la ligne Libreville-Paris, et envisagent d’acquérir des biréacteurs moyen-courriers pour les liaisons interafricaines.

2007 aura aussi été l’année de nouveaux développements pour le grand projet d’exploitation du gisement de fer de Belinga (Nord-Est), malgré les coups de boutoir des ONG. Celles-ci ont obtenu du gouvernement une meilleure prise en compte de la protection de la nature et de la biodiversité. Et, le 6 décembre 2007, l’État a fait passer sa participation de 10 % à 25 % dans le capital de la Compagnie minière de Belinga (Comibel), la société d’exploitation du gisement, dont un consortium chinois détient la majorité des parts. Le chantier d’aménagement de la mine doit démarrer au cours de cette année. Il comporte aussi la construction d’un chemin de fer long de 560 kilomètres, d’un port commercial et minéralier en eau profonde et d’un barrage hydroélectrique.

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C’est notamment grâce au secteur minier que l’année 2008 s’annonce bien meilleure sur le plan économique. La Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog) devrait voir son chiffre d’affaires augmenter largement cette année encore. Cette filiale du groupe français Eramet entend profiter de la forte demande de la production mondiale d’acier, soutenue par la Chine (+ 20 %), mais aussi l’Inde (+ 17 %), l’Europe (+ 6 %) et l’Amérique du Nord (+ 4 %), selon les dirigeants de l’entreprise créée en 1953 à Moanda (Sud-Est). Aussi la Comilog envisage-t-elle tout naturellement de porter sa production à 4 millions de tonnes en 2008, soit une hausse de 6 % par rapport à l’année écoulée.

Le gisement de Moanda, qui représente 30 % des réserves mondiales de manganèse, a fini par attirer le géant australien BHP-Billiton. Son implantation, officialisée en juillet dernier, devrait consolider le regain de forme de l’industrie minière gabonaise. La major australienne va exploiter les gisements de manganèse d’Okondja et de Moanda dans le Haut-Ogooué, avec de belles perspectives d’emplois et une augmentation des revenus miniers.

Par ailleurs, le pays a démarré l’année en trombe sur le plan financier avec le lancement d’un emprunt obligataire à la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (­BVMAC), qui a permis de lever 81,5 milliards de F CFA. L’emprunt obligataire « État gabonais 5,50 % 2007-2012 » servira à racheter les dettes contractées par le pays auprès du Club de Paris en même temps qu’il aura contribué à lancer les activités de la BVMAC. Preuve que la conjoncture gabonaise inspire de nouveau confiance, une banque d’investissement libyenne, déjà présente au Tchad, a entamé à Libreville la construction d’un complexe hôtelier de 200 chambres sur le front de mer.

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