De gros chantiers en perspective
Après une année noire, marquée notamment par des heurts violents dans le Bas-Congo et la capitale, par une crise sécuritaire majeure dans le Nord-Kivu et par une austérité budgétaire renforcée, la République démocratique du Congo a abordé 2008 avec plus de sérénité. Avec quelques bonnes perspectives, mais également des dossiers sensibles à gérer.
Sur le plan politique, 2007 avait plutôt mal commencé. Les affrontements meurtriers survenus fin janvier 2007 dans le Bas-Congo entre des membres de la secte politico-religieuse Bundu Dia Kongo et les forces de l’ordre avaient été suivis, les 22 et 23 mars à Kinshasa, de combats encore plus sanglants entre la garde présidentielle et le détachement commis à la sécurité personnelle de l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba. Ce qui avait fait craindre une dérive autocratique du pouvoir. L’élection à la tête du Sénat de Kengo Wa Dondo, un ancien cacique du mobutisme, a toutefois permis de rétablir un certain équilibre entre le pouvoir et l’opposition. Reste cependant à régler le sort de Bemba, qui vit en « exil » au Portugal depuis le 11 avril 2007 et qui refuse de rentrer tant que sa sécurité n’est pas assurée. Obtiendra-t-il gain de cause ? Rien n’est moins sûr.
Élections locales, municipales, urbaines… Pas moins de six scrutins – dont deux au suffrage universel direct – auront lieu en 2008. Les Congolais choisiront ainsi directement leurs conseillers municipaux et leurs conseillers de secteur ou de chefferie. Lesquels éliront à leur tour les maires et leurs adjoints, les chefs de secteurs ou de chefferies ainsi que les bourgmestres. Le calendrier électoral ne sera définitivement fixé qu’après le vote d’une série de lois (dont celle sur la décentralisation), la mise en place de la Commission électorale nationale indépendante et le bouclage du budget nécessaire à l’organisation des scrutins – estimé à 120 millions de dollars, dont 49 millions seront apportés par l’État. Ces élections, dont l’organisation reste un défi, seront un véritable test pour le pouvoir. D’où l’urgence de voir un début de réalisation des grands chantiers présidentiels.
Avec les bailleurs de fonds, les choses semblent s’arranger. Tout porte à croire, en effet, que la RD Congo renouera avec le Fonds monétaire international en 2008, le bilan du programme de référence mis en place en 2007 pour six mois ayant été jugé globalement positif. Ces retrouvailles devraient permettre de lancer un nouveau programme triennal au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC). Une bouffée d’oxygène pour le budget de l’État, arrêté à 3,6 milliards de dollars, qui pourra bénéficier de la contribution des bailleurs de fonds à hauteur de 40 %. Outre cet appui budgétaire dont la RD Congo a bien besoin, l’accord devrait permettre d’atteindre le point d’achèvement de l’Initiative PPTE (pays pauvres très endettés) en décembre prochain, si les engagements sont respectés. À la clef, un allégement de 90 % de la dette publique extérieure, estimée à 14 milliards de dollars.
Sur le plan macroéconomique, alors que l’année 2007 s’est achevée sur un bilan plutôt positif, avec un taux de croissance s’élevant à 6,5 % mais avec une inflation atteignant 10 %, les perspectives pour 2008 s’avèrent encourageantes. La banque centrale du Congo table ainsi sur un taux de croissance de 8 %. Pour y parvenir, les autorités devront toutefois faire preuve de bonne gouvernance et s’attacher à améliorer l’environnement des affaires, jugé encore très contraignant. La RD Congo occupe d’ailleurs une des dernières places du classement Doing business de la Banque mondiale. Mais des efforts ont été annoncés, à commencer par l’adhésion du pays à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada).
Parmi les autres obstacles à l’investissement figurent les infrastructures de transport terrestre (routes et voies ferrées) et l’énergie, véritables points noirs du pays. 2008 verra heureusement le lancement de quelques grands chantiers, en partie grâce aux 4 milliards de dollars d’engagements annoncés à Paris par les partenaires au développement, les 29 et 30 novembre dernier. Une partie de cette enveloppe servira à financer le plan d’actions prioritaires du gouvernement adopté en juin 2007, dont l’un des volets est axé sur le renforcement des capacités de l’État, et l’autre sur l’agriculture, les services sociaux, les infrastructures de base et l’énergie. Pour réhabiliter ses infrastructures, la RD Congo peut aussi compter sur la Chine, qui s’est engagée à lui verser 5 milliards de dollars, dont 3 milliards seront consacrés à la réfection et à la construction de routes et de voies ferrées ainsi qu’à des travaux de voirie urbaine. Un endettement, en partie remboursable par des titres miniers, qui inquiète le FMI. Mais la présence chinoise crée une certaine émulation, obligeant les partenaires classiques à être plus offensifs.
Le rétablissement de la paix dans l’Est, où sévissent encore des groupes armés locaux et étrangers, figurera-t-il enfin sur l’agenda de cette année ? Éternelle question. La situation sécuritaire s’est certes améliorée en Ituri, où le processus de démobilisation, de désarmement et de réinsertion (DDR) ainsi que le brassage d’ex-miliciens dans des brigades mixtes ont enregistré des progrès notables. Autres avancées à souligner, qui augurent la fin de l’impunité des chefs de guerre : le transfert à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye de Germain Katanga, ex-chef des Forces de résistance patriotiques en Ituri, et le jugement en mars 2008 par la CPI de Thomas Lubanga, ancien chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo.
Toutefois, dans le Nord-Kivu, la situation sécuritaire a empiré suite aux exactions des troupes du général dissident Laurent Nkunda, qui refuse d’incorporer ses soldats aux Forces armées de RD Congo (FARDC) pour être libre d’assurer la défense de la communauté tutsie dont il est issu. Après avoir proposé la solution du mixage, c’est-à-dire l’intégration de ses troupes au sein des FARDC dans des brigades non brassées et positionnées au Nord-Kivu, Nkunda est revenu sur sa décision. D’où la reprise des combats, qui s’est soldée par de nombreux morts et blessés et d’importants déplacements de populations. Nkunda exige au préalable le démantèlement des milices hutues rwandaises, regroupées au sein des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et accusées par Kigali d’avoir participé au génocide de 1994. Il estime que leur présence sur le territoire congolais menace directement la sécurité des populations tutsies.
Pour rétablir la paix dans l’est du pays et plus largement dans la région des Grands Lacs, le gouvernement congolais table sur une solution politique et diplomatique, impliquant le soutien massif de la communauté internationale. Des engagements allant dans ce sens ont été pris. Lors de la réunion régionale tripartite, qui a eu lieu à Nairobi le 9 novembre 2007, Kinshasa s’est ainsi engagé à mettre en œuvre un plan de désarmement des rebelles hutus, tandis que Kigali a promis de s’abstenir de tout soutien à des groupes armés en RD Congo, en particulier aux troupes de Nkunda. À l’issue de la rencontre, un bureau opérationnel permanent du Groupe conjoint de suivi a été mis en place.
Initiée par le chef de l’État congolais, la conférence sur la paix, la sécurité et le développement du Nord et du Sud-Kivu s’est tenue à Goma en janvier dernier, réunissant quelque 1 500 participants issus des communautés locales et des groupes armés, mais aussi des représentants des Nations unies, des États-Unis, de l’Union européenne, de l’Union africaine et d’ambassades européennes. Cette rencontre a permis d’engager un dialogue entre les communautés locales et le gouvernement. Reste à appliquer les mesures prises lors de ces deux conférences.
Dans la mise en œuvre du plan de désarmement des rebelles hutus, Kinshasa peut compter sur l’appui de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc), dont le mandat a été prolongé jusqu’en décembre prochain. Toutefois, le succès de cette opération dépend en grande partie de la capacité des FARDC à mener à bien leur mission. Ce qui n’est pas gagné d’avance.
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