Au royaume de Jammeh

Publié le 25 novembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Quatorze ans après son arrivée au pouvoir à la faveur d’un coup d’État, le président Yahya Jammeh multiplie les dérives. Celui qui, lors de la campagne électorale controversée de 2006, déclarait sans sourciller être à la tête de la Gambie « pour encore au moins quarante ans », semble plus que jamais décidé à s’ouvrir la voie à une présidence à vie. Par tous les moyens. Intimidations et arrestations de journalistes et d’hommes politiques de tous bords, purges successives au sein de l’armée et violations récurrentes des droits de l’homme se multiplient dans ce petit pays de 1,5 million d’habitants, entretenant un climat de crainte.

Le numéro un gambien se plaît également à soigner sa popularité auprès de ses concitoyens en recourant au mysticisme le plus excentrique. En janvier 2007, il a ainsi inauguré, devant les caméras de la chaîne nationale, une série de séances « médicales » supposées guérir des malades atteints du sida grâce à un cocktail de plantes médicinales… de son cru. Il a expulsé dans la foulée la représentante de l’ONU à Banjul, qui avait osé émettre des doutes quand aux effets thérapeutiques de son remède miracle. On ne critique pas impunément un chef qui aime à s’afficher comme « don de Dieu » à la Gambie…

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En dépit de ce climat politique délétère, Banjul affiche des performances économiques plus qu’honorables. En 2007, la hausse du produit intérieur brut (PIB) s’est ainsi établie à 7 %. Et, depuis cinq ans, la croissance oscille entre 5 % et 7 % en rythme annuel – un chiffre deux à trois fois supérieur à celui de l’augmentation de la population. Le pays tire l’essentiel de ses ressources du commerce (réexportations vers les pays de la région), du tourisme (qui, avec plus de 100 000 visiteurs par an, génère 20 % du PIB et occupe un pourcentage presque équivalent de la population active) et de l’agriculture, activité vitale s’il en est, dans un pays où plus des trois quarts de la population vivent de la terre. Le secteur primaire repose sur l’arachide (60 % des exportations du pays), les produits de la mer et les fruits et légumes. L’inflation est maîtrisée (son taux avoisine désormais 2 %) et le secteur bancaire, longtemps embryonnaire, se développe progressivement, notamment avec l’ouverture, en décembre 2007, d’une filiale du groupe Ecobank dans la capitale.

D’un point de vue social, toutefois, les résultats sont nettement plus mitigés. En dépit d’une hausse de 40 % du PIB en cinq ans, le niveau de vie des Gambiens ne parvient toujours pas à décoller. Dans le classement selon l’indice de développement humain établi par le Pnud, la Gambie n’arrive qu’à la 155e place, sur 177 pays. Le revenu moyen par habitant dépasse à peine les 300 dollars, soit la moitié de celui du Sénégal voisin. Dans ce contexte morose, la hausse de 30 % du prix de certaines denrées de première nécessité – dont le riz – en milieu d’année passée a fait grincer bien des dents. D’autant que les deux tiers de la population vivent encore en dessous du seuil d’extrême pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1 dollar par jour.

Certains préfèrent donc tenter leur chance ailleurs. D’autant que la Gambie, petit pays anglophone enclavé dans le Sénégal, ne fait pas partie du dispositif européen de surveillance des côtes Frontex. Si bien que ses plages sont devenues ces derniers mois l’un des points de départ privilégiés pour les clandestins d’Afrique de l’Ouest désireux de gagner l’archipel des Canaries. Ainsi, une pirogue transportant 188 candidats à l’immigration clandestine a été interceptée fin août au large de Banjul.

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