Promesses des uns, espoirs des autres
La junte a tenu sa promesse. Vingt mois après le renversement de Maaouiya Ould Taya, le 3 août 2005, les Mauritaniens ont pu élire leur président. Le 25 mars 2007, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, un technocrate plus qu’un politicien, a ainsi été élu face à Ahmed Ould Daddah, opposant historique au dictateur déchu, au cours d’un scrutin dont la transparence a été saluée par la communauté internationale.
Aux commandes de cette nouvelle démocratie africaine, dans laquelle les bailleurs de fonds ont placé beaucoup d’espoirs, lui promettant en décembre des dons à hauteur de 2,1 milliards de dollars, le nouvel homme fort de Nouakchott n’a toutefois, aux yeux des Mauritaniens, pas été à la hauteur de l’attente. Après vingt mois d’une transition exaltante avec la démocratie en ligne de mire, la Mauritanie a fait un grand saut dans l’inconnu. La production pétrolière, qui promettait d’ériger le pays au rang de « Dubaï de l’Afrique » – c’est du moins ce que croyaient ses 3 millions d’habitants –, a chuté à 13 000 barils par jour, contre 75 000 attendus. Pour des raisons techniques, expliquent les spécialistes. L’avènement de la démocratie ne s’est pas accompagné d’une amélioration des conditions de vie : en juillet et août, les coupures d’eau et de courant se sont multipliées. Et l’image de la paisible nation posée au cœur des dunes a été écornée par quelques dures réalités : des saisies de cocaïne, en avril et mai, ont révélé son rôle de plaque tournante du trafic de drogue ouest-africain ainsi que la faiblesse du système de sécurité ; des émeutes populaires contre la cherté de la vie, en novembre, ont coûté la vie à un jeune homme ; l’assassinat de quatre touristes français, le 24 décembre, par des présumés islamistes puis, trois jours plus tard, de trois militaires mauritaniens dans le Nord a rappelé aux chantres de la lutte contre le terrorisme que Nouakchott pouvait aussi figurer sur la carte des zones à risque.
« Depuis que nous avons la démocratie, nous n’avons plus ni la stabilité ni la sécurité », se lamente un habitant de la capitale. Rompus au pouvoir autoritaire d’un chef militaire, les Mauritaniens se trouvent quelque peu déboussolés par ce régime présidé par un sage – Sidi Ould Cheikh Abdallahi, très religieux, est issu d’une famille maraboutique – plus enclin à l’écoute et au dialogue qu’aux coups de force. Effectives, la libéralisation des médias, la rationalisation et l’évaluation du travail de l’administration et la lutte contre la corruption n’ont, hélas, pas encore produit leurs effets. Au point que certains regrettent cette époque où « Maaouiya » dirigeait son peuple d’une main de fer.
Grande promesse du nouveau chef de l’État, le retour des réfugiés négro-mauritaniens exilés au Mali et au Sénégal depuis près de vingt ans a débuté en janvier, suscitant l’inquiétude de quelques-uns des Maures les plus extrémistes, qui craignent pour leurs privilèges économiques et sociaux. En novembre, l’examen du « passif humanitaire » – euphémisme désignant les exactions perpétrées contre les Négro-Mauritaniens au tournant des années 1990 – ne les a pas rassurés. Les victimes et leurs familles, elles, exigent une réparation financière et symbolique. La réconciliation de la société mauritanienne est sans doute le plus grand chantier du nouveau pouvoir, avec l’impérieuse nécessité d’une élévation du niveau de vie. Une doléance de la population que Sidi Ould Cheikh Abdallahi, qui a coutume de répéter que « pauvreté et démocratie ne font pas bon ménage », devra prendre en compte. Restera à la satisfaire.
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