Sida, paludisme…
des raisons d’espérer

La lutte contre les pandémies qui ravagent l’Afrique connaît des progrès encore limités, mais encourageants, notamment en matière de prévention.

Publié le 24 novembre 2008 Lecture : 6 minutes.

Et si 2007 avait été une année charnière ? Pour la première fois, de bonnes nouvelles sont survenues concernant les grandes épidémies qui meurtrissent le continent. Après des décennies de désintérêt total envers le paludisme, qui tue un enfant toutes les trente secondes au sud du Sahara, et quelques années après la multiplication d’initiatives isolées dans la lutte contre le sida, les actions semblent désormais plus adaptées et plus concertées.

En témoigne l’orientation récemment prise par la lutte contre la malaria, qui bénéficie à nouveau de l’intérêt des bailleurs internationaux, et donc d’une mobilisation de fonds plus importante, notamment grâce au regroupement de pathologies opéré à travers le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Le Fonds est la plus importante source de financement pour lutter contre cette maladie. Il a accordé des subventions d’un montant total de 2,6 milliards de dollars sur cinq ans, pour 117 projets dans 85 pays. Mais surtout, ces subsides ont visé des programmes dispensant ce que l’on sait aujourd’hui être le meilleur rempart contre cette maladie : les moustiquaires imprégnées d’insecticide – pour protéger les familles et particulièrement les enfants contre la transmission du parasite – et les traitements combinés à base d’artémisinine (ACT). Des ACT dont on connaît les vertus thérapeutiques depuis longtemps mais dont le prix était rédhibitoire. Les États n’avaient donc d’autre choix que de maintenir en première ligne de traitement les protocoles thérapeutiques traditionnels, auxquels le paludisme était résistant. Les campagnes de lobbying menées par plusieurs structures, dont Médecins sans frontières, pour faciliter l’accès aux ACT ont porté leurs fruits : plus de vingt pays les recommandent désormais en première ligne. Des négociations avec les laboratoires, via des organisations humanitaires ou des fondations comme celle de l’ancien président américain Bill Clinton, ainsi que la prise en charge financière du traitement par des structures internationales ont également facilité cet accès aux ACT. Surtout, la collaboration entre le laboratoire Sanofi Aventis et DNDi (Drugs for Neglected Diseases Initiative, une organisation créée en 2003 pour favoriser la recherche sur les maladies négligées) a permis la mise au point d’un ACT commercialisé dans les pays en développement depuis mars 2007 à un prix « sans profit ni perte », à savoir 0,5 dollar le traitement pédiatrique, et 1 dollar pour l’adulte. Outre son coût réduit, il est facile à administrer puisque la dose pédiatrique est d’un comprimé quotidien pendant trois jours, et de deux comprimés pour les adultes. Or, il est désormais unanimement accepté que la facilité de prise d’un traitement favorise la bonne adhérence des patients. Ce traitement a d’ores et déjà été approuvé dans 21 des 23 pays où un dossier a été déposé. Son développement est d’autant plus important pour le continent africain, où le paludisme demeure la principale cause de mortalité des enfants de moins de cinq ans et où il réduit d’environ 1,3 % par an le taux de croissance, que la recherche, même si elle se révèle de plus en plus active, ne devrait pas aboutir à un vaccin à court terme. Le seul moyen de prévention aujourd’hui efficace est la moustiquaire imprégnée. Là encore, les tergiversations ont été longues quant à savoir à quel prix il fallait la vendre – selon le principe de responsabilisation du propriétaire, ce dernier ne pourra pas apprécier l’utilité de sa moustiquaire s’il ne l’a pas achetée… Jusqu’à ce que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) publie, en août 2007, de nouvelles recommandations à ce sujet. Pour la première fois, elle s’est prononcée en faveur de la gratuité, après les excellents résultats obtenus au Kenya. En distribuant gratuitement et massivement des moustiquaires dans les foyers, il a été observé une diminution de 44 % des décès d’enfants par rapport aux familles non protégées. Avec cette nouvelle politique et la bonne gestion des fonds distribués, des progrès spectaculaires sont réalisés. Au Zanzibar, par exemple, où le caractère insulaire permet de circonscrire plus facilement la maladie, les décès liés au paludisme ont diminué de 95 %. Sur la partie continentale de la Tanzanie, dans le bassin du fleuve Limpopo en Afrique du Sud ou dans d’autres pays comme le Rwanda, on assiste à des diminutions de mortalité et de morbidité liées au paludisme de 40 % à 80 %. Ces résultats s’obtiennent dès lors que l’on atteint un taux de couverture en moustiquaires de l’ordre de 60 % des besoins.

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La lutte contre le sida a également obtenu des résultats encourageants, même si les moyens permettant de sortir de la spirale des décès et des contaminations sont plus compliqués à mettre en œuvre. L’Afrique subsaharienne reste la région la plus touchée par le virus, avec 68 % des 33,2 millions de personnes séropositives recensées dans le monde, 76 % des décès et 63 % des nouvelles contaminations en 2007. Ces chiffres, à l’échelle mondiale, sont moins importants que ceux de 2006. Mais il faut appréhender ce recul avec prudence : l’OMS et l’Onusida, grâce à des méthodes plus fiables et plus précises, ont pu affiner leurs statistiques. Ce qui signifie que, même si l’épidémie est légèrement moins étendue que ce que l’on pensait, elle reste en progression par rapport à 2001 : les questions d’accès à la prévention, aux soins et aux traitements sont toujours d’actualité. Même si elles commencent à trouver certaines réponses. Ainsi, selon le Fonds, le taux de couverture en antirétroviraux (ARV) en Afrique subsaharienne approche 30 % des besoins estimés. Mais cette nouvelle, plutôt encourageante si l’on se rappelle qu’en 2002 ce chiffre était voisin de zéro, cache de nouvelles problématiques : celle des traitements pédiatriques, par exemple, qui restent très peu accessibles, et surtout celle du dépistage. Car jusqu’à maintenant, les personnes mises sous traitement sont celles qui découvrent qu’elles sont séropositives à l’occasion d’une pathologie due au sida. L’enjeu est donc de mettre en place des politiques de dépistage volontaristes où, à l’occasion de chaque consultation médicale, quel qu’en soit le motif, un test soit proposé.

Ces initiatives doivent être accompagnées de politiques de santé fiables, garantissant la capacité de l’État à prendre en charge une personne séropositive. Car on sait combien l’absence de perspective de soins et de traitements est un obstacle au dépistage. L’expérience du Lesotho, qui a proposé ce dépistage de manière systématique à tous ses habitants après avoir lancé une politique nationale et gratuite d’accès aux ARV, montre que c’est possible.

Toutefois, pour atteindre l’objectif de l’accès universel aux soins et aux traitements du sida d’ici à 2010, comme l’ambitionne la communauté internationale, il faudra poursuivre ces efforts. Les collaborations qui se sont mises en place ces deux dernières années sont à ce titre très intéressantes. Mis en avant par le nouveau directeur du Fonds mondial, le professeur Michel Kazatchkine, le travail conjoint entre agences des Nations unies s’améliore sur le terrain. Le Fonds, outil financier, s’appuie ainsi sur les compétences techniques des autres agences, mais aussi de la société civile et d’organisations internationales, pour épauler les États dans la bonne gestion et l’utilisation de ces fonds. Les actions bilatérales, hormis l’initiative du président américain George W. Bush, le Pepfar, dont la dotation initiale de 15 milliards de dollars sur cinq ans lui confère un caractère exceptionnel, sont désormais de moins en moins encouragées, la politique globale visant à financer le Fonds mondial pour agir efficacement et de manière concertée. À ce Fonds s’associe également le secteur privé : lancé en 2006 par le chanteur Bono, le label Red permet de prélever une certaine somme sur chaque produit labellisé vendu. Red a déjà rapporté 50 millions de dollars au Fonds, ce qui en fait le premier contributeur privé. Ce type d’alliance se retrouve également dans la vaccination infantile avec le partenariat Gavi. Ayant gagné la confiance des donateurs et des bénéficiaires et sachant travailler avec des opérateurs de terrain fiables et solides, ces partenariats permettent de placer la lutte contre les grands fléaux subsahariens à un niveau tel que des résultats positifs ne sont plus utopiques.

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